[CRITIQUE] : Doctor Sleep

[CRITIQUE] : Doctor Sleep

Réalisateur : Mike Flanagan

Acteurs : Ewan McGregor, Rebecca Ferguson, Kyliegh Curran,...
Distributeur : Warner Bros. France
Budget : -
Genre : Thriller Fantastique.
Nationalité : Americain.
Durée : 2h32min

Synopsis :

Un nouveau chapitre de Shining de Stanley Kubrick.
Encore profondément marqué par le traumatisme qu'il a vécu, enfant, à l'Overlook Hotel, Dan Torrance a dû se battre pour tenter de trouver un semblant de sérénité. Mais quand il rencontre Abra, courageuse adolescente aux dons extrasensoriels, ses vieux démons resurgissent. Car la jeune fille, consciente que Dan a les mêmes pouvoirs qu'elle, a besoin de son aide : elle cherche à lutter contre la redoutable Rose Claque et sa tribu du Nœud Vrai qui se nourrissent des dons d'innocents comme elle pour conquérir l'immortalité. Formant une alliance inattendue, Dan et Abra s'engagent dans un combat sans merci contre Rose. Face à l'innocence de la jeune fille et à sa manière d'accepter son don, Dan n'a d'autre choix que de mobiliser ses propres pouvoirs, même s'il doit affronter ses peurs et réveiller les fantômes du passé…

Critique :

Oeuvre funambule jonglant entre 3 pensées, volubile, fidèle dans les grandes lignes et portée par un casting impliqué, #DoctorSleep est une lettre d'amour intelligente, fantastique et violente au travail de Kubrick et de King, mais surtout un solide et puissant film d'épouvante. pic.twitter.com/z6FUxDbYeQ— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) October 30, 2019

Sur le papier, l'épreuve semblait si ce n'est impossible, au moins profondément titanesque malgré le talent certain et indiscutable de Mike Flanagan : adapter le roman Doctor Sleep de Stephen King, suite direct de son Shining, pour en faire non seulement une oeuvre personnelle mais également une suite directe au film de Stanley Kubrick, qui s'était volontairement démarqué du materiau d'origine.

Un put*** de jeu d'équilibriste pour une ré-ouverture nostalgique et ambitieuse de l'hôtel Overlook, qui incarne une vraie expérience à part, s'inscrivant pleinement au coeur de sa propre oeuvre (on pense énormément à The Haunting of Hill House, et c'est totalement voulu), comme un long-métrage somme entre révérence appuyée et exploration mythologique prenante.
[CRITIQUE] : Doctor Sleep

Car plus que d'offrir une suite digne de ce nom réconciliant les deux médiums (il se réapproprie même plusieurs séquences du film de Kubrick), Flanagan signe rien de moins qu'un puissant moment de cinéma aussi terrifiant et immersif qu'il est d'une émotion prégnante, prenant volontairement ses libertés avec le matériau d'origine - quelques trahisons/distances totalement assumées - pour mieux happer son auditoire au sein d'un cauchemar angoissant jouant merveilleusement la carte de l'ambiguïté entre représentation et suggestion, entre thriller dramatique (sur la douleur intime des êtres humains) et fantastique enivrant.

On y suit Dan à la fois douloureusement destructeur et incroyablement vulnérable alors qu'il prend contact avec la jeune Abra, elle aussi frappée par la même " lumière " et totalement isolée face à ce don, ce qui en fait la proie parfaite pour Rose the Hat, leader de la tribu du Noeud Vrai, des êtres presque immortels, qui se nourrissent de la douleur des enfants " brillants ".
Fable infiniment complexe multipliant les sous-intrigues et les temporalités, constitué comme un puzzle émotionnel et non chronologique, jamais plombé par son format ni sa durée (une heure de plus que Shining), le film, bien plus fasciné par les traumas de ses héros et leurs émotions que par l'irruption d'envolées fantastiques pourtant jouissivement morbides (souvent déplaisante parce que très réalistes), s'impose in fine bien plus comme un drama psychologique qu'un véritable roller coaster à la gestion du fantastique et de l'horreur d'une intelligence et d'une justesse rare.
Volontairement lourd et pesant, prenant intelligemment son temps pour laisser parler sa dramaturgie, entre multiples aller-retours entre les temporalités et les mentalités des personnages, bons comme mauvais (Danny Torrance gagne en substance, le personnage d'Abra est incroyablement fascinant et incarne à la perfection l'aspect " initiation à la dure de l'âge adulte " cher à l'oeuvre de King), Flanagan égraine avec une frénésie enthouasiasmante pléthore de ses thèmes chers (maux d'une addiction, volonté de rédemption,...), et laisse parler les démons qui sont indubitablement tapit à la lisière des âmes. 
[CRITIQUE] : Doctor Sleep

Vraie oeuvre schizophrène et funambule jonglant entre trois pensées (celles de King et Kubrick mais aussi celle de Flanagan), volubile - dans le bon sens -, fidèle dans les grandes lignes et portée par un casting impliqué (Ewan McGregor est impressionnant en Torrance, Rebecca Ferguson est merveilleusement terrifiante en démon insaisissable semblant tout droit sortie de la mythologie chinoise), Doctor Sleep est une lettre d'amour intelligente, fantastique et (parfois) violente au travail de Kubrick et de King, mais surtout un beau et puissant film d'épouvante, comme on en voit que trop peu.


Jonathan Chevrier 


[CRITIQUE] : Doctor Sleep