Conflits en situation

On peut voir les choses simplement et concevoir son histoire avec un jeu d’oppositions juxtaposées au long de la durée d’un récit. Ces oppositions sont souvent orientées selon l’axe protagoniste/antagoniste mais elles peuvent aussi concerner d’autres relations.

Ces oppositions ne décrivent pas seulement des personnages représentant les différents aspects d’un problème. Dans les relations qui les unissent (et ce sont ces relations qui sont comme primordiales à l’histoire), on apercevra une rivalité profonde.
Cette rivalité sera même le signe d’un puissant contraste entre les personnages.

Le gentil et le méchant

Cela semble réducteur de ne voir qu’un gentil et un méchant. Et pourtant, considérer Luke Skywalker et Darth Vader. Luke emporte avec lui les valeurs positives (et donc dominantes) et l’autre l’exacte opposé.
L’un serait le bon et l’autre le méchant (et les autres personnages sont conçus pour renforcer ce contraste).

Prenez l’opportuniste Han Solo par exemple. Dans cette définition même de l’opportunisme, on ne sait pas si Han est foncièrement guidé par le désir de pouvoir (et se rapproche en cela de Vader) ou si son côté idéaliste le pousse naturellement vers Luke. Nous n’aurons la réponse que lorsqu’il prendra la décision de rejoindre les rebelles lors du climax.

Les conflits en situation ne déterminent pas seulement des antagonistes. Ce qui oppose les personnages, ce sont avant tout des idées divergentes, contraires. Ainsi, le problème au cœur du récit est plus clair pour le lecteur et le message de l’auteur sera plus facilement compris. Puisque les personnages seront révélés par des traits de personnalité et des valeurs contradictoires.

Il existera certes des similarités entre eux comme par exemple deux personnages arc-boutés dans l’obtention d’un même objectif. Néanmoins, dans leur constitution respective, il y aura des différences fondamentales et ce seront précisément de ces différences que naîtra la nature du conflit (parce qu’il existe autant de conflits que de situations ou circonstances aptes à créer du conflit).

conflitsDans La Rupture de Vince Vaughn, Jeremy Garelick et Jay Lavender, Gary et Brook s’opposent simplement parce que l’un est un homme et l’autre une femme. C’est cette différence qui est au cœur du récit et qui l’explicite (ou le justifie).

Gary est le mâle archétypal qui n’a jamais grandi. Il est immature, narcissique et insensible. Et surtout incapable de prendre la moindre responsabilité.
Brooke, de son côté, est une femme en qui on peut avoir confiance. Elle assume totalement son rôle de maîtresse de maison mais finit par en vouloir à Gary de s’impliquer si peu dans les responsabilités quotidiennes du ménage.

Lorsque leur rupture est consommée, Gary trouve soudain l’étrange pouvoir d’une autorité qui se concrétise dans sa volonté à garder l’appartement (qui est le symbole du temps heureux du couple).

Brooke aime encore Gary. Les complications entre eux viennent du manque d’engagement de Gary dans la relation qui l’unit à Brooke. Ce que veut Brooke, c’est que Gary change et apprécie ce que Brooke et Gary ont construit ensemble (illustré de nouveau par le symbole de l’appartement).

Notons que Gary est ainsi le personnage principal puisque la question dramatique est de savoir s’il changera effectivement (et l’objectif du couple sauvé sera réussi) et Brooke est l’Influence Character au sens de la théorie narrative Dramatica.
L’Influence Character est un personnage dont l’influence ou l’impact sur le personnage principal incite celui-ci vers le changement (mais sans que le succès en soit garanti).

Ainsi, la fonction de Brooke dans cette histoire peut être considérée comme celle de l’antagoniste. Le lecteur se demande alors si Brooke peut réussir à faire grandir Gary.
La situation conflictuelle n’est pas la marque d’une différence entre un homme et une femme mais dans la relation entre un homme et une femme. Une relation que l’on questionne en termes de maturité et de responsabilité.

Ici, les auteurs ont fait de l’homme un être immature et de la femme un être responsable. L’amour entre cette femme et cet homme semble seulement en danger par le conflit de ces traits de personnalité qui viendront s’opposer dans cette histoire.

Croyances et valeurs définissent nos personnages

Les fonctions de protagoniste et d’antagoniste ne déterminent pas les personnages. Ils sont formés par leurs valeurs et leurs croyances. Ce qui crée le drame (c’est-à-dire la situation conflictuelle), c’est parce qu’ils défendent becs et ongles ces idées.

Lorsque la situation conflictuelle se construit clairement et distinctement dans ce conflit de valeurs opposées, le message de l’auteur se concrétise plus fortement dans l’action.

La fonction de l’antagoniste ne constitue pas le principal conflit pour le protagoniste. Elle est davantage utilisée pour créer un contraste. Dans Jerry Maguire, la question dramatique se pose de savoir si Jerry parviendra à vaincre Bob Sugar qui se présente envers Jerry comme un véritable compétiteur.

Mais est-ce vraiment le véritable conflit que doit surmonter Jerry ? Le véritable problème pour Jerry est de savoir s’il peut être un agent sportif performant (ce qui le détache émotionnellement des autres) tout en trouvant un sens à sa vie. Jerry est pris dans une crise de conscience qui est hors de la portée de la compréhension de Bob.

Bob ne fait que renforcer le conflit mais Jerry n’est pas seulement en difficulté avec Bob. Il l’est aussi avec Dorothy et Rod qui lui sont restés fidèles mais pas aveugles.

D’ABORD, LA PRÉMISSE

prémisse