Écrire l’intrigue

Écrire un scénario consiste à prendre des mots et à les assembler pour que se crée dans l’esprit du lecteur des images qui l’impressionneront. Et c’est vous, en tant qu’auteur, qui amènerez votre lecteur dans les dédales de votre imaginaire.

Vous inventerez des personnages doués de paroles et qui agiront. Vous vous efforcerez de surprendre votre lecteur par des révélations inattendues. Mais tous ces efforts seront vains si vous ne parvenez pas à lier vos mots à une intrigue qui rivera votre lecteur à votre histoire et l’incitera à tourner les pages pour connaître le devenir de vos personnages.

Ce qu’il ne faut pas croire

Écrire un scénario, ce n’est pas simplement un assemblage de scènes constituées de dialogues et d’action. Vous allez devoir distribuer de l’information de telle manière que le lecteur la perçoive d’abord avec ses sens (les yeux et les oreilles essentiellement).

Ensuite, il est nécessaire que cette information l’intéresse, qu’il s’interroge sur ce qu’il va se passer ou qu’il l’anticipe. De plus, vous devez le rendre capable de comprendre immédiatement ce qu’il se passe dans une scène.

Ce n’est pas ce qui est sous-entendu ou peut-être l’allégorie qui seront perçus d’emblée. S’il y a une signification cachée ou autre, le lecteur la découvrira par lui-même plus tard car c’est d’abord l’évidence qui sera vue et entendue.

Écrire de la fiction (autrefois dénommée drame), ce n’est pas écrire une suite d’événements ou d’incidents telle qu’un personnage fait ceci et se rend quelque part puis rencontre un autre personnage et quelque chose d’autre se produit.
Une narration, ce n’est pas des événements posés là gratuitement.

Dans toute narration, il faut une structure. La structure est l’ossature pour l’intrigue à venir. Que cette structure reprenne le parcours héroïque aux étapes bien ordonnées (comme l’a démontré l’universitaire Joseph Campbell) ou plus classiquement, la structure en trois actes voire en cinq actes, quelles que soient vos préférences, une intrigue ne sera possible (ou du moins cohérente) que si elle est étayée par une structure.

Une double finalité

Structurer son intrigue, c’est à la fois donner une forme générale à l’histoire et ordonner ses scènes en événements spécifiques et en détails qui créeront de la signification.

La forme générale de l’histoire met en place une relation entre le prologue (ou le début de l’acte Un si vous faîtes l’économie du prologue) et le dénouement.
Cette forme développe les conflits de l’acte Deux et elle permet de lier ensemble tous les éléments dramatiques afin de leur donner du sens.

L’intrigue proprement dite est ce qui permet de mettre en place des connexions entre les scènes et les séquences. La structure qui sous-tend l’intrigue dépend de plusieurs facteurs : le genre, le point de vue de l’auteur et même l’intention de celui-ci, la raison pour laquelle il s’est lancé dans ce projet d’écriture.

Attention cependant à ne pas prendre la structure au pied de la lettre. On lit souvent qu’une structure serait d’exposer le problème du protagoniste dès l’acte Un (ce sera son objectif, son désir). Puis l’acte Deux augmente la tension dramatique en insistant sur les enjeux pour le protagoniste (surtout s’il échoue).

Et l’acte Trois (ou le passage de l’acte Deux à l’acte Trois) sera celui du climax, l’ultime affrontement entre le protagoniste et son adversité incarnée (qui est parfois lui-même) et l’histoire se clôt au dénouement.

Lorsqu’il s’agit de mettre en pratique cette théorie, ce sera beaucoup plus difficile parce qu’il faut éviter que les personnages ne digressent dans toutes les directions, que l’intrigue avance et surtout que le lecteur ne se surprenne pas à s’ennuyer.

Une triade dramatique

Sommairement, il y a trois choses à respecter pour construire une intrigue intéressante :

  1. Un personnage et un seul sera le protagoniste. Cela signifie qu’il sera proactif (bien qu’au début, il semble subir les événements). Et s’il est proactif, c’est pour accomplir quelque chose de bien précis et qui sera clair très tôt dans l’esprit du lecteur.
  2. Le protagoniste passera par des épreuves. Il est plongé jusqu’au cou dans les situations conflictuelles. Comprenez bien que vous ne serez pas tendre avec lui. Ce n’est pas cela que vous demande (ou exige) votre lecteur.
  3. Et lorsque le dénouement se présente, l’histoire devra signifier quelque chose.

Bien sûr, cela est insuffisant pour écrire une bonne intrigue. Ce sont néanmoins des principes qu’il faut respecter pour que l’histoire fonctionne.

Le protagoniste (qui est souvent aussi le personnage principal) doit donc agir. Pour qu’il y ait drame, il faut au moins un personnage qui désire quelque chose, qui le veut au point d’en oublier tout le reste. C’est un besoin qu’il doit impérativement réaliser (en fait, le désir est extérieur et c’est la réalisation de ce désir qui permet de combler un besoin interne).

Et pour cela, il agit que ce soit en réaction à quelque chose ou même dans l’acte lui-même d’éviter d’agir.

Cette volonté incoercible du protagoniste permet au lecteur d’avoir une idée claire sur les événements qui se produisent. Il peut les relier à ce désir. La compréhension de ce désir est un a priori à sa participation dans l’histoire contée. Ce que fait le protagoniste, ce qu’il veut soulève chez le lecteur une question dramatique centrale qui oriente toute l’intrigue : le héros réussira t-il son objectif ?

