Effacer l'Historique (2020) de Gustave Kervern et Benoît Délépine

Par Seleniecinema @SelenieCinema

9ème long métrage en commun pour les réalisateurs-scénaristes Gustave Kervern et Benoît Delépine, ex-trublions de Groland sur Canal+. Le duo se sera fait une spécialité du film social hors de sentiers battus pour aller vers les univers marginaux depuis "Aaltra" (2004) jusqu'à (2018) en passant par "Mammuth" (2010) et "Saint-Amour" (2015). Ce dernier film a obtenu le prix spécial Ours d'Argent du 70ème anniversaire du Festival de Berlin...

Dans un village du nord de la France, trois amis se retrouvent chacun empêtrés dans un problème personnel en rapport avec leur smartphone et les réseaux sociaux. Ainsi Marie est victime d'un chantage à la sextape, Bertrand veut effacer une vidéo où sa fille lycéenne est harcelée et Christine chauffeur VTC veut booster sa note client catastrophique. Ils décident de se battre contre les géants d'internet afin de retrouver leur vie paisible... Les trois amis et voisins en proie à la folie des réseaux sociaux sont incarnés par Blanche Gardin, nouvelle coqueluche du rire après ses deux Molières de l'humour (2018-2019) et qui semblent attirer par le sujet après avoir joué dans (2019), Denis Podalydès vu récemment dans le très beau "La Belle Epoque" (2019) de Nicolas Bedos et le moins bon "Toute Ressemblance" (2019) de Michel Denisot, puis Corinne Masiero vue dans "Les Invisibles" (2018) de Louis-Julien Petit et (2020) de Olivier Van Hoofstadt. On retrouve plusieurs fidèles acteurs du duo Kervern-Delépine qui passent dire bonjour avec Benoît Poelvoorde, Bouli Lanners, Michel Houellebecq, Jean Dujardin et plusieurs autres gueules qui jouent des rôles secondaires avec Vincent Lacoste, Philippe Rebbot et Jackie Berroyer... Les cinéastes s'attaquent cette fois à la nouvelle technologie et surtout aux effets néfastes via trois protagonistes touchés respectivement par une facette tendancieuse des réseaux sociaux. Malheureusement cette fois-ci les deux compères grolandais ne semblent pas franchement inspirés. Si les idées de base sont forcément d'actualité, qu'elles nous parlent et que le sujet est évidemment porteur et riche d'un potentiel certain jamais le film n'est à la hauteur de l'ambition.

En effet, si on voit que les deux compères ont tenté d'araser l'effet "série de sketchs" on y est pourtant car il manque du rythme et une montée en puissance ; malgré le tentative le soufflet retombe quasi aussitôt après les "voyages". Il y a bien quelques envolées fantasques et absurdes à la grolandaise mais trop souvent parsemées de dialogues parfois très et trop moralisateur et surtout un peu simpliste ("ce qui compte ce n'est pas le matériel mais les amis"...) sans compter une partie Gilets Jaunes plutôt maladroite (quel rapport avec réseaux sociaux ?! Gilets Jaunes = faineants et/ou assistés sociaux ?!... etc...). Evidemment plusieurs séquences font mouches, les trois exemples de pièges sociaux sont judicieux, il y a bel et bien plusieurs passages plus ou moins truculents et savoureux mais on aura connu Kervern-Delépine bien plus subtil et bien plus corrosif que cette comédie un peu poussive. Le pire dans tous ça reste les trois protagonistes, car s'ils sont sublimement interprétés par le trio d'acteurs, demeurent des êtres futiles voir inintéressants, inconséquents voir stupides, irresponsables, égoïstes et d'une naïveté trop caricaturale, tout ça au point qu'ils seraient presque antipathiques. Le soucis étant que pas un rattrape les autres. A y regarder de plus près le seul qui tire son épingle du jeu est Vincent Lacoste, salop savoureux qui marque le film en l'espace de 5-7mn. D'ailleurs, on pourra noter que les caméos ne sont pas pour rien dans la surnage du film. En conclusion, un film au potentiel énorme mais qui n'aura pas inspiré plus que ça le duo Kervern-Delépine qui signe leur film le moins abouti, le plus simpliste et le plus consensuel. Dommage...

Note :