[CRITIQUE] : Sing Me A Song

[CRITIQUE] : Sing Me A Song

Réalisateur : Thomas Balmès
Acteurs : -
Distributeur : Nour Films
Budget : -
Genre : Documentaire.
Nationalité : Français, Suisse.
Durée : 1h35min.

Synopsis :
Le jeune Peyangki vit et étudie dans un monastère traditionnel au Bhoutan. Au pays du bonheur, l’arrivée récente d’internet entraîne d’importants bouleversements. Les rituels quotidiens des moines entrent en concurrence frontale avec la nouvelle addiction aux smartphones. Peyangki se passionne pour les chansons d’amour et tombe amoureux sur WeChat d’une jeune chanteuse.
Succombera-t-il à la romance et aux tentations de la ville ou restera-t-il au monastère ?



Critique :

Suite improbable de son brillant #Happiness, Thomas Balmès fait de #SingMeASong une exploration bouleversante et pleine d'ironie des ramifications profondes d'une invention en apparence positive - internet -, pervertissant peu à peu une communauté pendant longtemps préservée. pic.twitter.com/CAidGnwQTo

— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) September 22, 2020

Et si en cette riche (oui) année ciné 2020, il y a avait eu autant de claques à décompter du côté des documentaires, que du septième art plus traditionnel ?
La question a le mérite d'être posée, d'autant plus que le dernier effort de Thomas Balmès, vient rajouter une pierre à l'édifice de cette affirmation, Sing Me A Song, exploration bouleversante des ramifications profondes d'une invention en apparence positive - internet -, pervertissant peu à peu une communauté pendant longtemps
 préservée.
Suite directe (enfin, sept ans plus tard mais tourné comme si c'était dix ans plus tard) de son documentaire Happiness, retrouvant le jeune Peyangki, qui étudie toujours dans un monastère traditionnel au Bhoutan, mais qui est surtout désormais aux prises avec la décision d'abandonner son appel spirituel aux valeurs laïques et terrestres, férocement dominées par les progrès technologiques.
Plutôt que de jouer la carte à charge facile contre les méfaits d'Internet et sa puissance aussi enthousiasmante que néfaste, Balmès a une vision plus intelligente en croquant un récit jamais vraiment à charge, arguant via des observations astucieuses, son impact sur des nécessités modernes et des dispositifs de communication sur les cultures et les écosystèmes.

[CRITIQUE] : Sing Me A Song

Copyright Nour Films


En l'espace de dix ans, l'évolution de Peyangki est un vrai choc frontal.
Dans Happiness, il arborait une innocence et une pureté adorables - certains le considéraient comme " un lama réincarné " - et passait ses journées à suivre les lignes pures de son bonheur : apprendre les prières bouddhistes et faire grandir sa curiosité naturelle pour le monde extérieur, tout en gardant une intense concentration sur la discipline nécessaire pour devenir un lama une fois adulte.
Dans Sing Me A Song, c'est tout l'inverse : pleinement dans la puberté, il n'est plus aussi dévoué à ses études qu'il l'était autrefois, et passe une grande partie de son temps libre sur son téléphone portable à jouer à des jeux vidéo, à squatter Internet ou à discuter avec un crush, Ugyen Pelden; une jeune chanteuse bossant dans un bar de Thimpu, mère célibataire prête à quitter le pays.
À son insu, Peyangki vend des champignons médicinaux pour rassembler suffisamment de fonds pour abandonner la vie de monastère, motivé exclusivement par ses idées romantiques envers elle...
Sans être trop intrusif autant avec son sujet que son auditoire, le documentaire théorise sur les affres de la modernisation et des influences positives et négatives d'Internet, incitant constamment à la réflexion plus que de jouer au père la morale, autant sur la désinvolture d'une génération vouée à être plus pieuse que le commun des mortels, que sur la puissance ironique d'outils destinés à créer une communauté, mais qui ne font au final que de la diviser.

[CRITIQUE] : Sing Me A Song

Copyright Nour Films


Contextualisant de manière percutante les luttes de ses sujets (physiques, sentimentales, spirituelles,...), transformant toutes les émotions en des images tangibles qui marquent (le tout appuyé par la partition évocatrice de Nicolas Rabaeus), Sing Me A Song est la transformation intrigante d'un projet hautement ambitieux, dont on espère qu'il connaîtra une nouvelle suite, ne serait-ce que pour retrouver Peyangki dans 10 ans, savoir si cette expérience douloureuse s'est transformée en une force mature, et si l'ultime note d'espoir du film, n'était pas un leurre... comme Happiness.
Jonathan Chevrier
[CRITIQUE] : Sing Me A Song