Dans L’incroyable destin de Harold Crick de Zach Helm, la question dramatique centrale est de savoir si Harold parviendra ou non à retrouver la romancière qui, inconsciemment, écrit la vie de Harold.

Le désir est un moteur. C’est par lui que l’intrigue possède un élan. Le conflit forme l’intrigue mais il n’est pas suffisant à lui seul pour la vivifier. Pour cela, il est nécessaire que l’intrigue soit liée à un désir. Car ce désir oblige le personnage à se diriger vers quelque chose. Ainsi, l’intrigue n’est pas statique.

Que le but du personnage soit le même de l’incident déclencheur au dénouement ou qu’il soit une série d’étapes pour accomplir quelque chose comme dans Les évadés de Frank Darabont adapté de Stephen King, l’action (que définit le désir) assure la cohésion d’une séquence de scènes. Et les séquences elles-mêmes seront interprétées pour donner du sens à l’ensemble.

Si les personnages errent simplement de scènes en scènes sans perspective, sans but, le lecteur perdra rapidement un intérêt à connaître ce qu’il pourrait bien leur arriver.
Pour le lecteur, s’il ne peut interpréter les connexions qui existent entre les actions, il ne pourra leur donner de la signification.

Et si le lecteur se sent confus, il abandonnera vite sa lecture.

Le conflit, forme de l’intrigue

Le protagoniste est confronté à des problèmes dans la réalisation de son objectif. Il n’y aurait pas d’intrigue autrement. Qu’il soit subtil ou manifeste, le conflit doit être apparent (ce qui laisse supposer qu’une grande majorité de situations conflictuelles sont éminemment subjectives).

Le conflit crée de la tension dramatique parce que les conséquences immédiates ou lointaines sont anticipées par le lecteur qui aimerait connaître la réponse à ses interrogations.
Par contre, le lecteur n’apprécie guère de mettre des hypothèses sur la source du conflit et sur les raisons d’une situation conflictuelle.

Il lui faut comprendre d’où vient le conflit et pourquoi. Seules les conséquences possibles (et elles peuvent être nombreuses) lui importent. Car, comme dans la vie réelle, nous possédons tous (et nos personnages aussi) une forte inclination à ne pas laisser perdurer un conflit. Nous ressentons un vrai malaise face à un conflit qui dure.

Le lecteur se pose alors la question de savoir si le personnage principal (avec lequel s’est créé un lien empathique) surmontera le conflit car la pression conflictuelle est si intense qu’il semble que seul un heureux hasard pourrait sauver le protagoniste.

Or le Deus Ex Machina est très mal perçu par le lecteur. Si le lecteur a l’expérience de l’ingéniosité de l’auteur, il sait soit que la solution sera innovante ou bien que la situation écrasera le personnage. Ensuite, c’est une question d’interprétation du message de l’auteur.

Désir et conflit sont deux briques narratives qui construisent l’information qui permet au lecteur de comprendre ce qu’il se passe. Les mots du scénario transcendent cette information afin qu’elle soit visuelle et auditive.

Le lecteur/spectateur d’un scénario se livre à une activité passive. Il observe des images et des sons évidents. Les didascalies peuvent être considérées comme des commentaires sur l’action mais elle exige peu du lecteur dans son effort de compréhension du texte. La tension dramatique et la signification (tout cela véhiculé par les mots) doivent être immédiatement claires.

Ainsi, la formule théorique apparemment superficielle qui consiste à décrire une quête afin de réaliser un objectif dont la réussite n’est pas garantie (car les conflits font douter du succès tout en augmentant notre intérêt) reste une base fondamentale pour écrire une bonne intrigue.

Caractère spécifique du scénario : sa durée

Le lecteur/spectateur d’un scénario n’a pas le temps de traiter l’information, de l’apprécier, de l’interpréter. L’auteur d’un scénario doit externaliser ce que ses personnages ressentent, leurs pensées. Et certainement que cela est difficile. Il faut rendre physique la volonté et les besoins des personnages, leurs objectifs, afin de maintenir le lecteur dans l’intrigue.

Tout devient une question de signification. Action et conflit participent au transport des idées de l’auteur vers le lecteur et d’une manière convaincante pour le lecteur.

Le premier niveau d’interprétation est littéral, évident. Nous comprenons ce qu’il se passe en observant le personnage se débattre avec les conflits. L’appréciation de la situation par le lecteur se résume à cette question dramatique de savoir si le personnage réussira ou non à sortir indemne de cette situation.

L’explication est fournie par le texte lui-même. Pour comprendre, le lecteur a besoin de connaître la nature du conflit, son origine, comment il se développe et affecte les personnages.
Comment et pourquoi il se résout comme il le fait ajoute à la compréhension de l’histoire.

L’auteur peut s’arrêter à cette simple observation. Souvent, cependant, son discours illustre un thème. En montrant comment le conflit affecte les personnages émotionnellement et physiquement, l’auteur nous renvoie au cœur de son sujet.
C’est alors l’arc dramatique du personnage, son évolution au cours de l’histoire, qui devient porteur du sens et qui nous apparaît alors après réflexion, lorsque nous nous surprenons à soupeser ce que nous avons observé.

Décrire un thème n’a pas à être une opération compliquée. Il suffit que les personnages réagissent sincèrement à une situation.
Action, tension et émotion seront les trois ingrédients essentiels de votre intrigue.

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