Qu'un Sang Impur... (2020) de Abdel Raouf Dafri

Premier long métrage en tant que réalisateur pour Abdel Raouf Dafri, jusqu'ici connu comme étant un scénariste particulièrement talentueux avec le dyptique "Mesrine" (2008) de Jean-François Richet, "Un Prophète" (2009) de Jacques Audiard, "Gibraltar" (2013) de Julien Leclercq et sur la série TV "Braquo" (2011-2016) qui lui ont valu un César 2009 et un Emmy Award pour "Braquo" saison 2. Pour son premier film comme réalisateur-scénariste il a voulu revenir sur un passé douloureux qui a touché sa famille personnellement puisque ses parents ont fui l'Algérie pour la France en 1963. Depuis longtemps déjà, le cinéaste désirait abordé la question toujours brûlante de la Guerre d'Algérie (Tout savoir ICI !)... En 1960, un colonel vétéran de la guerre d'Indochine ayany obtenu la nationalité française pour service rendu se voit contraint d'accepter une mission en Algérie. Il réunit une petit groupe que rien de prédisposait à travailler ensemble...

Qu'un Sang Impur... (2020) de Abdel Raouf Dafri

Ce colonel Breitner est incarné par l'acteur belge Johan Heldenbergh dont on se souvient dans le beau "Alabama Monroe" (2013) de Felix Van Groeningen et vu récemment dans la comédie française "Larguées" (2018) de Eloïse Lang. Sa compagne guerrière est incarnée par l'actrice franco-viêtnamienne Linh-Dan Pham vue dans "De Battre mon Coeur s'est Arrêté" (2005) de Jacques Audiard et qu'on avait pas vu sur grand écran depuis "La Vie Très Privée de Monsieur Sim" (2015) de Michel Leclerc. Leur groupe en mission est également composé de Pierre Lotin qui change brutalement de registre après son rôle fils stupide dans la saga familiale (2010--2015-2018-2020) tous de Olivier Baroux, Steve Tientcheu récemment remarqué dans le rôle du Maire dans "Les Misérables" (2019) de Ladj Ly et la jeune actrice Lyna Khoudri particulièrement remarquée dans (2019) de Mounia Meddour. En face d'eux on trouve les acteurs Salim Kechiouche remarqué dans "La Vie d'Adèle" (2013) et "Mektoub My Love : Canto Uno" (2016) tous deux de Abdelatif Kechiche et Hichem Yacoubi qui retrouve Abdel Raouf Dafri après "Un Prophète" et vu dans "Le Caire Confidentiel" (2017) de Tarik Saleh. Enfin un rôle central pour Olivier Gourmet qui retrouve également le réalisateur-scénariste après avoir été le commissaire Broussard dans les "Mesrine" et vu récemment dans "Ceux qui travaillent" (2019) de Antoine Russbach... Le début paraît un peu surfait, d'abord il emprunte clairement à un chef d'oeuvre du film de guerre dont on reparlera plus loin. Mais surtout on reste perplexe quant à la mission, un colonel actif ou non on n'en sera pas franchement plus, et le commanditaire ne semble pas avoir un titre officiel et donc on pense plus à une embauche de mercenaire ce qui ne semble pas aussi le cas. Bref le début n'aide pas à un semblant de vraisemblance. Ensuite on passe en mode "les 12 Salopards" (1967) de Robert Aldrich avec un groupe hétéroclyte improbable mais qui crée étonnament un groupe intéressant qu'on ne demande qu'à apprendre à connaître. Abdel Raouf Dafri s'offre une mise en scène âpre et directe, une mise en abîme presque naturaliste en osant montrer les horreurs commises de part et d'autres.

Qu'un Sang Impur... (2020) de Abdel Raouf Dafri

En cela il avoue : "L'armée française a usé de tortures, de viols, de déportation des populations et d'arrestations arbitraires pour contraindre le peuple algérien à choisir son camp. En face, le FLN a massacré, racketté et terrorisé les villageois et le peuple algérien pour le rallier de force... Sérieusement, où sont le bien et le mal là-dedans ? Si le combat pour l'indépendance était noble et juste, les méthodes du FLN étaient indignes. Partant de ce constat de pure barbarie, pas question pour moi de choisir un camp. Ce qui ne veut pas dire que j'ai joué la carte de l'impartialité, bien au contraire. Mon film montre avec justesse et vérité ce qu'étaient les comportements des rebelles algériens et des soldats français pendant cette guerre."... Si dans les actions visuelles on peut dire qu'il y a effectivement un 50-50 objectif sur le fond du propos ce n'est pas le cas. Il est alors amusant de constater que le cinéaste a choisi un "héros" belge nationalisé qui a une compagne vietnamienne. Dans les dialogues, jusque dans ce personnage incarné par Olivier Gourmet tout droit inspiré d'une autre au centre d'un certain chef d'oeuvre nommé "Apocalypse Now" (1979) de Francis Ford Coppola (qui a donc aussi inspiré le tout début du film), tout est pourtant à charge contre les français. D'ailleurs la violence des algériens est presque justifiée lors d'une séquence, à contrario des français. Le film s'avère donc avoir des actes qui ne sont pas confirmés par le propos ce qui crée un malaise évident. Le film se retrouve donc sous influence d'un manichéïsme nauséabond où on sent comme une volonté de vengeance, et si on peut comprendre ce film se place de toute façon dans une posture qui est loin d'être le pardon, l'oublie ou même l'apaisement. Et pourtant, en étant un peu dans la repentance ou au moins dans une tentative de neutralité, le film a un certain style, une oeuvre singulière notamment grâce à des personnages entiers, un face à face sans filtre avec une petite pincée de western des Atlas. Abdel Raouf Dafri signe un film dur et sans concession mais aussi maladroit sur le fond du message.

Note :

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