Furie, une tigresse dans le moteur

Par Kevin Halgand @CineCinephile

Synopsis : " Hai Phong mère célibataire élève sa petite fille Mai dans la campagne vietnamienne malgré les difficultés de la vie. Quand elle voit sa progéniture se faire kidnapper sous ses yeux, Hai n'hésite pas et fonce tête baissée à la poursuite des kidnappeurs. Ses pas la porteront jusqu'à Saigon, sur la trace d'un réseau de trafic d'enfants. "

Les lumières de la salle de cinéma s'allument, tu te repositionnes sur ton siège pour avoir fière allure parce que la position "je m'installe comme à la maison" ce n'est pas trop ça, et là, ton ami(e) se retourne vers toi et te pose la question fatidique...

Il aura fallu attendre 2019 pour voir un film vietnamien projeté massivement dans les salles américaines. Netflix reprendra le flambeau en permettant à ses abonnés de visionner le long métrage de Le Van Kiet sur sa plateforme. Devenu le film le plus rentable de son pays natal, Furie s'inscrit dans cette nouvelle vague de films d'art martiaux asiatiques avec un personnage féminin à sa tête.

Hai est forte physiquement mais mentalement fatiguée, le récit nous dévoile dès le début ses faiblesses, et ses erreurs en tant que mère et femme. Plongée dans un Vietnam rural et sans pitié, Hai Phong, incarnée par Veronica Ngo, se débat pour sortir la tête de l'eau. Montrée du doigt, harcelée à cause de son "travail" en tant que recouvreuse de dettes, elle essaye d'élever sa fille en dépit du jugement constant de ses pairs. Le Van Kiet a préféré nous séduire avec l'empathie plutôt que par le glamour de son héroïne. On partage en guise d'introduction un long moment de leur quotidien sous tension, jusqu'à ce que tout s'emballe lors de la disparition de la fillette.

Le choix de ce prologue qui prend son temps, a le mérite de poser les bases de cette maman prête à tout pour sauver sa fille. Elle est seule, désemparée, mais ne recule pas. La relative quiétude des maisons de tôles sur pilotis laisse place à la bruyante et bondée Saigon, insensible à la détresse de Hai qui doit retrouver les ravisseurs de son enfant parmi le flot de plus de 8 millions d'habitants.

Contraste visuel appuyé par une photographie qui revêt une tenue plus agressive pour sublimer la nuit citadine. Des mines patibulaires surgissent des ruelles étriquées, les néons clignotants agressent l'œil autant qu'ils éclairent le passage de cette femme seule contre tout un réseau bien organisé, opérant dans l'ombre. Avec des tacles répétés à la police et l'immobilisme de la justice, elle sera néanmoins aidée par l'inspecteur Luong interprété par Phan Thanh Nhien.

Si ce nom ne vous dit rien sachez qu'il est entre autres, le plus jeune vietnamien a avoir gravi l'Everest et un pratiquant aguerri du Vovinam, un art martial majeur que l'on retrouve tout du long des chorégraphies de Furie. Inspiré du Muy Thaï, on se délecte des contre puissants et torsions des membres. Cet art canalise la force de son adversaire à son désavantage. Utilisé à son maximum pour désarmer ses opposants, le rythme des combats ne faiblit pas et la mise en scène percutante nous offre du grand spectacle. Son jeu d'acteur n'arrive pas à égaler celui de Veronica Ngo mais son rôle mettra plus en avant sa capacité à se battre que celle de nous émouvoir.

C'est avec un souci du réalisme important que le réalisateur nous guide dans ces échanges musclés. Car si la technique martiale de Hai Phong la mènera jusqu'à la pègre qui détient sa fille, c'est proche de la mort qu'elle sortira de leur première rencontre frontale. La maman tigre prend des coups et plus d'une fois on penserait la voir abandonner devant le mur infranchissable de ce coup du sort.

Le génie déployé dans le combat final contre la cheffe de la mafia propulse le film dans les sommets. La maestria du montage nous fait encaisser chaque coup amplifiant ceux rendus au centuple. On attend, haletant, le dénouement qui annonce la fin du cauchemar pour cette famille monoparentale.

Le jeu grandiose de l'actrice porte ce personnage aux abois sans lasser. Elle est le centre de l'histoire et son passé trouble n'est jamais synonyme de retour en arrière. Mère imparfaite mais à la détermination sans faille, elle sera comme Maggie Cheung avant elle, une figure de proue de ce cinéma en plein essor.

Cette production n'est pas exempte de défauts et de façon quelque peu prévisible le scénario s'empêtre dans un flashback maladroit quand il s'agit de nous parler du passé de Hai. L'on s'étonne parfois de la chance insolente qui lui permet de remonter la piste des malfrats. Mais comparé à des films à succès comme Taken, qui comportent des ficelles beaucoup plus grosses tout en traitant leurs personnages avec nettement moins de profondeur, Le Van Kiet n'a pas à rougir. La trame est solide, l'action poussée à son paroxysme et on en redemande après les une heure trente de ce film de kidnapping à la sauce Nuoc Mam.

Actuellement disponible Netflix
" On attend, haletant, le dénouement qui annonce la fin du cauchemar pour cette famille monoparentale. "

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