[CRITIQUE] : Invisible Man

Par Fuckcinephiles

Réalisateur : Leigh Whannell
Acteurs : Elizabeth Moss, Oliver Jackson-Cohen, Storm Reid, Aldis Hodge,...
Distributeur : Universal Pictures International France
Budget : -
Genre : Fantastique, Épouvante-Horreur, Thriller.
Nationalité : Américain.
Durée : 2h05min.
Synopsis :
Cecilia Kass est en couple avec un brillant et riche scientifique. Ne supportant plus son comportement violent et tyrannique, elle prend la fuite une nuit et se réfugie auprès de sa sœur, leur ami d'enfance et sa fille adolescente.
Mais quand l'homme se suicide en laissant à Cecilia une part importante de son immense fortune, celle-ci commence à se demander s'il est réellement mort. Tandis qu'une série de coïncidences inquiétantes menace la vie des êtres qu'elle aime, Cecilia cherche désespérément à prouver qu'elle est traquée par un homme que nul ne peut voir. Peu à peu, elle a le sentiment que sa raison vacille…



Critique :

Après son jouissif #Upgrade, L. Whannell fait de #InvisibleMan une relecture moderne du classique de H.G. Wells en ancrant son histoire dans une réalité sinistre et terrifiante proche du #Paranoïa de Soderbergh. Un thriller psychologique viscéral dominé par une E. Moss envoûtante pic.twitter.com/Y9K8t63UBK— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) February 17, 2020

Nerveux, brutal et d'une cruauté rare, porté la prestation habitée d'un Logan Marshall-Green transcendé, Upgrade, bouillant thriller SF/cyberpunk, a gentiment inscrit Leigh Whannell au panthéon des honnêtes faiseurs de séries B à suivre de très, très près, au coeur d'une jungle Hollywoodienne où il n'est pas si simple de s'inviter.
En attendant de le voir s'attaquer au remake de New York 1997 - difficile de s'enthousiasmer pour le coup -, le voilà qu'il reprend à son compte la légende de l'homme invisible près de deux décennies après le vénéré Paul Verhoeven, et son bouillant et sombre Hollow Man, pour lui offrir un bon coup de botox nécessaire après son vrai-faux départ amorcé il y a quelques années du côté d'Universal (feu le Monsters Universe...).


Indiscutablement dans l'ombre de l'adaptation du Hollandais Volant, tout en louchant agréablement du côté du mésestimé Unsane de Steven Soderbergh (qui mérite sa réhabilitation après un passage en salles un brin timide), le cinéaste fait de son Invisible Man une relecture habile du mythe de H.G. Wells, et croque ce qui est sans doute le film le plus terrifiant à ce jour, puisqu'il grossit à peine le trait de la toxicité masculine et de la violence domestique, dans une intrigue douloureuse et intense ou le fantastique s'immisce sournoisement dans le réel, pour en amplifier sa puissance dévastatrice.
Simple mais fort bien articulé autour des mésaventures - pour être poli - d'une femme battue et persécutée par un petit ami violent, (Elisabeth Moss, absolument parfaite et crédible), qui arrive miraculeusement à s'en extirper avant que celui ne se suicide (lui laissant 5 millions de dollars dans son testament), et ne vienne la persécuté sans que personne ne puisse le soupçonner, le film parle avec une justesse incroyable du harcèlement, de la peur constante des femmes victimes et de la difficulté qu'elles peuvent avoir d'en parler au coeur d'un système sourd et déshumanisé, qui choisit de ne pas écouter mais avant tout et surtout, de ne jamais les comprendre.


Pertinent, il explore sous toutes les coutures la peur constante des victimes d'harcèlements et de violences, autant d'un point de vue extérieur (le bourreau manipule son entourage et les situations pour retirer tout soutien à sa proie, doppant même sa méthodologie terrifiante une fois devenu invisible) qu'intérieur (la peur de l'abandon, la solitude et l'isolement des victimes qui n'osent pas parler ni juridiquement se défendre, avec la certitude de n'être ni écouté, ni comprise), tout en plaçant habilement le spectateur dans une situation de témoin qui ne peut absolument pas douter de ce qu'il voit : il sait que tout est vrai et que la pauvre Cecilia n'imagine rien de son intense calvaire, rendant de facto l'expérience aussi anxiogène que douloureusement réaliste.
L'invisibilité n'est alors plus alors comme jadis, un pouvoir qui mène à la perversion, mais ici un outil qui la nourrit, la décuple (et encore plus dans la psyché d'un agresseur qui n'avait décemment pas besoin de cela pour être dangereux), lui offrant une finalité dans l'acte encore plus imposante, tant la violence psychologique est définitivement plus forte encore que si elle était physique.
Et ce qui est réellement invisible dans le long-métrage, c'est tout ce que le metteur en scène via sa réalisation paranoïaque et froide (tout s'enchaîne autour du visible, de l'invisible et de l'audible), c'est au final tout ce qu'il arrive à nous faire ressentir sans rien - ou très peu - nous montrer, même dans un ultime tiers qui semble parfois ne plus trop savoir ou aller.


Épurant au maximum ses effets (le fantastique est insidieux et est au service de son intrigue et non l'inverse, à la différence de quasiment toute production Blumhouse du moment), tout en étant très influencé par l'épouvante nippone (il oblige le public à ses confronter aussi bien à ses pires travers que ses plus terribles cauchemars), Leigh Whannell ancre son histoire dans une réalité sinistre et macabre, et fait de son Invisible Man un thriller psychologique viscéral et envoûtant, certes un poil prévisible pour les puristes, mais joliment solide.
Une put*** de réussite, rien de moins.
Jonathan Chevrier