Les Trois Lanciers du Bengale (1935) de Henry Hathaway

Par Seleniecinema @SelenieCinema

Henry Hathaway est un jeune réalisateur qui a débuté en 1932 derrière la caméra mais qui a une cadence de tournage impressionnante, jusqu'à ce film d'aventure qui est souvent considéré comme son premier chef d'oeuvre ; il y en aura d'autres comme "Peter Ibbetson" (1935), "Le Carrefour de la Mort" (1947) et (1953). Ce film est l'adaptation d'un best-seller, roman éponyme (1930) de Francis Yeats-Brown ex-officier de l'armée britannique qui y relate ses souvenirs de campagne de ses années 1905-1914. Pour l'adaptation, il a fallu plusieurs scénaristes dont Grover Jones, William Slavens McNutt et surtout John L. Balderston auteur du "Frankenstein" (1931) de James Whale, puis Waldemar Young vétéran auquel on doit "Les Croisades" (1935) de Cecil B. De Mille "Désir" (1936) de Frank Borzage...

Dans les Indes Britanniques au début du 20ème siècle, un régiment de lanciers doivent faire face à des rebelles. McGregor, Un officier indiscipliné va partager ses quartiers avec deux autres, Forsythe excellent soldat qui n'hésite pas à faire face contre McGregor, et le tout jeune Stone fraichement sortit de l'école militaire qui n'est autre que le fils du colonel commandant le régiment, un être inflexible et intransigeant. Tandis que les rebelles s'agitent de plus en plus les trois officiers vont devenir amis... Le casting est mené essentiellement par les trois acteurs incarnant les trois officiers, avec en premier lieu le monstre sacré Gary Cooper/McGregor qui retrouve Hathaway après "C'est pour Toujours" (1934), et qui le retrouvera encore dans le chef d'oeuvre "Peter Ibbetson" (1935), et suivront "Âmes à la Mer" (1937), "La Glorieuse Aventure" (1939), "La Marine est dans le Lac" (1951), "Le jardin du Diable" (1954). Cooper retrouve aussi Franchot Tone/Forsythe après "Après Nous le Déluge" (1933) de Howard Hawks, acteur qu'on verra aussi tpit après dans "Les Révoltés du Bounty" (1935) de Frank Lloyd. Puis enfin Richard Cromwell/Stone qui aura une carrière plus discrète mais qu'on verra dans "L'Insoumise" (1938) de William Wyller alors que son titre de gloire est d'avoir épousé Angela Lansbury (1945-1946)... A noter que le tournage a eu lieu en studio, reprenant une bonne partie des décors du film "Les Croisades" de De Mille. Si on se retrouve dans une région des Indes Britannique le scénario reprend un canevas du western comme par exemple le futur "Le Massacre de Fort-Apache" (1948) de . Les rebelles sont les indiens, les lanciers la cavalerie, l'officier est un professionnel inflexible tandis que les trois trublions restent trois héros chacun à leur manière. Evidemment les valeurs très masculines sont mises en avant, que ce soit dans l'idée qu'on peut avoir du courage ou des biens faits de l'armée.

Par là même, le récit reste malheureusement très manichéens, et notamment le fond géo-politique est complètement occulté pour se focaliser sur l'amitié à venir des trois officiers. La plus grande qualité reste étonnamment les dialogues, plutôt direct toujours dans l'action-réaction dont une certaine réplique qui est passée à la postérité : "Nous avons les moyens de vous faire parler" qui n'est donc pas issu d'un film sur 39-45 ! Pittoresque et exotique avec un soupçon de kitsh qui a son charme en Noir et Blanc, mais les relations sont téléphonées (père supérieur et fils jeune officier comme le trio d'amis, voir même le colonel et son second) bien que les caractères respectifs soient plutôt bien croqués. Le côté aventures et rebellion ça reste efficace avec son lot d'héroïsme pur et de sacrifice au nom de sa Majesté mais on aura connu moins fouilli et plus cohérent. La vraie déception réside donc dans un contexte guerrier et colonial sous-exploité ou si caricaturé. Mais le vrai bémol reste peut-être le contexte hors-film, ainsi on peut rappeler que le romancier Yeats-Bron avait des sympathies non feintes pour le nazisme, allant jusqu'à rencontre Hitler en 1937, ce dernier lui avouera par ailleurs que "les Trois Lanciers du Bengale" est un de ses films favoris et qui l'avait rendu obligatoire pour les membres SS !... Si l'anecdote laisse un goût forcément amer le film demeure un exemple typique d'un cinéma dépassé mais qui reste un témoignage inhérent à son époque. Le film reste donc intéressant, très bien joué jusque dans les seconds rôles avec une attention toute particulière pour les dialogues. Un bon moment à défaut de mériter sa réputation.

Note :