L'Enfant Rêvé (2020) de Raphaël Jacoulot

Par Seleniecinema @SelenieCinema

4ème long métrage pour Raphaël Jacoulot après "Barrage" (2006), "Avant l'Aube" (2011) et surtout le très bon "Coup de Chaud" (2015). Pour ce nouveau projet, le réalisateur-scénariste s'est inspiré de sa vie personnelle : " Je suis fils d'agriculteurs, un métier où les enjeux de succession, de transmission sont importants. J'étais le fils aîné mais ce sont mes frères qui ont repris l'exploitation. J'ai observé la reprise qui était compliquée, et je me suis inspirée de leur expérience." Le cinéaste co-signe le scénario avec plusieurs autres mains, Iris Kaltenback qui a écrit et réalisé le court métrage "Le Vol des Cigognes" (2015), Fadette Drouard à qui a collaboré à des films aussi divers que "Hibou" (2015) de et avec Ramzy Bedia, (2019) de Jalil Lespert et "Papicha" (2019) de Mounia Meddour,

puis Benjamin Adam auteur-dessinateur de bande-dessinées à qui on doit des titres comme "Les Désobéisseurs" (2013) ou encore "Joker" (2015) et qui s'est fait la main sur les séries TV "Nina" (2018) et "Double Je" (2019)... François dirige la boîte familiale, une scierie du Jura, avec son épouse Noémie. Ils rêvent aujourd'hui de devenir parents, mais François rencontre Patricia avec qui il commence une liaison. Tout semble aller pour le mieux jusqu'au jour où Patricia tombe bientôt enceinte... L'époux et amant est incarné par Jalil Lespert vu dans "Nuits Magiques" (2018) de Paolo Virzi et "Mon Frère" (2019) de Julien Abraham, l'épouse est jouée par Mélanie Doutey vue dans "Paradise Beach" (2019) de Xavier Durringer et "Donne-Moi des Ailes" (2019) de Nicolas Vanier, la maîtresse est interprétée par Louise Bourgoin vue dans "L'Un dans l'Autre" (2017) de Bruno Chiche et "Les Dents, Pipi et au Lit" (2018) de Emmanuel Gillibert ; pour l'anecdote, Louise Bourgoin était réellement enceinte lors du tournage. A leurs côtés on peut citer également Jean-Marie Winling vu dernièrement dans "Le Meilleur Reste à Venir" (2019) du duo Delaporte-De la Patellière, et Garance Clavel vue dans "Deux Moi" (2019) de Cédric Klapisch... Pour ce tournage, Jacoulot a réuni une équipe technique essentiellement féminin : "J'avais l'intuition qu'il fallait que les personnages soient soumis à des regards féminins, surtout François. Je l'avais écrit à partir de mon propre ressenti, je voulais une regard féminin qui me dise : "non, tu ne peux pas le montrer comme ça". Effectivement, le cinéaste a judicieusement placé François en parallèle de l'instinct maternel. Par là même, l'autre excellent bon point, est que François n'est la le centre du récit, il est aussi important de voir évoluer les deux femmes qui gravitent autour, qui ont aussi leurs fêlures et leurs détresses de mère. Les trois personnages sont magnifiquement mis sur un même pied d'égalité au niveau émotionnel et au niveau narratif.

Il ne faut pas oublier le quatrième protagoniste principal, la forêt, à la fois un des paramètres de la tragédie, témoin des événements et symbole de vie. Une vie dont le bonheur est symbolisé par le temps qu'il fait aussi, à l'instar de ce qu'il avait fait sur "Coup de Chaud", le réalisateur a choisi le soleil et le beau temps pour le début du film et on constate que la météo se dégrade doucement au fur et à mesure que le drame se tisse. Le récit est également plus complexe que le simple désir d'enfant, en effet, les traditions patriarcales ont encore la dent dure, le soucis de descendance et d'héritage d'abord, avec en parallèle les soucis professionnelles qui vont ébranler les hommes de la famille. Le film aborde simultanément le désir d'enfants chez l'homme et la femme, mais aussi apporte une réflexion sur ce qu'est être parent, sur les liens du sang ou non et qui à son importance dans le fil du récit. Le scénario est en cela superbement écrit, cohérent et intelligent malgré une densité des sujets et des thématiques. Débutant comme un drame sociale et familiale, le film vire doucement vers une sorte de thriller, mais pas version psychopathe, plutôt dans notre quotidien, notre réel, style fait divers qui ajoute forcément à l'émotion générale. Le climax, l'atmosphère pesante et anxiogène est maîtrisée, on s'attend toujours au drame sans qu'il n'arrive pourtant, tendant la corde jusqu'au bout. En prime un trio d'acteurs formidables, au ton juste jusque dans les scènes les plus déchirantes même si il manque l'étincelle passion entre Louise Bourgoin et Jalil Lespert pour nous emporter. Un film dur, tragique mais terriblement humain et touchant. Un très bon film.