[CRITIQUE] : Les Deux Papes

Par Fuckcinephiles

Réalisateur : Fernando Meirelles

Acteurs : Anthony Hopkins, Jonathan Pryce, Juan Minujin,...
Distributeur : Netflix France
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Américain, Argentin, Britannique, Italien.
Durée : 2h06min.
Synopsis :
Dans cette histoire inspirée de faits réels, le pape Benoît XVI tisse une amitié improbable avec le futur pape François à un moment clé pour l'Église catholique..


Critique :

Échange grisant, jamais didactique - ni même prédicateur - mais surtout drôle entre 2 hommes d'horizons et de croyances différentes, #LesDeuxPapes est une merveille de dramédie racée et subtile, au message certes utopique mais plein d'espoir, sur une compréhension universelle. pic.twitter.com/Mtl4JT3mNo— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) December 20, 2019

Au virage du dernier trimestre 2019, Netflix a non seulement passé la seconde, mais pourrait presque se targuer d'offrir à ses abonnés et aux cinephiles, quasiment un hit par vendredi : Dolemite is my name de Craig Brewer, The King de David Michôd, The Irishman de Martin Scorsese, Marriage Story de Noah Baumbach, 6 Underground de Michael Bay et donc Les Deux Papes de Fernando Meirelles, qui dénote littéralement des précédents essais du bonhomme, tout autant qu'il incarne sans l'ombre d'un doute, l'une des meilleures comédies dramatiques de l'année.

Sommet d'écriture racée et intelligente signée Anthony McCarten (Une Merveilleuse Histoire du Temps, Les Heures Sombres, Bohemian Rhapsody), jamais ostentatoire et jouant encore moins la carte du divertissement prêcheur, la péloche s'articule avec une minutie électrisante, sur la relation entre l'ex-pape Benoît XVI et le pape François durant les jours décisifs de la démission surprenante premier, et la nomination du second, premier pape natif d'Amérique latine.

Tout démarre en 2005, avec la nomination de Benoît au moment de la mort du précédent pape, Jean-Paul II, chippant de peu le titre au cardinal Jorge Bergoglio d'Argentine, second dans les votes.

Plusieurs années plus tard - 2013 -, après des scandales croissants au sein de l'Église catholique et du Vatican, le progressiste Bergoglio a décidé de démissionner de son poste de cardinal en Argentine, et c'est là ou l'écriture de McCarten spécule mais fait sensiblement mouche, en supposant une éventuelle rencontre poussée entre Benoît et Bergoglio, dans laquelle le pape refuse d'accepter la démission du cardinal mais s'engage plutôt avec lui dans une série de conversations, visant à savoir si l'argentin pourrait pleinement être son digne successeur - même s'il se sent indigne de l'être.
Tout en spéculation donc, le film s'échine à bâtir une relation amicale volubile entre deux hommes sensiblement différents (mais qui partagent un amour sincère pour Dieu et l'Église), un débat spirituel et riche en idées, même conflictuelles (sensibilisation sur les inégalités sociales, la crise des réfugiés, le changement climatique, la haine raciale, religieuse et sociale grimpante,...) qui aurait incarné le coeur de la décision du sort future de l'Église catholique, et que l'on capte sous le prisme d'un humour séduisant et d'une sorte de coolitude totalement improbable, véhiculé par deux comédiens totalement investis et habités par leurs rôles.
Anthony Hopkins (son meilleur rôle depuis TRÈS longtemps) au verbe aussi acerbe et féroce que sa carcasse est fragile, mais surtout Jonathan Pryce, cantonné depuis toujours aux seconds rôles (même sur le petit écran, lui qui est si fort pour faire briller les autres) et qui laisse ici exploser tout son charisme carnassier et sa verve géniale.
Les deux se donnent la pareille avec un enthousiasme non feint et une subtilité rare - c'est ce qui s'appelle jouer, en prenant autant de plaisir que l'on en donne -, deux dinosaures ayant totalement conscience de la bonne répartie à user et de la bonne expression à donner à des dialogues au cordeau, que Fernando Meirelles sublime avec une mise en scène " Bergmanienne " au plus près des corps et des visages, donnant un dynamisme supplémentaire à cette exquise joute verbale, entre le Vatican, la résidence de Benoît XVI et les bidonvilles de Buenos Aires.

Dans cet échange grisant, théologique, jamais didactique - et encore moins prédicateur - et (très) drôle entre deux hommes d'horizons et de croyances différentes (on leur enlève leurs tenues religieuses, et pourrait penser retrouver deux potes refaisant le monde devant une bière et un match de foot... ce qu'ils ont déjà en partie), Les Deux Papes, vrai film d'instantané (malgré quelques flashbacks pas toujours utiles, voulu comme des pauses salvatrices entre chaque conversations) sur un changement important (la nomination du pape François a bougé l'Église dans sa léthargie sur plusieurs dossiers houleux, dont les prêtres pédophiles impunis,...) dresse en filigrane le message plein d'espoir d'une compréhension universelle, certes un brin utopique dans le monde actuel de plus en plus divisé, mais pas moins important et surtout inspirant.

La belle (dernière ?) surprise de l'année, tout simplement.


Jonathan Chevrier