Police frontière

Un grand merci à Rimini Editions pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le DVD du film « Police frontière » de Tony Richardson.

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« Ce grillage, c’est notre rideau de fer à nous. Mais il est bien mal en point »

Charlie est un garde-frontière coincé entre le matérialisme cupide de sa femme et les souffrances dont il est témoin à cause de son travail. Il tombe dans la corruption et se retrouve mêlé à un trafic d’émigrants mexicains, est trahi par son voisin Cat, et assiste à la lente déchéance de Maria, une jeune clandestine qui a dû se séparer de son bébé avant de rentrer sur le sol des Etats-Unis avec son jeune frère. Il va alors trouver une cause à défendre en la personne de Maria. Pour réparer ses actes, Charlie devra tenir la promesse faite de lui rendre son enfant…

« ça parait absurde : on se crève le cul pour les renvoyer chez eux alors que des hommes d’affaires payent pour les faire venir »

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Passionné de lettres, l’anglais Tony Richardson débute sa carrière au théâtre où il se fait remarquer dès l’université. Ce qui lui vaudra de diriger plusieurs pièces pour la télévision dès le début des années 50. Mais il se fait surtout un nom au cinéma quelques mois plus tard en devenant - avec son vieux complice Karel Reisz - l’un des fondateurs et des principaux animateurs du « Free cinema », courant cinématographique avant-gardiste qui revendiqua une certaine rupture avec les productions traditionnelles en cherchant à introduire un regard plus authentique sur la réalité sociale du pays. Il s’illustre ainsi au cours des années 60 grâce à ses sujets sulfureux et anticonformistes (« Un goût de miel ») et à ses antihéros marginaux (« La solitude du coureur de fond » et « Tom Jones » qui lui vaudra l’Oscar du meilleur réalisateur). S’il continua de se montrer prolifique (« La charge de la brigade légère », « Hamlet », « Ned Kelly »...), la suite de sa carrière fut plus aléatoire et les succès plus rares. Au point qu’il délaissera le cinéma au cours des années 80 pour la télévision.

« J’aimerai un jour pouvoir me regarder dans la glace »

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Avec « Police frontière » (1982), Tony Richardson s'intéresse à la question de la frontière entre les États-Unis et le Mexique, le temps d'un redoutable polar dans lequel un officier de la police des frontières fraîchement intégré à une unité de Texas Rangers devra faire face et combattre seul la corruption organisée de ses collègues et de sa hiérarchie (incarnés par Warren Oates et Harvey Keitel, flippants). S'il se montre habile et nerveux, cet efficace polar vaut surtout pour le regard sans concession que le réalisateur porte sur la problématique de la frontière - séparation entre un pays riche et prospère et un pays miséreux - et de l'immigration clandestine qui en découle. Si elle apparait pour les Mexicains comme un Eldorado, la frontière est surtout le lieu des pires trafics (drogue et êtres humains). et autres violences. L'exploitation de la misère se révélant être un business des plus lucratifs pour les uns et une machine à broyer pour les autres (la jeune femme qui se fait voler son nouveau né et qui se retrouve mise sur le trottoir pour gagner de quoi le racheter). Avec toujours en toile de fond cette dénonciation de l'Amérique rongée par le fric et mue par la seule consommation. D'ailleurs, le cinéaste ne se prive pas de nous rappeler avec un certain cynisme que la prospérité des états du sud dépend pour partie de cette main d'œuvre bon marché. En flic désabusé et humaniste, Jack Nicholson trouve sans doute là l'un de ses plus beaux rôles, même s'il fut un peu éclipsé par le succès de ses autres films du moment (« Shining », « Le facteur sonne toujours deux fois », « Reds », « Tendres passions »). Mais surtout il est frappant de voir combien « Police frontière » reste un film d'actualité à l'heure des délires populistes de la présidence de Donald Trump et de son projet de mur séparant les deux pays qui symbolise mieux que quiconque le repli de l'Amérique sur elle-même. Admirable d’acuité et d’humanisme, « Police frontière » est l’un de ces grands films injustement oublié qu’il est urgent de (re)découvrir.

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Le DVD : Le film est présenté en version originale américaine (2.0) ainsi qu’en version française (2.0). Des sous-titres français sont également disponibles.

Côté bonus, le film est accompagné d'une interview audio de Tony Richardson réalisée par le British Film Institute.

Edité par Rimini Editions, Police Frontière est disponible en DVD ainsi qu'en blu-ray depuis le 3 juin 2020.

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