Adults in the Room (2019) de Costa Gravas

Par Seleniecinema @SelenieCinema

Sans savoir vraiment pourquoi, le cinéaste Costa Gravas avait accumulé des documents depuis 2007 déjà, suite à sa rencontre avec l'ambassadeur de Chypre en France qui lui avait certifié que la Grèce courrait à la catastrophe. Après s'être attaqué à la finance dans "Le Capital" (2012) son épouse et productrice lui envoie une interview du ministre de l'économie grecque Yanis Varoufakis en 2015 avec ce mot "je crois que le film est là-dedans". Par la suite, le livre "Conversations entre Adultes : dans les coulisses très secrètes de l'Europe" (2017) , soit les mémoires de Yanis Varoufakis sur la période des pourparlers de 2015 confirment l'envie du réalisateur-scénariste de poursuivre le projet. Il co-écrit le scénario avec Stephane Osmont auteur avec lequel il avait collaboré sur "Le Capital" (2012)... En 2015, suite à la victoire aux élections législatives grecques, le nouveau Premier Ministre Alexis Tsipras nomme Yanis Varoufakis ministre des finances qui a pour mission prioritaire de négocier la révision du Memorandum of Understanding signé entre l'ancien gouvernement et les instances européennes pour tenter de sortir le Grèce de la crise économique qui dure depuis 2008...

Costa Gravas a insisté pour composé un casting au plus proche des protagonistes, autant vis à vis de l'origine que du physique : " Il y avait deux possibilités pour le film. Une économiquement plus performante : tout en anglais avec des "stars" pour incarner Yanis Varoufakis et Alexis Tsipras. Une autre, en anglais et en grec, sans star internationale puisqu'aucun acteur "bankable" ne parle grec. Nous avons choisi la solution la plus difficile économiquement mais la seule acceptable, artistiquement, et politiquement. Nous avons trouvé en Grèce et partout en Europe un casting idéal. La décision était que chaque personnage important du film soit représenté par un acteur de la nationalité du personnage" ... Donc Yanis Varoufakis est incarné par un acteur grec connu essentiellement chez lui, Christos Loulis dont on peut citer le film "J.A.C.E." (2011) de Menelaos Karamaghiolis. Alexis Tsipras est incarné par un acteur grec également, moins connu encore semble-t-il surtout vu à la télévision grecque. Néanmoins on constate qu'il y a des acteurs tout de même réputés au casting, avec l'allemand Ulrich Tukur, qu'on avait pas vu depuis (2018) de Fatih Akin et qui interprète le ministre allemand Wolfgang Schaüble, l'acteur français Aurélien Decoing alias Pierre Moscovici dont on se rappelle la performance mémorable dans "L'Emploi du Temps" (2001) de Laurent Cantet et qu'on avait pas vu depuis "Souffler plus Fort que la Mer" (2017) de Marine Place, puis l'actrice italienne Valeria Golino (?!) qui joue l'artiste Danae Stratou l'épouse de Varoufakis, Valeria Golino vu récemment dans le très beau "Portrait de la Jeune Fille en Feu" (2019) de Céline Sciamma... Dans un premier temps on s'amuse à reconnaître les hommes politiques (ou pas !) en premier lieu nos français que sont Lagarde, Moscovici et Sapin. Les décors aident ensuite à s'y croire comme un petite souris dans les coulisses européennes. Mais aussi, très vite, on constate que le film est particulièrement manichéen.

En effet, Costa Gravas prend pour argent comptant tout ce qu'il a dû lire dans le livre de Yanis Varoufakis et en premier lieu l'extrême auto-satisfaction de cet ex-ministre. Varoufakis ne se remet jamais en question, et le cinéaste non plus. Le soucis dans une telle affaire politico-financière c'est que la lecture unilatérale des faits repose sur un point important : croire une seule et même personne sur l'échiquier européen. Au final, le rendu est surtout d'une grande démagogie, ludique certe mais démago et manichéen sans aucun doute ; quel grand ministre a été Varoufakis (!), pauvre Grèce, méchante Allemagne, Tsipras traître à la cause... etc... Si seulement c'était si simple ! On se focalise donc sur le reste, l'arrière-plan et si on veut apprécier un temps soit peu le travail on se doit d'accepter la dimension pédagogique du film. Oui la politique est un monde de requin, oui les négociations au sommet de l'Europe sont un ramassis de coups bas, de cynismes, de tractations... etc... mais on y apprend aussi ce qu'est le MoU, et surtout on apprend qu'une vraie fédération européenne solidaire n'est pas gagnée d'avance ! Il faut également aimer les films très bavards, extrêmement bavards, sans que les dialogues soient obligatoirement savoureux tant le film est fidèle au livre avec, de surcroît, une voix Off un peu superflue. On salue les acteurs qui s'effacent complètement derrière leur personnage (gros point pour Christos Loulis et Ulrich. Le film reste le meilleur de Costa Gravas depuis "Le Couperet" (2005) mais force est de constater que le cinéaste n'a plus le mordant de ses grandes années. On apprécie le côté tragédie grecque de cette chronique politique surtout pour son côté dénonciateur et pamphlétaire mais ça reste trop dirigé et trop peu objectif.

Note :