Billy Elliot

Par Dukefleed
Danse ta vie
Ce film a tout d’un genre que j’apprécie peu, le « feel good movie », dans le sens où le scénario nous trimballe entre rires et larmes jusqu’à un final positif. Mais là ou bien d’autres avancent à gros sabots, celui-ci fait dans la finesse en s’attachant à un jeune garçon que la destinée ne prédestine pas à devenir un maitre dans une discipline artistique : père mineur, maman décédée, aucun accès à la culture à la maison et surtout conception familiale et communautaire de la virilité peu compatible avec la danse de ballet. Devenu un classique à son insu, film présenté aux enfants entrant dans l’adolescence (le sujet principal du film en fait), il n’a pas été conçu pour cibler un public en particulier et c’est bien sa réussite. De fait il est devenu un classique à regarder en famille.Billy Elliotest né de l’envie de son scénariste, Lee Hall, de parler de la grande grève des mineurs anglais de 1984. Le fait d’être l’un des rares films à aborder directement cet événement majeur de l’Histoire britannique récente, confère déjà à Billy Elliot une certaine importance dans le cinéma anglais. Mais Lee Hall a surtout eu la bonne idée de n’aborder cette grève qu’en toile de fond, et de nous la faire vivre à travers le parcours d’un enfant en opposition totale avec le monde qui l’entoure. La force et la volonté du jeune Billy pour faire tomber les barrières qui le séparent de son rêve de danse viennent alors faire écho au combat des mineurs et créent une bouffée d’espoir vers un ailleurs, là où les mineurs se trouvent enfermés dans un tunnel politique sans porte de sortie.
Même si le scénario de Lee Hall avait déjà un joli potentiel, il n’en était pas moins casse-gueule. L’histoire de ce gamin de mineur, orphelin de mère, et voulant devenir danseur au milieu d’un bassin minier en grève, aurait rapidement pu sombrer dans le mauvais mélo. Mais Stephen Daldry a su sublimer le matériau d’origine. Notamment en plaçant constamment sa caméra à la hauteur de Billy. Le regard de l’enfant offre ainsi tantôt une dose de légèreté nécessaire, tantôt la pureté de l’émotion. Sur ce point, une grande part du mérite revient à Jamie Bell, étonnant de justesse pour son jeune âge (ce rôle lui vaudra même de remporter le BAFTA du meilleur acteur). Billy Elliot se veut ainsi une touchante chronique de la fin de l’enfance, de ce moment où l’on quitte la sécurité parentale pour commencer à se définir en tant que personne. La relation entre Billy et son père (Gary Lewis, touchant), entre confrontation et pudeur, mais sous-tendue d’amour, est particulièrement belle. La difficulté à se détacher du cocon familial est également très bien représentée par le rapport que Billy entretient avec sa mère défunte et par la mère de substitution qu’il trouve en sa professeure de danse (Julie Walters, parfaite). Le film aborde également plutôt subtilement la découverte de l’identité sexuelle et l’évaporation de la candeur infantile, lors des scènes entre Billy et ses deux amis.
Mais n’oublions pas que l’un des thèmes majeurs de Billy Elliot est également la danse. Ainsi, Stephen Daldry donne à son film des allures de comédie musicale (pas étonnant donc que le film ait ensuite été adapté sur scène). Le réalisateur ne se contente ainsi pas de quelques scènes de danse classiques mais, au contraire, dote son film d’une bande originale rock assez jouissive, essentiellement empruntée à l’album « Electric Warrior » du groupe T-Rex. Parmi les séquences les plus notables, on se souviendra notamment d’un Billy évacuant sa colère à coups de claquettes dans les rues de la ville au rythme du « Town Called Malice » des Jam, ou encore d’une course poursuite entre le frère de Billy et les forces de l’ordre au son du « London Calling » des Clash (qui ont d’ailleurs soutenu les mineurs pendant leur grève).
Entre un univers musical très empreint de la culture rock britannique et la description d’une page majeure de l’Histoire anglaise, Billy Elliot avait tout pour séduire le Royaume-Uni. Mais s’il a également réussi à traverser les frontières, c’est grâce à l’universalité de son propos et à la justesse dont Stephen Daldry a su faire preuve pour en faire un film populaire de très grande qualité. Il y a ainsi fort à parier que le petit Billy saura séduire encore quelques générations…
Sorti en 2000
Ma note: 18/20