Sorry we missed you

Sorry we missed youDéshumanisation du travail
14ème sélection à Cannes pour Ken Loach qui, avec son vieil acolyte Paul Laverty au scénario, n’a rien perdu de sa verve et de son antilibéralisme chevillé au corps malgré ses 82 ans. Après avoir condamné le sort fait aux chômeurs par le service de l’emploi britannique, il s’attaque à la déshumanisation du travail. Sa cible : l’ubérisation du travail. Les victimes : tous ceux qui voient sous couvert de devenir leurs propres patrons ne plus : toucher de salaire mais des honoraires ; avoir une réelle protection sociale ; être protégés par le code du travail comme les salariés ; voir s’arrêter leur journée de travail au bout de 8 heures de labeur ; toucher le smic pour 8h de travail par jour mais pour 14h ; voir son outil de travail fourni par son employeur mais devoir s’endetter pour pouvoir travailler ;… Et j’en passe sur tout ce qu’a d’écœurant un marché du travail dans le lequel seule les demandeurs s’ajustent à l’offre d’activité pour pouvoir survivre. En prenant comme témoin de cette déshumanisation du travail une famille de classe moyenne, Loach démontre au combien sur cette famille, c’est plus largement une déshumanisation de la société dont ils sont victimes ; donc bien au-delà uniquement du travail. Lui livreur à son compte ou plutôt forçat des temps modernes (Chaplin ne l’aurait pas renié mis à part que Loach n’est jamais drôle ici) et elle est assistante de vie. Qui verra ce film comprendra aussi pourquoi les emplois d’assistante de vie ont du mal à trouver preneur !!! Révoltant en diable et sacrément utile que l’on finit par ne plus voir le côté didactique et procès à charge sans nuance du film. Les personnages vont vivre un chemin de croix oppressant pour le spectateur, rien ne leur est épargné, aucune alternative ou issue n’est possible ; même le chien dans la rue n’a que trois pattes. Le misérabilisme n’est pas loin, « Moi Daniel Blake » était plus mesuré avec des moments de légèreté tout en étant aussi efficace. Ici la charge est puissante mais peut être nécessaire ; et à Ken Loach on pardonne tout….
Sorti en 2019
Ma note: 16/20