[TOUCHE PAS NON PLUS À MES 90ϟs] : #80. Judge Dredd

[TOUCHE PAS NON PLUS À MES 90ϟs] : #80. Judge Dredd

© Copyright 1995- Cinergi Pictures Entertainment Inc. - All rights reserved


Nous sommes tous un peu nostalgique de ce que l'on considère, parfois à raison, comme l'une des plus plaisantes époques de l'industrie cinématographique : le cinéma béni des 90's, avec ses petits bijoux, ses séries B burnées et ses savoureux (si...) nanars.
Une époque de tous les possibles où les héros étaient des humains qui ne se balladaient pas tous en collants, qui ne réalisaient pas leurs prouesses à coups d'effets spéciaux et de fonds verts, une époque où les petits studios venaient jouer dans la même cour que les grosses majors légendaires, où les enfants et l'imaginaire avaient leurs mots à dire,...
Bref, les 90's c'était bien, tout comme les 90's, voilà pourquoi on se fait le petit plaisir de créer une section où l'on ne parle QUE de ça et ce, sans la moindre modération.
Alors attachez bien vos ceintures, prenez votre ticket magique, votre spray anti-Dinos et la pillule rouge de Morpheus : on se replonge illico dans les années 90 !
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#80. Judge Dredd de Danny Cannon (1995)

Dans le rayon des grosses cacades de Sylvester Stallone au fil de sa riche carrière, Judge Dredd de Danny Cannon tient une place toute particulière, gentiment logé au fond du bac à viandes périmées, aux côtés d'Arrête ou ma mère va tirer et Taxi 3; une oeuvre folle, conçue à une époque de tous les possibles... surtout le pire.

D'ailleurs, remettons bien les tenants de ce petit miracle du pire, dans leur contexte : les 90's, décennie faste ou l'explosion du genre super-héroïque n'était encore qu'à ses balbutiements certes ambitieux (Batman Returns, Mystery Men, Blade, Darkman,...), mais surtout très fragile (tout le reste), ou toute itération improbable estampillée Marvel ou DC, pouvait être produit à l'aveugle avec un enthousiasme gentiment naïf.
Comme Judge Dredd donc, monument de la BD underground tout droit sortie des caboches talentueuses de John Wagner et Carlos Ezquerra, dont la violence totalement décomplexée en a vite fait la création phare du mythique périodique 2000 AD.

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Voire donc Hollywood s'enticher de la chose, a quelque chose de savoureusement paradoxal et même de profondément absurde - pour être poli -, puisque la Mecque du septième art US est à des années lumières de produire des oeuvres ayant la verve punk et politique véhiculées par le comic-book, nourrit dans la moindre de ses tâches d'encre par un cynisme vachard, fustigeant le fascisme latent du gouvernement Thatcher, et de ses dérives sécuritaires (brèche dans laquelle s'était également engouffré Alan Moore avec son bouillant V For Vendetta).

Plus étonnant même, de voir Stallone s'accaparer le projet au coeur des 90's (alors qu'il tournait déjà depuis un bon moment), lui qui n'a jamais lu une seule page du matériau original (alors que, fun fact, Wagner s'est inspiré du personnage de Frankenstein du Death Race de Paul Barrel, pour créer Dredd, dit film dans lequel Sly trouve l'un de ses premiers rôles marquants), et qui commençait tout juste à reprendre du poil de la bête avec Cliffhanger et Demolition Man - c'est justement le succès de ce dernier actionner SF, qui le motivera dans son choix.
Tête pensante du projet (il a tenté d'attirer Renny Harlin sur le projet, parti couler Carolco Pictures avec son Cutthroat Island), il va persuader le jeune cinéaste britannique Danny Cannon - qui ne s'en remettra jamais -, de diriger le tout, un choix dont il se mordra gentiment les doigts puisqu'ils ne se sont jamais entendu sur le tournage, et encore moins après (le film a squatté les tables de montages, autant pour être conforme à l'idée que Sly et la major se faisait d'un divertissement pop et burné, que pour être conforme à un classement clément du côté de la commission de censure).

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Porté par un casting qui aurait pu être tout autre (si Max Von Sydow et Diane Lane sont les choix originaux, Rob Schneider et Armand Assante sont des seconds choix, Joe Pesci et Christopher Walken étant un temps, pressentis pour les rôles de Fergie et Rico), louchant comme pas possible sur plusieurs arcs bien distincts du comics, pour mieux incarner une bouillie édulcorée et férocement irritante pour les amoureux du comics (que ce soit le fait que Dredd dévoile son visage, plus vendeur quand il est incarné par Sly, ou que l'on ose un autre blasphème en annonçant une potentiel love story entre les juges Dredd et Hershey,...); le film est une adaptation aussi indigne que sévèrement policé et dénué de toute l'aura irrévérencieuse et grinçante de son oeuvre mère.

Un ratage fourre-tout (ça brasse du Orwell, du Lang et même du Verhoeven, sans avoir le moindre recul créatif derrière), sans nom sous fond de plaisir très coupable dont seuls quelques petites consolations se dégagent : un score plutôt bon d'Alan Silvestri (mais mineur comparé aux deux compos dantesques de Jerry Goldsmith), la présence de The Cure dans le générique de fin (Dredd Song, moins bandante que Burn pour The Crow de David Proyas, monde un an plus tôt), les costumes et le maquillage, ou encore quelques effets en dur proprement impressionnants (le robot géant Hammerstein, qui aujourd'hui serait boursouflé de CGI).
Et pourtant, il arrive quand-même, parfois, dans des soirées ou le manque d'inspiration se fait plus ressentir que d'autres, il nous arrive de fébrilement retomber dans les méandres de cette odyssée au coeur de Mega-City One bien chiche et à l'humour bas du front, ou Sylvester Stallone EST la loi.

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Sans doute parce que l'on aime bien se faire du mal, avec des séances qui ne méritent pas forcément le peu de temps qu'on leur consacre (c'est la raison première, affrontons la réalité), mais aussi et surtout parce qu'il est proprement fascinant de voir combien, parfois, Hollywood n'a jamais eu peur de déjouer les limites pourtant très espacées, du ridicule absolue, avec des blockbusters bigger than life savatant gentiment la si bénie SF (on pense à vous Battlefield Earth, Highlander II, Sphère, Virus, Godzilla - sauce Emmerich - ou même Flash Gordon, les remakes de Robocop et Total Recall).

N'ayant jamais peur d'être débile et incohérent (arrêtons-nous juste sur son final, ou un laboratoire hyper perfectionné se retrouve dans... la tête de la statue de la liberté), fonçant droit dans le mur du navet joyeux avec une énergie débordante, Judge Dredd est d'autant plus embarassant qu'il vieillit très mal d'année en année.
Fort heureusement pour le personnage imaginé par Wagner et Ezquerra, Dredd de Pete Travis en 2012 (porté par un Karl Urban so badass), viendra corriger le tir et déloger l'iconique Juge du cercueil en colza ou il gisait, après son abominable gang-bang.
On t'aime Sly, énormément même mais parfois, tu nous en demande trop...


Jonathan Chevrier 

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