[SƎANCES FANTASTIQUES] : #21. Pontypool

Par Fuckcinephiles

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Parce que les (géniales) sections #TouchePasAMes80s et #TouchePasNonPlusAMes90s, sont un peu trop restreintes pour laisser exploser notre amour du cinéma de genre, la Fucking Team se lance dans une nouvelle aventure : #SectionsFantastiques, ou l'on pourra autant traiter des chefs-d'œuvres de la Hammer que des pépites du cinéma bis transalpin, en passant par les slashers des 70's/80's ; mais surtout montrer un brin la richesse d'un cinéma fantastique aussi abondant qu'il est passionnant à décortiquer. Bref, veillez à ce que les lumières soient éteintes, qu'un monstre soit bien caché sous vos fauteuils/lits et laissez-vous embarquer par la lecture nos billets !
#21. Pontypool de Bruce McDonald (2008)
La rumeur raconte que lors de la lecture du roman d'H.G. Wells La Guerre des Mondes par Orson Welles sur les ondes de la CBS en 1938, des milliers d'auditeurs américains auraient paniqué en entendant la voix de Welles hurlant à l'invasion martienne, ces auditeurs pensant que les évènements avaient réellement lieu. Des citoyens auraient fui leurs habitations, et certains se seraient donné la mort. Cette anecdote, grandement exagérée, met en lumière l'impact énorme du médium radiophonique sur les émotions humaines, où les informations sont facilement accessibles mais toujours difficilement vérifiables, car dénuées de preuves visuelles. Voici l'évidence de l'évidence : le hors-champ est toujours terrifiant. Et Pontypool en est un des meilleurs exemples cinématographiques. 

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Dans une petite bourgade canadienne dans l'Ontario du nom de Pontypool, une radio indépendante transmet des informations de premier ordre à ses citoyens : évolutions des trafics routiers, météo, interventions de la police, nécrologies, avis de recherches pour le chat de Mrs. French et autres ragots du coin. Une journée normale pour le Disc-Jockey et animateur Grant Mazzy ainsi que sa directrice Sydney et la standardiste Laurel-Ann, cloîtrés suite à un blizzard isolant la ville. Sauf que leur reporter en hélicoptère leur transmet en direct le départ d’une émeute en ville…
Et hop ! Invasion de zombies, le mec sauve les deux femmes, il repart avec l’hélicoptère du reporter, musique rock’n’roll, giclures de sang sur l’objectif, générique.
Non. Je vous rassure, c’est tout sauf ça.

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Bruce McDonald, principalement connu comme réalisateur de séries et de films TV, profite de ce lieu si particulier pour y installer une ambiance à nulle autre pareille dans le genre de films de « zombies ». Toute l’action se déroule dans cette station de radio. Pas d’effusions de sang à tout va, pas d’armées de milliers de zombies à la poursuite d’un acteur bankable dans une métropole, et pas de placement de produit claqué au sol pour Pepsi (RT si t’as la réf’). Avant que ne se déroule la moindre action horrifique, le quotidien de la station radio se développe sur une bonne demi-heure de métrage, ce qui laisse le temps à McDonald d’ausculter ses personnages et l’identification est directe : ces personnages lambdas sont les plus attachants possibles, bien que leurs défauts soient visibles. Par conséquent, contrairement aux clichés du genre, vous n’avez aucunement envie que l’un d’eux se fasse bouffer pour votre simple plaisir sadique (ouais je vous juge un peu là).  Là où le huis-clos pourrait être un argument économique pour éviter une production beaucoup trop compliquée, le réalisateur en tire sa force pour y travailler un grand nombre de concepts. 

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Le terme zombie a été mis entre guillemets au début du paragraphe précédent et pour cause : c’est davantage un film avec des infectés car le virus ne se transmet aucunement par la morsure typique du genre. Le virus se transmet par une manière tout à fait originale que je ne peux pas dévoiler. On pourrait croire le concept beaucoup trop tordu pour être efficace, mais bien au contraire ! Il est extrêmement difficile d'écrire sur ce film sans en dévoiler les péripéties. Peu importe, le film cultive son idée pour qu’elle en devienne une note d’intention à l’égard de l’écriture fictionnelle contemporaine. Aujourd’hui, les spectateurs sont à la recherche de l’ultra-cohérence, de l’ultra-réalisme, il faut que tout soit crédible sinon le film perdrait toute sa richesse. Le réalisateur de Pontypool (et le rédacteur de cette critique soit dit en passant) dit merde à cette idée. L’émotion ainsi que la perte de toute compréhension psychique est le moteur de cette histoire, qui vient chercher dans la profondeur humaine de ses personnages plutôt que d’essayer de trancher vulgairement leurs corps. Quand bien même le film renonce à sur-expliquer son concept de manière claire -du moins il essaie d'expliciter son propos, il le fait de manière passionnante-, le naturalisme de l'ensemble fascine et retourne les tripes, sans la moindre trace d'hémoglobine, ou presque.  La mise en scène simple mais précise donne un rythme détonnant, sobre, sachant esthétiser son image quand il le faut, et tous les acteurs et actrices (quasi inconnus) sont d'une crédibilité sans faille, permettant à cet ensemble d'être vivant, impactant, pur. Sans surprise, la chape sonore est indéniablement parfaite, logique vu le sujet exploité. 

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Un véritable exercice de style narratif percutant et cérébral, à la fois drôle, perché, terrifiant et au final extrêmement dramatique. Peut-être que les explications du phénomène sont compliquées à apprivoiser, mais c’est justement dans cette perte de repère psychique que le film vient vous faire conscientiser que nous, spectateurs, sommes peut-être atteints par le virus aussi. La question des non-dits, du mensonge, de la propagation des rumeurs comme un virus, de l'incapacité humaine à choisir les bons mots, et cette façade que se construisent les individus par la parole... Tout ce qui compose la complexité de nous toutes et tous est passé au crible par le prisme d'un virus "zombie", déroutant le tout avec un humour bien placé, corrosif, mais jamais lourdingue. Le film prend alors tout son sens lors du deuxième visionnage, lorsque tous les éléments narratifs, même minimes, trouvent un double-sens grâce à la force de son concept.
Rares sont les films d'infectés qui provoquent une telle tension, une telle hilarité par moments, et surtout une véritable émotion, dont les dix dernières minutes sont un sommet d'inventivité conceptuelle et naturaliste. Portant une métaphore poignante sur les problèmes communicationnels entre les individus de notre époque contemporaine, Pontypool est un film à message, humain comme on en fait peu, allant au-delà de ce qu'on peut attendre d'un film de genre à petit budget.

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Petite information qui n’est pas à négliger : si vous désirez le voir, voyez-le de préférence en VO pour des questions de cohérence narrative, ainsi que pour une utilisation intelligente de la langue française au sein de cette VO (si si!).  Je ne suis pas un nazi anti-VF, loin de là, mais vous verrez que le traitement du concept est bien plus frappant si vous regardez le film dans sa forme originale. Puis la voix si particulière de Stephen McHattie risque de transformer vos tympans en nerfs orgasmiques.
Florian