Thomas est Amoureux (2001) de Pierre-Paul Renders

Par Seleniecinema @SelenieCinema

Premier long métrage en solo pour Pierre-Paul Renders, cet agrégé de philosophie antique semble vouloir explorer des thématiques en passant de l'antiquité à un univers contemporain. Il avait déjà signé un segment du film "Sept Péchés Capitaux" (1992) d'un collectif belge mais le cinéaste travaille essentiellement pour la télévision, mais il signera un autre film avec "Comme Tout le Monde" (2006). Un premier film remarqué puisqu'il obtient le Grand Prix au Festival de Gérardmer et le Prix Fipresci au Festival de Venis 2000. A noter que la production derrière ce projet ambitieux siglé Entre Chien et Loup à qui ont doit au même moment des films comme "Haut les Coeurs" (1999) de Solveig Anspach, "Saint-Cyr" (2000) de Patricia Mazuy ou encore "Lumumba" (2000) de Raoul Peck. Le scénario est co-écrit avec Philippe Blasband, futur réalisateur et à qui on devra plusieurs scénarios comme "Irina Palm" (2007) de Sam Garbarski, "Les Emotifs Anonymes" (2010) de Jean-Pierre Améris ou encore (2013) de Ariel Zeitoun...

Dans un futur proche, Thomas Thomas (?!) est un agoraphobe qui vit reclu et communique, aime, par visio avec le reste du monde qui se résume à sa mère, son assurance, une aide technique du quotidien, un psychologue et un service de sexe virtuel. Alors qu'il est contre, son psychologue l'inscrit à une agence matrimoniale et à un réseau de prostitution légale. Bien que réticent Thomas va tomber amoureux... Le rôle principal a la caractéristique d'être invisible à l'écran, on ne le voit donc jamais puisqu'il demeure devant son écran, écran que nous voyons donc en caméra suggestive en quelque sorte. Thomas est malgré tout incarné par Benoît Verhaert, inconnu alors à l'exception de deux apparitions télés et un court métrage. La dame dont il tombe amourexu est jouée par Aylin Yay, citons aussi Magali Pingault et surtout Serge Larivière, sans doute celui qui deviendra le plus reconnu dans les années suivantes avec des films comme "J'ai Toujours Rêvé d'Être un gangster" (2007) de Samuel Benchetrit ou "Mammuth" (2010) du duo Kervern-Delépine. Mais tout ces acteurs vont surtout se retrouver dans le film "La Couleur des Mots" (2005) de Philippe Blasband, certains vont aussi jouer pour ce réalisateur-scénariste dans les films "Maternelle" (2009) et/ou "Mireille et Lucien" (2001). Citons également Alexandre Von Sivers vu dans "Le Huitième Jour" (1996) de Jaco Van Dormael et dans "Quand la Mer Monte..." (2003) de et avec Yolande Moreau... Le parti pris du réalisateur est radical, et nous immerge dans le quotidien de ce Thomas de façon directe. Ainsi, le spectateur se retrouve en lieu et place de Thomas pour ne voir le monde que par le biais d'un écran d'ordinateur, style internet et skype (qui n'existait pas en 1999 rappelons-le !), il passe donc de sa mère qu'il tente d'éviter sans qu'on sache jamais pourquoi, un psychologue qui semble régir un peu trop sa vie, une assurance qui fait aussi office de banque, tuteur, gestionnaire de son argent et donc de sa liberté, un livreur pour se nourrir, et surtout, ce qui semble d'une importance vitale, tout un univers de sexe virtuel. D'emblée, en quelques 5-10mn on comprend que la vie de Thomas est pauvre, sans grande intérêt, qui tourne avant tout autour d'une pratique onaniste du plaisir sexuel, si possible avec des femmes pixelisées.

Thomas est donc un agoraphobe à un degré très grave, une sorte d'ermite qui semble finalement se complaire dans sa solitude malgré son ton emphatique, voir hautain. La voix de Thomas n'aide pas, associé au ton monocorde et désagréable jamais on n'a d'empathie pour cet homme frustré. Ensuite il n'y a pas franchement de recherche de mise en scène, un plan fixe, mai surtout jamais Pierre-Paul Renders ne met à profit l'espace et le second plan d'où l'ennui qui s'installe. En effet, en résumé, Thomas se plaint toujours mais se laisse vivre dans un mode qui lui convient, où qui se persuade que ça lui convient ce qui est tout aussi agaçant. Le pire, c'est quand on apprend un peu plus sur l'objectif de cinéaste philosophe : "Un reproche couramment adressé à un premier film est que le réalisateur y aborde trop de thèmes. Si c'est le cas pour Thomas est amoureux, je plaide coupable, mais la faute en incombe au moins en partie à mon ami et scénariste Philippe Blasband, qui m'a offert un scénario trop foisonnant. J'en suis encore à me demander ce qui m'a séduit le plus dans celui-ci... Sans est-ce son côté fable analytique sur la peur de naître (ou de renaître). C'est un thème qui doit me hanter puisqu'il était déjà dans mon premier court métrage (La Tendresse). Et finalement, cette angoisse primale de quitter l'utérus n'est-elle pas chez nous autres occidentaux, ce qui fonde notre rapport au réel et pousse chacun de nous à se créer et pousse cghacun de nous à se créer sur mesure son cocon-prison de certitudes ?"... ?! Autant dire de la philosophie de comptoir ! L'histoire d'utérus est tiré par les cheveux, surtout quel rapport avec tout ce qui se passe ?! Par contre, pour un film du 20ème siècle, on peut dire que le cinéaste a eu une belle inspiration visionnaire et lucide sur le futur dans laquelle nous sommes aujourd'hui ! Pierre-Paul Renders signe un OFNI (Objet filmé non identifié) intéressant, lucide sur l'évolution de la société, qui ne manque d'une certaine audace mais Thomas reste un personnage trop antipathique, le concept a aussi ses limites. Une curiosité donc, mais loin de valoir toute la philosophie que semble espérer le réalisateur.