Décès de Marie-Martine Enjalbert, figure de la Cinéphilie Française

Marie-MartineMarie-Martine Enjalbert est partie rejoindre les étoiles au cours de la semaine dernière, suites à une infection pulmonaire fulgurante.
Elle était l’un des visages emblématiques de la Cinéphilie Française, une infatigable dévoreuse de pellicule, en quête d’émotions cinématographiques, de rencontres et de débats enflammés autour du 7ème Art.

Ceux qui ont fréquenté les avants-premières publiques des cinémas UGC Les Halles et UGC Bercy l’ont sûrement croisée un jour. Elle y avait ses habitudes, toujours au bord d’un rang, au centre de la salle, et assez proche de l’écran, pour pouvoir être absorbée par le film projeté. Elle faisait toujours partie des premiers de la file d’attente, pour être bien certaine d’assister à la projection. Il en était de même pour tous les festivals auxquels elle assistait, avec une régularité et une fidélité qui forçait le respect : Festival de Cannes, Festival du Film Américain et Festival du Film Asiatique de Deauville, Festival du Film Britannique de Dinard, Festival du Film Policier de Cognac, Festival du Film de Femmes de Créteil, Festival du Film de Paris, Paris Cinéma, et bien d’autres encore…
A Cannes, avant la mise en place du nouveau système de réservation des billets, nombreux ont pu la croiser la nuit, devant le Palais Festivals, assise sur un tabouret à attendre l’ouverture des guichets de la billetterie, au petit matin, pour avoir une invitation pour la soirée de gala du lendemain. Et cela ne l’empêchait pas d’enchaîner avec les projections de l’après-midi, en compétition officielle, à Un Certain Regard ou à La Quinzaine des Réalisateurs, afin d’être bien sûre de ne pas rater un film de la sélection.
Entre les films, elle adorait échanger avec les autres cinéphiles, s’enflammant pour les chefs d’oeuvres ou fustigeant les nanars, avec toujours un grand plaisir à échanger autour de sa passion.

C’est comme cela que je l’ai rencontrée, il y a vingt-cinq ans. J’assistai alors à l’un de mes premiers festivals, le Festival du Film de la Jeunesse, au Gaumont Marignan. Elle était évidemment la première dans la file d’attente. Moi le second. Pour patienter, nous avons évidemment parlé de cinéma, de nos goûts respectifs, de nos coups de coeur du moment et de son prénom, tout droit issu… d’un film (Marie-Martine, avec Renée Saint-Cyr et Bernard Blier).
Je l’ai revue quinze jours plus tard, au Festival Les Acteurs à l’Ecran de Saint Denis, dans les mêmes conditions. Puis je l’ai recroisée à Cannes, à Deauville, et aux avants-premières parisiennes. Alors forcément, à force de se croiser tout le temps et de discuter, nous sommes devenus amis. Elle m’a fait découvrir des festivals où je n’aurais jamais envisagé de mettre les pieds – et encore moins les yeux – m’a offert ma première montée des marches cannoise, grâce à une invitation glanée auprès de son réseau.
Plus tard, j’ai fait la connaissance de Guy, son mari. Il a fini lui aussi par se prendre de passion pour le cinéma, sur le tard, et à fréquenter les avants-premières, se muant en un chasseur d’autographes redoutable. En quelques années, de festival en festival, il a du réussir à signer tout ce que Hollywood compte de superstars et de réalisateurs de génie.

Le couple m’a très gentiment hébergé pendant le Festival de Cannes et ce, durant plusieurs années. J’ai été accueilli royalement, car en plus d’être une cinéphile acharnée, Marie-Martine était une véritable gastronome, doublée d’un cordon bleu hors-pair. Ses banquets d’avant-festival étaient de véritables “Festin de Babette”, pour reprendre le titre d’un fameux film de Gabriel Axel, aptes à caler les estomacs pendant dix jours, permettant de se concentrer ensuite uniquement sur le cinéma.
Malheureusement, ces dernières années, Marie-Martine s’est faite plus rare dans les salles obscures. Guy a été victime d’un AVC dont il ne s’est jamais remis, et  elle a dû mettre de côté sa passion du cinéma pour s’occuper de lui, multipliant les allers-retours à l’hôpital. Il est décédé il y a sept mois. Elle n’a hélas pas tardé à le rejoindre.

Sa disparition laisse un grand vide pour ceux qui l’ont connue et appréciée, ses proches, ses amis et de très nombreux cinéphiles qui ont eu l’occasion d’échanger avec elle un jour ou l’autre, dans une file d’attente ou une salle de cinéma.
Je m’associe à la peine de sa famille et honore sa mémoire, ainsi que celle de son mari, en ce triste jour de septembre.