Le Dindon (2019) de Jalil Lespert

L'acteur Jalil Lespert, faut-il le rappeler, est également un réalisateur qui se construit doucement une filmo éclectique après "24 Mesures" (2007), "Des Vents Contraires" (2011), "Yves Saint-Laurent" (2014) et (2016)... A tel point qu'on a bien du mal à reconnaître un temps soit peu de cohérence puisque cette fois-ci il s'attaque à l'adaptation d'une pièce connue, "Le Dindon" (1896) de Georges Feydeau, célèbre auteur de vaudeville mainte fois porté sur grand écran, dont les précédentes versions de "Le Dindon" (1913) de Henri Pouctal, (1951) de Claude Barma et le téléfilm (1986) de Pierre Badel... Jalil Lespert explique son choix : "Feydeau a su créer une mécanique assez imparable dans laquelle ses personnages souvent assez égoïstes se retrouvent pris au piège : ils ressemblent à des pantins désarticulés, tributaires d'une histoire irréelle qui semble les dépasser... A la fin du XIXe siècle et au début du XXe c'était très avant-gardiste"...

Le Dindon (2019) de Jalil Lespert

Dans le même temps, le réalisateur-scénariste y voit une similarité avec aujourd'hui et précise : "On y demande la main de sa future femme à son futur beau-père, la bourgeoisie fonctionne sur des règles étriquées, basées sur un certain savoir-vivre. Mais en coulisses, tout est en train d'éclater même si ce n'est pas encore formulé."... Pour cette adaptation Lespert co-écrit le scénario avec Guillaume Gallienne, qui connaît bien la pièce puisqu'il a déjà incarné monsieur de Pontagnac pas moins de 150 fois au théâtre, le duo a été ensuite rejoint par Fadette Drouard qui a signé les histoires des films "Hibou" (2016) de et avec Ramzy Bédia, "Patients" (2017) de Grand Corps Malade et Mehdi Idir et du prochain "Papicha" (2019) de Mounia Meddour... L'histoire est transposée dans le Paris des années 60, ce qui demeure la plus grande originalité de ce projet, ajouté à quelques libertés dont un Pontagnac plus lisse justifié par les scénaristes : "depuis le mouvement "Me Too", il y a des choses qui ne passent plus"... Pontagnac, justement, suit une femme jusqu'à chez elle pour la séduire, avant de se rendre compte qu'il s'agit de l'épouse de son ami Vatelin. Pontagnac va devoir composer avec cette ami qui n'est pas tout blanc non plus et l'arrivée d'autres protagonistes aux desseins pas toujours avouables... Pontagnac est toujours incarné par Guillaume Gallienne, Vatelin est interprété par Dany Boon, l'épouse et femme courtisée est incarnée par Alice Pol qui retrouve ainsi Gallienne et Boon après plusieurs films ensemble dont (2017) pour le premier et "Un Plan Parfait" (2012) de Pascal Chaumeil pour le second. L'épouse Pontagnac est jouée par Laure Calamy qui était également dans "Un Plan Parfait", un ami est joué par Ahmed Sylla vu récemment dans "Inséparables" (2019) de Varante Soudjian, tandis qu'une prostituée est jouée par Camille Lellouche vue récemment dans "Mon Inconnue" (2019) de Hugo Gélin... Avec un tel matériau d'origine il est plutôt difficile de décevoir, et pourtant Jalil Lespert confirme qu'il n'est pas un grand réalisateur même s'il fait un job honnête. En effet, le cinéma n'est pas le théâtre et la gageure est justement de faire oublier un temps soit peu les planches pour donner vitalité et espace ce qu'il n'arrive jamais à faire. D'abord la reconstitution d'époque sent beaucoup trop le théâtre, sur grand écran il ne suffit pas de stationner quelques voitures d'époque dans une rue !

Le Dindon (2019) de Jalil Lespert

Mais le plus frappant est sans doute la direction d'acteur. En effet, la plupart des ces acteurs sont en roue libre et il aurait fallu canaliser ces élans qui vont du granguignol à la caricature outrancière en passant par des grimaces et mimiques superflues. Dany Boon et Laure Calamy sont particulièrement en verve (et ce n'est pas un compliment !), tandis que Ahmed Sylla est la très bonne surprise. Jalil Lespert use alors de subterfuges peu subtil, à priori ajouter des parties musicales dansées est gage d'originalité et/ou de modernité... Tout aussi facile même si ces séquences sont plaisantes et apportent des sourires que le reste du film ne nous offre pas à l'exception notable de sourires déjà esquissées pendant la bande-annonce visionnée bien avant le film...

Note :

Dindon (2019) Jalil Lespert