Joseph campbell : le héros

Le héros aux mille et un visages de Joseph Campbell s’explique parce qu’il y a une certaine séquence d’actions que l’on retrouve en tous lieux, tous temps, toutes cultures. L’acte héroïque est un acte unique accompli par une foule d’individus à travers le monde et les époques.

Le héros mythique est un personnage qui fascine. Le lecteur d’aujourd’hui reconnaît dans n’importe quel personnage principal de fiction un héros ou une héroïne parce que précisément ce personnage principal accomplit quelque chose au-delà de l’expérience commune.

Il existe un sens particulier d’achèvement chez le héros parce que c’est un être qui donne sa vie pour quelque chose de plus grand que lui ou qui lui est étranger.

L’acte héroïque

Quelle que soit l’apparence du héros, on le reconnaît à deux actes possibles. L’acte héroïque peut être physique. Sauver une vie est héroïque. Se donner à l’autre, se sacrifier pour autrui.

Un autre type d’héroïsme concerne davantage la vie spirituelle humaine. Au cours de son aventure, le personnage atteindra des régions inconnus d’un monde spirituel.
Il apprendra quelque chose lors de son voyage. Il découvrira des choses qui dépasse les actes habituels de la vie spirituelle comme une révélation par exemple.

Il s’agit d’un cycle. Le héros en devenir part dans une quête et en revient avec un message qu’il offre à ceux de sa communauté. Pour Campbell, cela peut être vu comme un rite initiatique du passage de l’enfance à l’âge adulte. Tout être en quelque sorte doit voir mourir sa personnalité et sa psyché d’enfant et naître alors comme un adulte responsable.

C’est une expérience fondamentale que tout un chacun doit entreprendre. Pendant toute l’enfance (jusqu’à l’âge de 14 ans selon Joseph Campbell), nous sommes dans une dépendance psychologique. Puis, pour commencer à nous accomplir pleinement, nous devons sortir de cette attitude de dépendance et devenir psychologiquement responsable.

Symboliquement, cela exige une mort puis une renaissance (ou du moins une nouvelle naissance en un être totalement différent, totalement autre). Campbell emploie le mot de résurrection pour signifier ce parcours initiatique qu’il désigne par Hero’s Journey et qui consiste à trouver la source de la vie pour nous faire naître en une nouvelle condition plus riche ou plus mâture, enfin… autre.

Le héros en chacun de nous

Sauver le monde n’est pas le seul acte héroïque. Souvent, racheter la société de ses dérives n’est qu’une sorte de dommage collatéral à une entreprise bien plus personnelle, celle d’un voyage psychologique, spirituel à l’intérieur de nous-mêmes.

Pour Campbell qui s’inspire de Otto Rank (Le mythe de la naissance du héros. Essai d’une interprétation psychanalytique du mythe écrit en 1909), nous naissons héros. Et la naissance elle-même est un acte d’héroïsme de la part de nos mères.

Certes, nous sommes héros dans nos gênes mais il reste encore un voyage à accomplir et ce ne sera pas facile. D’autant plus que nous ne nous engageons pas dans une aventure en ayant pleinement conscience de ce qu’il se passe.
Les mythes celtiques racontent souvent l’histoire de quelqu’un pourchassant un animal sans s’apercevoir que l’animal l’attirait sciemment dans un lieu (souvent une forêt) inconnu. Puis l’animal se transforme en la princesse de ces lieux enchantés.

Ainsi, on n’a pas vraiment compris ce que nous faisions et nous nous retrouvons soudain nous-mêmes au cœur même d’une aventure que l’on n’a pas voulue.

Bien sûr que nous pouvons aussi nous décider pour cette aventure ou être incité à la prendre mais c’est bien de manière responsable et intentionnelle que nous décidons de cet acte.
Lorsque Athéna enjoint Télémaque de retrouver son père, cette quête du père est une aventure héroïque majeure qu’accomplissent de nombreux jeunes. Savoir ce que l’on deviendra, ce que nous sommes, la quête du père est la quête de notre vérité. Et nous en avons besoin.

