Entr'acte - Paris qui dort

Par Platinoch @Platinoch

Un grand merci à Pathé pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray comprenant les films « Entr’acte » et « Paris qui dort » de René Clair.

Entr’acte : Une suite de scènes « surréalistes », comme celle de la poursuite folle d’un corbillard ou de la danseuse barbue filmée en contre-plongée.

Paris qui dort : Albert, le gardien de nuit de la Tour Eiffel s'aperçoit, à son réveil, que Paris est en état de catalepsie. Seules cinq personnes arrivées en avion ont échappé à l'endormissement et déambulent dans les rues désertes de la capitale. Ils découvrent après maintes péripéties qu’un savant fou a inventé un rayon mystérieux qu'il expérimente sur Paris…

Débutant comme journaliste au lendemain de la Première guerre mondiale, René Clair se spécialise très vite dans la chronique des spectacles parisiens. Ce qui lui permet de côtoyer et de tisser des liens privilégiés avec tous les artistes avant-gardistes qui animent la vie culturelle parisienne. C’est là qu’il développe une fascination particulière et une véritable appétence pour le cinéma. Ainsi, après avoir enchainé quelques apparitions à l'écran, il devient l'assistant de sur une poignée de films, histoire d'acquérir les rudiments du métier de réalisateur et de pouvoir diriger ses propres films. Son baptême du feu se fera en 1924 avec « Entr’acte », film de commande au format court (22 minutes) qui comme son nom l’indique doit être projeté durant l’entracte du ballet « Relâche », écrit par Francis Picabia et chorégraphié par Jean Börlin. Le film est ainsi, sans surprise, empreint d’un esprit profondément surréaliste. Au milieu d’une série d’images plutôt étranges (une danseuse filmée de dessous, des ballons qui se gonflent et se dégonflent…), on croise la route d’un chasseur tirant sur des œufs d’autruche avant d’être lui-même chassé avant de suivre son enterrement durant lequel les invités tenteront de rattraper son cercueil qui se fait la malle. Si l’ensemble est plutôt amusant, on y perçoit déjà le goût du cinéaste pour le fantastique (ici le rêve et la magie), thématique récurrente de son œuvre à venir (« Paris qui dort », « Le voyage imaginaire », « Ma femme est une sorcière », « C’est arrivé demain »). Surtout, on y croise furtivement quelques-uns des artistes les plus célèbres de l’avant-garde de l’époque, tels Erik Satie et Francis Picabia jouant du canon ou Man Ray et Marcel Duchamp jouant aux échecs. Une vraie curiosité.

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Fort de ce premier essai, il développe un premier projet personnel l’année suivante avec « Paris qui dort », son deuxième film. Fort d’un format plus long (58 min.), le film poursuit la veine fantastique entrevue dans « Entr’acte ». Il y est question cette fois d’une mystérieuse expérience scientifique qui a plongé le monde dans une léthargie, à l’exception d’une poignée de personnages qui se trouvaient alors dans les airs : les passagers d’un avion et le veilleur de nuit de la Tour Eiffel. Dans cet univers figé, où le temps semble s’être arrêté, les personnages retrouvent une forme d’insouciance et surtout une totale liberté de leurs actes pouvant à leur guise aller chez les gens, se servir dans les magasins, les musées ou les banques. Avant d’être finalement rattrapés par l’ennui. Film formidablement précurseur (difficile de ne pas voir un lien de parenté avec des films plus récents comme « La planète des singes », « Le survivant » ou « Je suis une légende »), « Paris qui dort » brille par son ingéniosité, son audace et sa légèreté. C’est aussi un formidable hommage aux progrès technologiques récents (l’aviation, la tour Eiffel) et à l’imaginaire d’élévation et de conquête du ciel qui y est associé. Tout juste regrettera-t-on quelques « ratés » avec les furtives apparitions de personnages ou de voitures se mouvant ci et là dans le paysage en arrière-plan de certaines scènes. Rien qui ne remette cependant en cause la qualité de ce beau film de science-fiction et l'émotion de voir ce Paris en partie disparu (Le palais du Trocadéro par exemple qui a été rasé depuis).

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Le blu-ray : Ces deux films sont présentés en versions restaurés en 4K au laboratoire L’Immagine Ritrovata, sous la supervision de la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé, avec le soutien du CNC. Bien que muets, ces deux films bénéficient d’une piste musicale (2.0). « Entr’acte » bénéficie d’une piste en audiodescritpion tandis que « Paris qui dort » bénéficie de sous-titres pour malentendants.

A noter que « Paris qui dort » est proposé dans deux versions : celle du British Institute (59 min.) et celle du négatif image (67 min.).

Côté bonus, les films sont accompagnés de « Au-dessus de la mêlée » : entretiens autour du film (29 min.) et du court métrage « La Tour » de René Clair (12 min.) avec l’aimable collaboration de la Cinémathèque française.

Edité par Pathé, « Entr’acte » et « Paris qui dort » sont disponibles au sein d’un combo blu-ray + DVD depuis le 23 octobre 2019.

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