Color Out of Space, le rose qui tâche

Color Out of Space, le rose qui tâche

Synopsis : " Nathan Gardner, sa femme Theresa, et leur trois enfants, Benny, Lavinia et Jack vivent depuis peu dans une ferme isolée de la campagne d'Arkham. Une nuit, une étrange météorite s'écrase dans leur jardin. Suite à cet incident, la vie paisible de la famille va rapidement tomber dans l'horreur."

Les lumières de la salle de cinéma s'allument, tu te repositionnes sur ton siège pour avoir fière allure parce que la position "je m'installe comme à la maison" ce n'est pas trop ça, et là, ton ami(e) se retourne vers toi et te pose la question fatidique...

Des yeux hagards fixent l'écran de télévision, derrière une paire de lunettes laissant présumer une myopie forte. Un cri de terreur s'élève dans la nuit, mais les oreilles ne captent qu'un sifflement aigu et déformé semblable au bourdonnement après une explosion. Était-ce un cauchemar ? Une hallucination ? Je me redresse difficilement et mon regard se fixe sur le précieux volume contenant la nouvelle, La couleur tombée du Ciel de H.P Lovecraft, sur l'étagère de la bibliothèque. Le livre semble vibrer, de ses pages émanent une couleur cosmique, indescriptible. Je comprends alors ce qu'il vient de se passer. Ce cri horrifié était le mien, après avoir visionné le mauvais nanar qu'est Color out of Space réalisé par Richard Stanley.

Et pourtant ce film, avait de quoi interpeller. Elijah Wood et David Noah à la production, avaient fait du bon travail sur l'ovni Mandy, sorti l'année précédente. On retrouve dans Color out of Space une image baignée de magenta qui avait visuellement caractérisé leur précédente collaboration. C'est donc sans grande surprise que le choix pour incarner lere-nommé Nathan Gardner se soit porté à nouveau sur la star, Nicolas Cage. Enlacé par une bande son tout en cuivre et grincements signé par le talentueux Colin Stetson ( Hereditary) les ingrédients semblaient être présents pour offrir un divertissement au moins satisfaisant. Mais la mayonnaise a tournée.

Cage sera épaulé brièvement par Joely Richardson. Ensemble ils incarnent ce couple bourgeois citadin ayant décidé de vivre une vie plus simple à la campagne, élevant quatre alpagas et pestant contre le réseau internet intermittent. Leurs trois enfants font écho au cliché grotesque qui habite le film : l'aîné, un ado fumeur de joints affublé d'un chien loup; sa sœur, dans le trip sorcière new age qui parcoure la campagne pied nus sur son cheval blanc; et le plus jeune, qui parle à ses amis du fond du puit.

Joely Richardson n'est qu'une ombre fatiguée alors que Nicolas Cage semble suivre des indications qui rendent son jeu, gauche, caricatural. Il faudra attendre la seconde moitié du long pour recueillir des bribes de son talent, étalé comme les morceaux de chairs et de cervelle sur le sol du grenier. Madeleine Arthur, qui interprète Lavinia, dont le rôle est avec celui de Cage, le seul mis en avant, offre une performance parfois honnête mais souvent en surjeu. Elliot Knight, incarnant Ward, scientifique qui n'en a que le nom,n'a pas les épaules pour tenir un personnage si elliptique. Il ne semble exister que pour permettre au réalisateur de nous jeter ses maigres références au visage.

Mais le jeu d'acteur n'est pas la cause du résultat final seulement une conséquence. L'écriture bâclée et la mise en scène on ne peut plus ennuyeuse et sans aucune prise de risque beaucoup plus. On aurait souhaité que le réalisateur emprunte davantage à La Malédiction Céleste, film de serie B adaptant la nouvelle lovecraftienne sorti en 1987. Petit budget et interprétation inégale, caractéristiques du genre, cette production minime offre néanmoins une idée contemporaine de la nouvelle dans une Amérique rurale vendue au plus offrant, avec du caractère et une atmosphère crasse. Mais la version de Richard Stanley sent le bourbon noyé dans les glaçons et la mauvaise herbe, où rien n'existe en dehors de la ferme dont on se lasse très vite des deux uniques angles de vue.

Les pustules et déformations qui atteignaient progressivement les personnages, deviennent dans la vision de Richard Stanley, immédiatement des créatures sorties tout droit de The Thing. L'escalade de tension est inexistante, on passe de la petite saute d'humeur de papa Gardner à il boit un bourbon et sort le fusil à pompe. Les protagonistes se changent trop rapidement en zombies qui s'ébahissent devant la beauté suprême des fleurs en plastique qui poussent autour de leur maison.

Parce que l'on n'avait surement pas saisi l'importance cruciale (non) du gargouillis statique qui empêche le téléphone de fonctionner (alors que personne ne s'en sert) et fait de la neige à la télévision (merci Poltergeist), Stanley nous le ressert toutes les 10 minutes. Embarquant en pensant les légitimer le vieil hermite fou dingue, inutile lui aussi, dans la danse pendant l'espace de quelques lignes de dialogues pénibles. Je sauverai tout de même la mante religieuse pourpre, rien que pour son aspect symbolique intriguant mais pas le chat appelé G-Spot.

Après la mort inéluctable de la moitié du casting, le quart d'heure final, n'est qu'un flu continu de ces effets 3D sous acide, pas inintéressants mais mal utilisés. Jusqu'à l'apogée du mauvais goût dévoilant le décor d'une planète alien laide au possible et n'évoquant que le néant de l'imaginaire.

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" Le film est à l'image de ce Necronomicon de poche sur le lit de la jeune fille, une version petit budget, écorné, et grotesque tout juste bon à finir dans la chambre d'un ado. "

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