Et puis il y a des moments dans la vie où l’on est jeté dans une vie radicalement différente de celle que nous connaissions encore hier. Nous sommes dans un autre monde et nous nous conformons aux règles de ce nouveau monde. Comme si nous nous débarrassions de nos anciens oripeaux pour nous revêtir d’une personnalité autre avec toutes les difficultés que cette transformation, cette mort et résurrection symboliques peuvent supposer.

Un objectif moral

L’objectif moral d’un acte héroïque a tout avoir avec la notion de sacrifice : Sauver quelqu’un ou une idée en se sacrifiant pour cette personne ou pour cette idée.

Que l’on réalise ou non l’objectif en acte (le succès n’est jamais garanti et c’est ce qui fait la beauté de l’acte héroïque), quel que soit le jugement positif ou négatif que le regard d’autrui pourrait porter sur cet acte , il n’en laisse pas moins que cet acte est empreint d’héroïsme. L’héroïsme est inscrit dans la nature de l’acte quel que soit l’acte et quel qu’en soit son aboutissement.

Quelles que soient les attaques ou les critiques contre un acte héroïque, l’acte héroïque demeure un acte objectivement moral quel que soit cet acte d’ailleurs et rien ne pourra détruire l’essence d’un acte héroïque parce qu’il est sacrificiel.

Le feu comme représentation de cet autre à venir

Prométhée vola le feu pour l’offrir à l’humanité, c’est-à-dire à la civilisation. C’est un mythe universel que l’on retrouve non seulement divulgué par Prométhée mais aussi par ce que Joseph Campbell nomme un trickster animal.

Il est d’ailleurs souvent représenté par un oiseau. Considérons le phénix. Tous les cinq cents ans, le phénix sentant sa fin proche dressait un bûcher d’épices et de petit bois. Les rayons du soleil enflammait le bûcher et le phénix de ses ailes attisait le feu. Puis il renaissait de ses cendres.

hérosLes origines mythologiques du phénix semblent être celles de l’oiseau Bénou supposé être l’âme du dieu soleil Râ. Les mythes égyptiens disent que le Bénou est venu à l’existence du cœur de Osiris (dont il porte la coiffe), divinité de la fertilité mais surtout recherché par ceux en quête d’éternité.

Le phénix est devenu ainsi un symbole de renaissance, d’immortalité, de recréation. C’est un symbole de la vie par excellence. Dans de nombreuses traditions religieuses, le feu représente une belle variété d’esprits, d’âmes et de consciences émergentes comme autant d’éveil.

Dans la tradition celtique, le premier mai est Beltaine, l’une des quatre grandes fêtes religieuses. Beltaine qui signifie qui apporte le feu marque le commencement de la saison estivale.
Au moment de Beltaine, les celtes croyaient que le voile entre les mondes (entre le sacré et le profane) s’amincissait jusqu’à rendre accessible l’Autre monde. Les célébrations de Beltaine sont souvent l’occasion d’immenses feux de joie.

hérosLes mythologies aztèque et maya nous propose Xiuhtecuhtli, dieu du feu et du temps. Il est souvent représenté comme un papillon parce que le papillon tout comme le feu est un symbole de transformation personnelle.

On peut tenter de s’expliquer ainsi les raisons qui déterminent le héros à devenir autre au terme de son aventure. Mais les légendes autour du feu ont surtout pour finalité de décrire l’importance du feu pour l’individu en tant qu’être humain.

Le vol du feu par Prométhée permettra de distinguer entre l’humain et la bête. La nuit, le feu tient à distance les bêtes sauvages qui rôdent mais ne s’approchent pas. Ces mythes autour du feu ne cherchent pas à inspirer une conduite ou à faire valoir un point moral. Pour Joseph Campbell, ils servent davantage à valoriser l’importance du feu pour l’humanité et ce serait un concept fondateur de celle-ci (même si on ne le considère pas comme sacré).

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