Dark Waters (2020) de Todd Haynes

Par Seleniecinema @SelenieCinema

A ne pas confondre avec l'excellent film d'épouvante "Dark Water" (2002) de Hideo Nakata et son remake éponyme (2005) de Walter Salles... Après "Le Musée des Merveilles" (2017) le réalisateur Todd Haynes se lance dans un film plus ancré dans la réalité qu'à son habitude, et plus classique dans la forme comparé à ses plus beaux films comme "Velvet Goldmine" (1998), "Loin du Paradis" (2003), "I'm Not There" (2007) et (2016). Le projet est à l'origine lancé par Mark Ruffalo et sa société de production Participant après avoir découvert un article du New-York Times Magazine signé Nathaniel Rich sur l'histoire vraie de Robert Bilott qui dénonça les pratiques toxiques de l'entreprise DuPont (Tout savoir ICI !). Pour l'anecdote, la star Mark Ruffalo joue dans un film où il a à faire avec la famille DuPont pour la seconde fois après "Foxcatcher" (2015) de Bennett Miller où il se faisait assassiner par l'héritier de la famille DuPont d'après une autre histoire vraie. Todd Haynes met en scène le scénario signé de Matthew Carnahan venu de la télé mais qui a déjà signé au cinéma le scénario de "Manhattan Lockdown" (2020) de Brian Kirk, puis Mario Correa venu du documentaire.

Outre l'article du New-York Times, les deux scénaristes ont pu également s'appuyer sur le livre "Exposure : Poisoned Water, Corporate Greed et One Lawyer's Twenty-Year Battle Against DuPont" (2019) de Robert Bilott... En 2016, l'avocat Robert Bilott apprend qu'en Virginie Occidentale les eaux seraient polluées par les produits chimiques issues des usines de l'entreprise DuPont. Plusieurs dizaines de milliers de personnes seraient ainsi empoisonnées. Un des plus gros scandales écologiques débute alors contre une des plus puissantes entreprises chimiques américaines... L'avocat Robert Bilott est donc incarné par Mark Ruffalo qu'on n'avait vu qu'en Hulk chez Marvel depuis (2016) de Tom McCarthy. A ses côtés il y a Anne Hathaway vue récemment au cinéma dans "Le Coup du Siècle" (2019) de Chris Addison et sur Netflix dans "Sa Dernière Volonté" (2020) de Dee Rees. Netflix chez qui on a vu aussi Bill Pullman dans "The Coldest Game" (2020) de Lukasz Kosmicki. Autrement, au casting nous avons des habitués des rôles de cols blancs dont Victor Garber surtout vu dans des séries TV depuis son petit rôle au cinéma dans (2015) de Denis Villeneuve, Bill Camp vu tout récement dans le chef d'oeuvre (2019) de Todd Phillips, et enfin le trop rare Tim Robbins qu'on avait pas vu depuis "Marjorie Prime" (2017) de Michael Almereyda... Dans la grande tradition du genre, des milliers de pots de terre tentent de faire payer un pot de fer pour des empoisonnements terribles pour lesquels un individu risquerait la chaise électrique dans certains pays, mais qui ne coûtent que des millions de dollars quand on est une entreprise aux nombreuses ramifications. Si le centre de l'intrigue reste bel et bien l'affaire (ou plutôt les affaires) contre la société DuPont on suit surtout l'avocat derrière la défense des pots de terre, qu'on suit alors qu'on le choisit comme avocat alors même qu'il devient associé d'un cabinet justement spécialisé dans la défense de grandes firmes. Un simple et faible lien le rattachant au secteur géographique touché va le conduire à s'investir de plus en plus pour se battre et faire condamner cette entreprise qui s'avère d'ailleurs avoir également des liens avec Monsanto, autre multinationale du Diable.

On suit donc l'évolution du combat et de l'affaire sur près de 20 ans (1996-2016 environ, et affaires qui court encore). L'avocat est d'un monde plus proche des cadres de DePont que du petit fermier mourant, c'est à la fois sa force et sa faiblesse ce que le film montre bien où il doit tout aussi bien convaincre ses pairs que ses clients. On n'ose imaginer à quelle pression Robert Bilott a dû faire face ! Todd Haynes a choisi un grain d'image judicieux, ce qui en fait un style docu-fiction qui nous immerge sans difficulté dans la province meurtrie où DePont déverse ses produits infectes. Précisons que la grande majorité des lieux de tournages et des décors sont les lieux exacts de faits, de la ville de Parkersburg aux bureaux du cabinet d'avocats Taft ce qui donne forcément une authenticité certaine, avec en prime plusieurs apparitions des vrais protagonistes, avocats et victimes. S'il s'agit d'un récit porté sur une longue et interminable procédure entre pénalistes le film s'attarde aussi logiquement sur les victimes et leur désarroi, sur l'intimité de Robert Bilott et les conséquences sur sa famille sans trop en rajouter, et ne tombe pas dans l'écueil de l'avocat chevalier seul contre tous en n'omettant pas le soutien de son supérieur et de ses associés alors même qu'on comprend la position peu confortable de leur cabinet vis à vis de leurs clients habituels. Sur ces divers points le scénario se montre judicieux et malin. D'un drame humain effrayant et effroyable, le film se positionne plus en un thriller écolo-financier prenant et terrifiant mais aussi touchant quand il le faut. Un très bon film qui a aussi une dimension ludique nécessaire et qui a sa place dans l'arsenal des citoyens contre des firmes abjectes comme DePont et Monsanto. Un film éloquent à voir et à conseiller.

Note :