J'Accuse (2019) de Roman Polanski

Après "The Ghost Rider" (2010) de Roman Polanski adapté d'un roman de Robert Harris, ce dernier se lance dans la rédaction du roman historique "D." (2013) sur la ténébreuse affaire connue depuis comme "L'Affaire Dreyfus" (Tout savoir ICI !) qui a fait couler tellement d'encre. C'est dès 2012 que Roman Polanski propose ce projet d'adaptation à ses collaborateurs habituels qui étaient emballés mais à condition que ce soit en langue anglaise afin de faciliter le financement toujours compliqué pour un film d'époque. Mais pour des raisons facilement compréhensibles (historiques et artistiques) le cinéaste est resté sur ses positions pour que le film soit tourné en français, d'où les années qui ont passé. Avec ce film Polanski revient donc à un genre et à un thème qu'il n'avait pas abordé depuis "Le Pianiste" (2002), par là même, le sujet a connu peu d'adaptation cinématographique avec "J'accuse" (1919) de Abel Gance, "Dreyfus" (1930) de Richard Oswald, "Dreyfus" (1931) de F.W. Kraemer et Milton Rosmer, "La Vie d'Emile Zola" (1937) de William Dieterle, "J'Accuse" (1938) de Abel Gance remake de son précédent et "J'Accuse" (1957) de Jose Ferrer... 1894, alors que le capitaine Dreyfus est condamné, le lieutenant-colonel Picquart prend la tête des Renseignements où il comprend que Dreyfus est victime d'une machination. Picquart va tenter de faire éclater la vérité malgré son anti-sémitisme "ordinaire"...

J'Accuse (2019) de Roman Polanski

Une grande partie du casting est composé d'acteurs s'étant déjà cotoyé sur des filsm précédents. Picquart est incarné par Jean Dujardin vu récemment dans (2019) de Quentin Dupieux, Dreyfus est incarné par Louis Garrel qui retrouve donc après "At Eternity's Gate" (2019) de Julian Schnabel Emmanuelle Seigner mais aussi Mathieu Amalric (pour la 5ème fois), eux-même se retrouvent après "La Vénus à la Fourrure" (2013), tandis que Amalric retrouve aussi Michel Vuillermoz pour la 8ème film et Denis Podalydès pour la 9ème film. On citera Vincent Perez qui retrouve Emmanuelle Seigner et Polanski après "D'Après une Histoire Vraie" (2017). Puis pêle-mêle Grégory Gadebois, Melvil Poupaud (5ème avec Amalric), Laurent Stoker et Wladimir Yordanoff... - Evidemment il est difficile de faire abstraction de l'énième scandale qui entoure les moeurs condamnables du réalisateur Roman Polanski. Alors que la France est secoué par un nouvel #MeToo via les déclarations de Adèle Haenel (qui jouait dans "Le Daim" avec Dujardin) de nouvelles femmes portent des accusations graves contre Polanski au moment où sort le film. Coïncidence étonnante, choquante et ironique, le personnage jouée par Emmanuelle Seigner (épouse à la ville du cinéaste) est Valentine Monnier alors que l'une des accusatrices s'appelle Pauline Monnier !(?). Néanmoins, si Dujardin boycotte la promo suite à ces déclarations alors même que ça dure depuis des décennies (l'acteur l'apprendrait-il seulement lors de la promo du film ?!), les scandales successifs ne concerne qu'un homme, ici nous ne parlons que du film... - Pour en revenir au film donc, on salue d'abord les choix de casting, si tous les acteurs ne sont pas spécialement proches physiquement des personnalités historiques l'investissement ne fait aucun doute, outre Jean Dujardin on notera les performances de Louis Garrel/Dreyfus, Grégory Gadebois/Henry et Didier Sandre/Boisdeffre. Le scénario prend le point de vue de Picquart assez logiquement puisque c'est par son biais que la vérité va éclater. Picquart est de surcroît un anti-sémite notoire dit "ordinaire" ce qui ajoute une dimension intéressante et ambigüe au personnage.

J'Accuse (2019) de Roman Polanski

Clairement on avait encore jamais saisi avec autant de détails et de véracité cette affaire hyper documentée et d'une richesse pédagogique certaine. Néanmoins on notera quelques bémols. D'abord le parallèle évident et nauséabond entre le Dreyfus innocent condamné à la vindicte populaire et Polanski et ses accusations multiples de viols, mais c'est évidemment un autre débat dont on se sent obligé de préciser au vu de l'actualité. Mais surtout on sent que Polanski a fait des choix plus discutables sur le fond qui paraissent sur le coup comme de simples détails. Par exemple Picquart est montré comme une sorte de héros, il est trop occulté que l'homme ne l'a pas fait pour Dreyfus et encore moins par bonté d'âme mais par amour de l'armée et son honneur. Ensuite, le fait que l'armée veuille garder la face on le comprend (raison d'état, honneur de l'armée... etc...) mais on ne comprend jamais pourquoi Esterhazy est intouchable ?! Plus anecdotique, laissez croire que l'avocat Fernand Labori a été tué est une omission malheureuse car gratuite. D'un point de vue plus formel, Polanski avait annoncé vouloir faire du film non pas un drame historique mais plus un thriller, sur cela on reste un peu sur notre faim. On est bel et bien dans un drame historique, pas de suspens ni de tension palpable surtout parce qu'on ne croit jamais que Picquart est bel et bien menacé de mort (l'était-il vraiment ?!). Néanmoins, Polanski est assez talentueux pour nous immerger sans mal dans les méandres d'une conspiration qui est au départ rien que de maladresses mais qui va devenir gigantesque tant les bêtises et les paranoïas gangrènent l'armée et les politiques. La magnifique reconstitution (décors et costumes) sans esbroufe, des acteurs inspirés et une intrigue forcément fascinante font le reste. A voir et à conseiller.

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