[TOUCHE PAS NON PLUS À MES 90ϟs] : #35. Speed

Par Fuckcinephiles

© 20th Century Fox - All Rights Reserved


Nous sommes tous un peu nostalgique de ce que l'on considère, parfois à raison, comme l'une des plus plaisantes époques de l'industrie cinématographique : le cinéma béni des 90's, avec ses petits bijoux, ses séries B burnées et ses savoureux (si...) nanars.
Une époque de tous les possibles où les héros étaient des humains qui ne se balladaient pas tous en collants, qui ne réalisaient pas leurs prouesses à coups d'effets spéciaux et de fonds verts, une époque où les petits studios venaient jouer dans la même cour que les grosses majors légendaires, où les enfants et l'imaginaire avaient leurs mots à dire,...
Bref, les 90's c'était bien, tout comme les 90's, voilà pourquoi on se fait le petit plaisir de créer une section où l'on ne parle QUE de ça et ce, sans la moindre modération.
Alors attachez bien vos ceintures, prenez votre ticket magique, votre spray anti-Dinos et la pillule rouge de Morpheus : on se replonge illico dans les années 90 !




#35. Speed de Jan De Bont (1994)

Dans la catégorie des blockbusters rutilants balancés dans les salles obscures depuis plus de quatre décennies maintenant - soit, au moins, une bonne dizaine par an depuis les années 2000 -, Speed de Jan De Bont tient une place à part dans la psyché des cinéphiles, sorte de référence indiscutable du genre suffisamment captivante pour vous tenir solidement agrippé sur votre siège, même face à la scène d'action la plus incroyable - dans tous les sens du terme - et surréaliste qui soit.

Une petite horlogerie suisse sur pellicule, totalement consciente de ce qu'elle incarne (un rip-off sans trop vraiment l'être, de Die Hard, logique quand on sait que De Bont était chef-op sur le film de McTiernan), mais qui ne se contente jamais de son statut facile de divertissement de masse en tentant constamment de divertir son auditoire de la plus ludique et intelligente des manières qui soit, alignant avec une frénésie enthousiasmante les rebondissements tout en veillant à ne jamais laisser faillir l'énergie excitante qui l'habite, tel un feu ardent inventif qu'il faut constamment nourrir sous peine de s'arrêter.

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Et une péloche s'appelant Speed ne peut décemment pas freiner, et encore moins s'arrêter...

Thriller nerveux et percutant, l'histoire s'articule autour d'un membre de l'équipe de déminage de L.A., Jack Traven, qui avec son partenaire, sont appelés d'urgence pour intervenir dans un building après qu'un poseur de bombes/terroristes/fou furieux ait coupé les câbles qui retenaient l'un des ascenseurs.
Logiquement, des employés de l'immeuble de voient piégés dans la machine, et le lascar demande rien de moins que trois millions de dollars pour les libérer, sinon il fait sauter les freins d'urgence et tout le monde passe dans l'au-delà de manière terrifiante et tragique.
Fou mais vrai, ce n'est que l'ouverture d'un bras de fer grisant entre Traven et le terroriste, Howard Payne, un ancien flic rancunier et intelligent, qui semble capable d'anticiper chacun des mouvements de son ennemi.
Il retire son plaisir non seulement de l'argent qu'il demande sans cesse à coups de bombes, mais aussi la satisfaction d'humilier le LAPD, et pour se faire, le bonhomme va user de plans diaboliques, comme piéger un autobus bourré d'usagers et parcourant paisiblement toute la ville.
S'il dépasse les 50 mi/h, la bombe de déclenche, s'il elle repasse en-dessous, la bombe explose, si Traven libère les passagers, elle explose et s'il tente de la désamorcer... elle explose.

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Et évidemment, tout ne sera pas un long fleuve tranquille pour le flic casse-cou (comment pourrait-il en être autrement, en même temps...), qui ne perdra pourtant jamais d'objectif de sauver son prochain et d'arrêter son imprévisible opposant, alors que son coéquipier fait tout pour le localiser...

Mais l'épisode n'est pourtant pas le dernier du film, car c'est par une autre course-poursuite à travers un autre transport en commun - le métro -, que Speed clôt sa folle aventure, entre excitation extrême et stupidité/invraisemblance glorieusement burlesque (un bus qui fait un bond dans le vide de 50m, sur une ligne presque droite, ça calme tout esprit rationnel), une veine furieusement cartoonesque dans l'action qui sera d'ailleurs pillé sans vergogne quelques années plus tard par la franchise Fast and Furious (elle même rip-off de Point Break, porté par Keanu Reeves).
Scripté au bloc de C4 et à la bande d'arrêt d'urgence près par Graham Yost, après un ultime polissage de Joss Whedon (sur une demande de De Bont, qui récupérait le projet après les refus de Tarantino, McTiernan et Harlin), qui accumule savamment les complications pour son héros - non sans un humour mi-ironique, mi-facile cher aux B movies -, solide dans ses envolées musclées, épurées de toute folie furieuse pour n'en conserver que l'aspect viscéral (et donc salement empathique, tant plusieurs fois on se met à la place des otages/victimes), Speed se redécouvre avec délice aussi et surtout pour son casting vedette littéralement on fire.

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Si Reeves en impose en incarnation du cool pas dénué de cervelle, sorte de croisement improbable entre Eastwood et Ford - en plus énergique -, et que l'alchimie qui le lie avec Sandra Bullock est le port d'attache émotionnel phare de la péloche, c'est avant tout et surtout avec la partition over the top de feu Dennis Hopper, que la délectation est la plus sincère.

Psychopathe manipulateur et malin comme un singe, toujours mué par un regard joueur et un sourire glaçant, le bonhomme en impose tellement qu'il rappelle même parfois le terrifiant Frank Booth du grandiose Blue Velvet de David Lynch.
Il est le conducteur barrée d'un train fantôme grisant qui n'a pas perdu une once de sa saveur malgré ses vingt-cinq ans au compteur, mais surtout la pluie d'actionners/blockbusters simplistes qui lui ont emboîté le pas par la suite - et ils sont nombreux, très nombreux...


Jonathan Chevrier