L’Ombre de Staline

Par Journal Cinéphile Lyonnais @journalcinephil

L’OMBRE DE STALINE
2020/Pologne, Royaune Uni, Ukraine/1h59
Réalisé par : Agnieszka Holland
Avec : James Norton, Vanessa Kirby, Peter Sarsgaard, Joseph Mawle, KENNETH CRANHAM

L’Ombre de Staline a été présenté à Berlin, à Dinard, au Festival international du film d’histoire de Pessac, et au festival Ciné O’Clock de Villeurbanne.

Synopsis

Pour un journaliste débutant, Gareth Jones ne manque pas de culot. Après avoir décroché une interview d’Hitler qui vient tout juste d’accéder au pouvoir, il débarque en 1933 à Moscou, afin d’interviewer Staline sur le fameux miracle soviétique. A son arrivée, il déchante : anesthésiés par la propagande, ses contacts occidentaux se dérobent, il se retrouve surveillé jour et nuit, et son principal intermédiaire disparaît. Une source le convainc alors de s’intéresser à l’Ukraine. Parvenant à fuir, il saute dans un train, en route vers une vérité inimaginable…

Le récit de Gareth Jones inspire la ferme des animaux de George !

La réalisatrice Agnieszka Holland raconte l’histoire vraie et méconnue du Gallois Gareth Jones, un jeune conseiller en politique étrangère de Lloyd George qui est parvenu le premier à interviewer Adolf Hitler à bord d’un avion. Pendant l’hiver 1933, il entreprend une enquête en Union soviétique qui l’amène à être, le seul à témoigner dans les journaux sur l’Holodomor, la terrible famine qui a décimé des millions d’Ukrainiens – preuve aussi retentissante que meurtrière que le système modèle incarné par Staline et tant vanté, à grand renfort de propagande et de censure, sur le sol national comme face au monde, était un cruel naufrage.

De plus la réalisatrice fait l’hypothèse selon laquelle le courage du geste de Jones aurait inspiré La Ferme des animaux à George Orwell (Joseph Mawle). En effet, le livre de George Orwell sert de fil rouge au scénario d’Andrea Chalupa tandis qu’il est à sa table, en train d’écrire le célèbre roman. Ce parti pris met une certaine distanciation entre le spectateur et le personnage de Gareth Jones.

Un film classique avec des résonances contemporaines

La cinéaste signe un film classique, servi par une belle reconstitution des années 1930 et une belle photo. L’Ombre de Staline raisonne dans l’esprit du spectateur d’aujourd’hui. Si L’Ombre de Staline est un rappel à l’histoire, c’est aussi un film très actuel. En effet, Gareth Jones peut-être qualifié de l’un des premiers lanceurs d’alerte, le film amène aussi à réfléchir sur le rôle du journalisme, son rapport avec le pouvoir. La réalisatrice traite aussi des la guerre de l’information et des fake news, à travers les personnages de Gareth Jones et de Walter Duranty, du New York Times. A noter que Gareth Jones fut ultérieurement assassiné par le NKVD (Commissariat du peuple aux Affaires intérieures), et que Walter Duranty (New York Times), qui nia la famine dans ses articles, reçut le Prix Pulitzer !

C’est quoi l’Holodomor ?

Holodomor désigne la famine, qui de l’été 1931 à l’été 1933, provoque la mort de 7 millions de Soviétiques, dans leur immense majorité des paysans (4 millions en Ukraine, 1.5 millions au Kazakhstan et autant en Russie). Cette grande famine n’est pas due à une catastrophe météorologique. Elle est la conséquence directe d’une politique d’extrême violence menée par le régime stalinien , qui consiste à la collectivisation forcée des campagnes, à la confiscation excessive des récoltes et du cheptel par le pouvoir soviétique afin de financer une industrialisation à marche forcée par l’exportation des denrées alimentaires et enfin au confinement des populations affamées.

 Agnieszka Holland 

Fille des journalistes polonais Henryk Holland et Irena Rybczyńska, Agnieszka Holland fait des études de cinéma à l’Académie du film de Prague (FAMU). À son retour en Pologne, elle est notamment l’assistante du grand cinéaste polonais Andrzej Wajda

En 1980, son premier film, Acteurs Provinciaux, reçoit le prix de la critique au Festival de Cannes. Après Amère Récolte – nominé aux Oscars en 1986 – elle remporte en 1992 son plus grand succès : le Golden Globe du meilleur film étranger et une nomination aux Oscars grâce au film Europa Europa, qui s’inspire de l’histoire vraie d’un jeune Juif contraint pendant la Seconde Guerre mondiale de se fondre dans les rangs nazis pour survivre

Irena Rybczyńska a également beaucoup travaillé pour la télévision. Elle a notamment mis en scène des épisodes de la série House of Card.