Black journal

Un grand merci à Rimini Editions pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « Black journal » de Mauro Bolognini.

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« C’est comme si j’avais conclu un pacte avec la mort »

Italie, 1938. Lea, une femme du Sud de l’Italie émigrée au Nord, voue un amour excessif à son fils unique, Michele. Elle offre toutes les apparences d’une femme affable, invitant ses voisines à prendre le thé, leur vendant un savon qu’elle fabrique elle-même et qui rend la peau très douce. Mais, derrière cette façade respectable se cache un terrible secret.

« Le bonheur n’est pas une fin en soi mais une façon de voyager »

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On croyait l’engeance des psychopathes tueurs en série exclusivement réservée à la gent masculine. Comme si, de Landru à Petiot, la pulsion criminelle sordide et crapuleuse était l’apanage des seuls hommes. En s’inspirant de l’affaire Leonarda Cianciulli, diseuse de bonne aventure italienne qui défraya la chronique des années 39 et 40 pour avoir assassiner trois femmes, le réalisateur Mauro Bolognini nous rappelle que les femmes sont toutes aussi capables du pire que les hommes. Il faut dire qu’en matière de folie meurtrière, Leonarda Cianciulli plaça la barre assez haute : bien décidée à pratiquer des sacrifices rituels pour « sauver » son fils mobilisé pour la guerre, elle assassina trois de ses amies, transformant leurs corps en savon et conservant leur sang pour confectionner des gâteaux qu’elle offrira à ses proches. Et comme si l’histoire n’était pas assez glauque, elle se livra ensuite à un lucratif trafic de savon, avant d’être finalement arrêtée et incarcérée jusqu’à la fin de ses jours.

« Monstre, moi ? Mais vous êtes fous ! »

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Ancien collaborateur du cinéaste Luigi Zampa auprès duquel il fit ses classes, Mauro Bolognini restera surtout célèbre pour ses adaptations cinématographiques d’œuvres littéraires (« ça s’est passé à Rome » d’après Moravia, « Quand la chair succombe » d’après Svevo, « Mademoiselle de Maupin » d’après Théophile Gautier) et pour sa collaboration avec Pier Paolo Pasolini dont il utilisa à plusieurs reprises les talents de scénariste. Avec « Black journal », le cinéaste sort là de sa zone de confort en signant un thriller criminel à la fois baroque et étonnant, centré sur un personnage de tueuse en série dont l’ambiguïté et la complexité semblent le passionner. En effet, il semble se délecter de cette personnalité double qui, tel Dr Jekyll et Mr Hyde, apparait au grand jour comme une honorable matriarche, incarnation parfaite de la « mamma » italienne énergique et étouffante, tandis qu’elle se livre dans le secret de sa cuisine à des actes de barbarie effroyables et insoupçonnables.Un rôle sur mesure pour la géniale Shelley Winters qui livre là une prestation effrayante. Mais plus encore, dans une volonté de donner une dimension encore plus troublante à son récit, le cinéaste prend la liberté de confier le rôle des femmes assassinées à trois hommes (Max Von Sydow, Renato Pozzetto et Alberto Lionello) qui apparaissent par ailleurs furtivement dans des rôles masculins. Un jeu de trompe l’œil qui sert en creux à esquisser une critique des mœurs italiennes (conservatisme et religion sont ici mis à l’épreuve du désir charnel). Il en ressort un film étonnant, parfois même déstabilisant, et follement ironique. Un étrange objet cinématographique qui ne laisse jamais indifférent.

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Le blu-ray : Le film est présenté dans un Master Haute-Définition, en version originale italienne (2.0) ainsi qu’en version française (2.0). Des sous-titres français sont également disponibles.

Côté bonus, le film est accompagné d’une Interview de Lorenzo Codelli, critique et historien du cinéma et d’une Interview de Daniele Nannuzzi, directeur de la photographie.

Edité par Rimini Editions, « Black journal » est disponible en DVD ainsi qu’en blu-ray depuis le 19 novembre 2019.

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