A SECRET LOVE |LA MULE |90’s

Par Taibbo

A SECRET LOVE – 15/20
De Ryan Murphy
Une délicate et déchirante histoire d’amour courant sur presque sept décennies, racontée avec le cœur et la puissance narrative de Ryan Murphy, qui se frotte au documentaire pour la première fois. Deux femmes qui ont tu leurs sentiments toute leur vie pour les protéger et qui reviennent dans ce film sur leur traversée du XXème en clandestines de l’amour.
C’est d’autant plus bouleversant que le film capte les ravages du temps et cette joie mêlée de regret de pouvoir enfin vivre leur amour en plein jour à l’aube de leur vie.
« Love is love » n’a jamais retenti aussi fort qu’avec la voix frêle d’une jeune mariée nonagenaire.

LA MULE 14/20
De Clint Eastwood
Avec Clint Eastwood, Bradley Cooper
Rattrapage de l’avant-dernier Eastwood que j’avais raté sur grand écran. Clint se met en scène pour la première fois depuis Gran Torino, et appuie encore la force testamentaire de son œuvre à l’orée de ses 90 ans. Il interpréte un vieux monsieur ronchon et endetté qui se retrouve recruté comme passeur de drogue par la mafia locale
Déjà en froid avec sa famille, en particulier sa fille et son ex-femme qu’il a négligé toute sa vie au profit de son travail, il n’a plus grand-chose à perdre et s’investit pleinement, un peu naïvement ce qui conduit parfois à de savoureux décalage.
Mais ce road trip qui vire en thriller lorsque la DEA commence à traquer cette nouvelle mule insaisissable, va le changer bien plus qu’il n’imaginait.
Malgré son âge avancé, Eastwood fait encore preuve d’une énergie de jeune homme, à la fois taquin, grognon et émouvant. Il extrait de ce pitch simpliste et pas forcément excitant une réflexion poussée sur l’existence en elle-même, ce que notre passage sur terre aura laissé comme trace et les regrets qu’un regard en arrière peut engendrer. Comme un témoignage crépusculaire dans lequel il s’amuserait encore à brouiller son image réactionnaire par un propos souvent progressiste.
Il fait dans La Mule ce qu’il sait faire de mieux : raconter une histoire extraordinaire le plus simplement et le plus naturellement du monde. Il revient surtout à un style très épuré, allant droit au but, sans fioriture et centré sur ses personnages. La fluidité de sa mise en scène est un vrai plaisir, comme souvent au service d’un crescendo émotionnel une fois de plus très réussi.

90’S – 15/20
De Jonah Hill
Avec Sunny Suljic, Katherine Waterston, Lucas Hedges
Chronique pré-adolescente puissante, 90’s frappe par son authenticité et sa maturité. Bien loin des comédies potaches qui l’ont vu commencé sa carrière de comédien, Jonah Hill fait des débuts de réalisateurs remarqués, d’une étonnante précision. Son film est une petite pépite de cinéma vérité, saisissant avec force les moments de vie d’une génération perdue, des gosses sans attaches ni réel avenir qui s’accrochent au skate et à leur bande comme à une bouée de sauvetage pour avoir la sensation d’exister. 90’s suit plus particulièrement Stevie, qui va vivre un été auprès d’un groupe de skateurs plus âgé un été d’apprentissage et d’émancipation maladroite pour échapper à un contexte familial difficile. Hill va progressivement passer de la chronique aux portraits, dévoilant les parcours touchants de ces garçons grâces à des dialogues criant de vérité pour finalement toucher au cœur.
90’s arbore aussi un style vintage très bien rendu, une image 4/3 à propos qui rappelle l’imagerie MTV de l’époque (parfaite BO à l’appui) et le néo-réalisateur fait preuve d’un sacré sens du montage.
Hill a du style.