La vérité

Par Platinoch @Platinoch

Un grand merci à Coin de Mire pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « La vérité » de Henri-Georges Clouzot.

« Menteuse, amorale, indécente... merci de ce que tu es ! »

Après avoir passé son enfance en province, Dominique réussit à convaincre ses parents de la laisser accompagner sa sœur, Annie, qui part à Paris. Dominique se fâche rapidement avec Annie et va habiter seule au quartier latin où elle accumule des aventures. Elle rencontre alors Gilbert, un ami de sa sœur, qu’elle décide de provoquer…

« Ce qui compte messieurs, ce n’est pas la trajectoire des balles que nous ne contestons pas mais la vérité humaine »

En ce début de décennie des 60's, Henri-Georges Clouzot est devenu une figure majeure du paysage cinématographique français. Ses succès de la décennie précédente (« Le salaire de la peur », « Les diaboliques », « Les espions ») et ses récompenses (une palme d'or, un ours d'or, un BAFTA) lui ont permis d'obtenir une stature et une reconnaissance internationales et de faire oublier quelque peu un passé peu reluisant, et notamment sa collaboration avec la société de production allemande Continental Films pendant l'Occupation. C'est donc en position de force qu'il aborde son nouveau projet, « La vérité », pour laquelle il s'entoure de la jeune génération du cinéma français et plus particulièrement de sa plus grande icône, à savoir la jeune Brigitte Bardot. A noter que le film sera nommé à l'Oscar du meilleur film étranger.

« Pour juger un amour, il faut être capable d’aimer »

Avec « La vérité », Clouzot s'essaye au film de procès. Un genre alors très en vogue aux Etats-Unis (« Douze hommes en colère », « Autopsie d'un meurtre ») mais moins répendu chez nous. Il s'agit en outre d'un cheminement logique dans l'œuvre du cinéaste tant celui-ci aura, dans ses œuvres précédentes, filmé des affaires criminelles. Librement inspiré de l'affaire Pauline Dubuisson qui défraya la chronique quelques années plus tôt, « La vérité » est construit sur la base du meurtre d'un jeune et prometteur chef d'orchestre par sa maîtresse. Avec en son centre, une interrogation: peut-il y avoir des circonstances atténuantes (ici la passion) en matière de meurtre ? Toute la force de la démonstration du cinéaste résidera dans la qualité de son scénario. Construit sur deux niveaux chronologiques qui s'entrecroisent, celui-ci permet de confronter les faits tels que les avocats de l'accusation veulent bien les dépeindre et tels que l'accusée les a vraiment vécu. De quoi permettre à chacun de se faire sa propre opinion sur la vraie nature des personnages. Au passage, Clouzot en profite pour dénoncer le cynisme de la justice (notamment sa représentation très théâtralisée et le peu de conviction morale des avocats) qui se fait aussi pudibonde (l'héroïne est d'emblée considérée comme coupable en raison de ses mœurs légères) et phallocrate. Si des fois le procédé paraît un peu roublard, force est de constater que Clouzot tient son film d'une main de maître. Et que, en dépit de son comportement à leur égard, il aura su tirer le meilleur de ses comédiens, Brigitte Bardot et Sami Frey en tête. A noter également le très savoureux duel d’avocats entre Charles Vanel et Paul  Meurisse. Si l'ensemble a peut être un peu vieilli, le film n'en demeure pas moins formellement très bon.

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Le blu-ray : Le film est présenté dans un nouveau Master restauré en 4K à partir du négatif original par Sony Pictures Entertainment avec la participation de The Film Foundation et RT Features. Il est proposé en version originale française (2.0). Des sous-titres français et français pour malentendants sont également disponibles.

Côté bonus, la collection « La séance » propose un formidable concept : celui de reproduire les conditions d’une véritable séance d’époque. En mode « Séance complète », le film sera ainsi précédé des authentiques actualités Pathé de la semaine de sortie du film ainsi que de publicités et bandes-annonces d’époque, le tout en HD. En mode film seul, « La vérité » se lancera directement. Le documentaire « Le scandale Clouzot » vient compléter avantageusement cette belle édition.

Edité par Coin de Mire, « La vérité » est disponible depuis le 6 mars 2020 dans une très belle édition Digibook, limité à 3000 exemplaires numérotés, comprenant le blu-ray + le DVD du film ainsi qu’un livret reproduisant  des documents d’époque (24 pages), 10 reproductions de photos d’exploitation (15,5 x 11,5 cm) et la reproduction de l’affiche d’époque (29 x 23 cm). Un très bel objet qui ravira tous les cinéphiles.

Le site Internet de Coin de Mire est ici.