Les Mauvaises Manières (2018) de Marco Dutra et Juliana Rojas

Co-production franco-brésilienne signée d'un duo qui collabore depuis longtemps et qui se fait enfin remarqué avec ce film orignal. Juliana Rojas et Marco Dutra co-réalisent et co-écrivent ensemble depuis leur premier court métrage "Três Planos, Nove Planos" (1999), jusqu'à leur premier long "Travailler Fatigue" (2011) auquel suivre deux autres films avant de signer ce film qui est qualifié de "fantastique horrifique". On peut préciser qu'on trouve derrière ce film les producteurs français auxquels on doit "L'Amante du Rif" (2011) de Narjiss Nejjar, de "Mobile Home" (2012) de François Pirot ou encore "Une Part d'Ombre" (2017) de Samuel Tilman... Clara, une infirmière noire issue des quartiers pauvres est engagée par Ana, une bourgeoise blanche enceinte qui vit seule dans une tour de standing à sao Paulo. Clara aide d'abord sa patronne pour la cuisine et le ménage en attendant de devenir la nourrice du bébé à arriver. Malgré la différence sociale les deux femmes apprennent à se connaître et Clara s'aperçoit que Ana est atteinte d'un somnambulisme particulier...

Les Mauvaises Manières (2018) de Marco Dutra et Juliana Rojas

La patronne Ana est interprétée par Marjorie Estiano actrice brésilienne populaire surtout via la télévision mais vue sur grand écran dans des films souvent inédit chez nous comme "Malu de Bicicleta" (2011) de Flavio Ramos Tambellini, "Apneia" (2013) de Mauricio Eça, "Beatriz" (2015) de Alberto Graça ou encore "The Seamstress" (2017) de Breno Silveira. L'employée Clara est incarnée par Isabel Zuaa actrice portugaise d'origine angolaise-guinéenne alors très peu connue mais remarquée dans "Joaquim" (2017) de Marcelo Gomes. Citons le jeune Miguel Lobo dans le rôle de Joel le "lycanthrope". Le trio principal porte très largement le film à eux seuls, mais parmi les seconds rôles citons encore Cida Moreira et Andrea Marquee qui se retrouvent après le film "Celui que nous Laisserons" (2012) de Caetano Gotardo... Le film est scindé en deux parties très distinctes, séparéés par un twist tragique, aussi bien dans sa violence que dans l'émotion qu'il renvoie. La première partie est un quasi huis clos où deux femmes que tout oppose apprennent à vivre ensemble, à cohabiter jusqu'à ce qu'un secret troublant rapproche inéluctablement les deux femmes. L'atmosphère pesante et mystérieuse est idéalement posé, un climax qui impose le côté fantastique qu'on attend forcément sans savoir à quoi s'attendre. D'un drame social en filigrane on plonge doucement vers un thriller qui ne dit pas encore son nom. Malheureusement, cette partie a un défaut, celui de l'histoire d'amour, difficile à admettre vu l'écart social avec surtout une Ana très désagréable et hautaine avec une Clara qu'on pourrait aisément croire "intéressée", et si on l'accepte le coup de foudre est particulièrement soudain. Mais le début, très malaisant instaure une atmosphère qui fait son effet et le twist obstétrique est une claque qui marque les esprits, aussi bien dans le gore que dans l'émotion.

Les Mauvaises Manières (2018) de Marco Dutra et Juliana Rojas

La seconde partie débute plutôt mal, les invraisemblances s'accumulent fortement avec une Clara qui réagit trop "aisément", trop "instinctivement, et surtout au vu des événements il est incroyable que la logeuse de Clara ne pose pas plus de questions, et surtout il est incroyable que jamais la police ne semble enquêter sur un drame pourtant sordide et hors norme ! On a l'impression bizarre d'avoir deux films en un, du huis clos au suspense étrange on passe au pur fantastique à la façon d'un "Frankenstein" où un jeune galin doit apprivoiser sa propre nature. Il y a bien quelques incohérences par-ci par-là (une inconnue qui accepte sans sourciller de mentir pour des enfants peut-être en danger, tout un régime sans viande qui paraît pas toujours judicieux, le pire étant une foule trop stupide pour ouvrir une porte dont l'ouverture est de leur côté...) mais on y croit, on s'attache à cette famille en duo dont on sait que l'avenir ne pourra forcément pas être idyllique. Les effets spéciaux sont plutôt convaincants pour un budget loin d'être hollywoodien, avec un petit être sacrément bien incarné par le jeune Miguel Lobo. Les réalisateurs-scénaristes signent un film audacieux et original, au potentiel certain avec différents niveaix de lecture, un récit qui mêlent réalisme social au fantastique qui ne manque pas d'un certain lyrisme et d'une étrangeté assez envoûtante. Il est dommage qu'il y ait tant de maladresses (coup de foudre trop soudain, police absente, porte de la scne finale...) car ce film avait tout d'un bijou aux mélanges des genres certe décousu mais ensorcelant. Précisons que le titre renvoie sûrement aux convenances sociales, où comment savoir se tenir dans la moyenne d'une société qui refuse les orignaux, les êtres particuliers, les hors normes. En conlusion un film qu'on aurait aimé adorer, un film riche sur bien des paramètres, un film à voir et à conseiller même si une déception est pourtant inévitable.

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