Recherche & témoignages

Par William Potillion @scenarmag

Écrire le pilote d’une série peut tout autant exiger du temps en recherches, en documentations, en rencontres et discussions diverses ou bien ne nécessiter qu’un minimum de recherches parce que le sujet n’en a pas vraiment besoin de davantage.

Tout dépend donc du type d’histoires que l’auteur s’apprête à raconter. D’abord, pourquoi se documenter ? La réponse est simple : pour atteindre à la vraisemblance.

Selon Shonda Rhimes, le niveau d’authenticité voulu pour un pilote (ou pour la série tout entière) est le critère qui décide de la masse d’informations nécessaires pour que la réalité décrite dans la série imite au plus près la réalité telle que nous la connaissons.

Parmi toutes les sources possibles (d’autant plus accessibles avec le progrès), la lecture est le moyen encore le plus usité pour apprendre. Shonda Rhimes nous fait une petite mise en garde cependant.
Nos lectures donneront certainement de la matière littéraire avec laquelle nous revêtirons nos idées pour la série envisagée. Néanmoins, si l’on s’arrête à la première idée qui nous convienne sans faire l’effort de poursuivre nos recherches sur le sujet dont nous voulons traiter dans la série, nous risquons le plagiat (ou simplement de manquer d’originalité).

Shonda Rhimes n’est pas la seule à appuyer sur l’importance de la recherche. Certains auteurs n’hésitent pas à dire que 90 % du temps doit être consacré à se documenter ce qui facilitera par la suite l’écriture du scénario.
Je vous renvoie à ces deux articles par exemple sur Dan Brown :

  • LE PRÉALABLE À L’ŒUVRE DE FICTION : LA RECHERCHE
  • RECHERCHE : AU FOND DES CHOSES

Nous pouvons aussi prendre ce que d’autres auteurs de fiction ont fait avant nous parce que depuis les traditions orales, tout a déjà été dit. Mais il ne faut pas tomber dans le travers de recopier littéralement ce qui a déjà été écrit. Il ne faut pas non plus négliger ce travail qui nous a précédé par crainte de plagier un auteur.

Ce qui compte, c’est de comprendre comment un autre auteur a abordé un sujet et si cette façon de faire rencontre chez vous un écho favorable d’imiter ensuite ce procédé d’écriture pour fixer ce que vous-mêmes souhaitez aborder dans votre sujet.

Les rencontres : source précieuse pour obtenir des détails

Tous les auteurs dont je cite ici-bas la pensée sont d’accord que les témoignages leur apportent les détails dont ils n’auraient jamais eu l’idée. Que ce soit des témoignages lus (mon exemple est extrême mais il est vrai que les Évangiles constituent un témoignage vivant et crédible de la vie de Jésus apportant des détails à ceux qui savent les lire et les interpréter éventuellement) ou bien des interviews véritables où l’auteur va à la rencontre d’autrui pour qu’il partage une expérience, une émotion, un savoir), la valeur d’un témoignage est inestimable pour un auteur de fiction.

Le sujet que vous avez décidé de traiter désignera les personnes que vous devriez rencontrer ou les informations que vous devriez obtenir. Rechercher est forcément quelque chose de précis. Même si parfois, on ne sait pas vraiment les réponses dont on a besoin.

Shonda Rhimes confirme l’expérience de nombreux auteurs en quête d’informations lorsqu’il demande à quelqu’un qu’il ne connaisse pourtant pas des informations que cette personne pourrait posséder. Il s’avère que celle-ci est généralement d’assez bonne volonté à se confier.
Il faut certes préparer cette interview (par exemple, on ne peut pas interrompre un vétérinaire dont le carnet de rendez-vous est surchargé pour qu’il vous explique quoi que ce soit sur son métier). Et puis n’importe lequel d’entre nous a besoin d’être dans les bonnes circonstances lorsqu’il s’agit de se confier sur notre point de vue particulier sur ce certain monde qui est le nôtre.

Et pour Shonda Rhimes, c’est bien dans la profusion des détails que vous accumulerez lors de vos recherches et que vous replacerez dans le contexte de votre fiction que vous pourrez donner à celle-ci la vraisemblance nécessaire.
Le détail est la vie.

A l’écoute des autres

Vouloir comprendre le monde, c’est être à l’écoute d’autrui. Je ne dis pas que toutes rencontres qui n’est pas véritablement une discussion en fin de compte s’avérera gratifiante sur le long terme mais tant que vous n’ouvrez pas un canal envers autrui, vous n’aurez pas accès à ce que cette personne a à dire (et parfois, il y a beaucoup à dire).

Soyez prêt à absorber beaucoup d’informations. Ne jugez pas votre interlocuteur. S’il vous apporte des réponses que vous connaissez déjà, notez-les. Laissez s’écouler le flot. Contentez-vous d’orienter votre recherche par quelques questions et puis même si cela digresse de ce que vous recherchez, continuez sur cet élan.

Après l’interview, lorsque vous synthétiserez vos notes, d’autres questions se soulèveront. Vous pourriez alors préparer un nouveau jeu de ces questions spécifiques (en effet, l’information deviendra de plus en plus précise au fur et à mesure des témoignages recueillis) et sollicitez une nouvelle rencontre avec la personne ou cherchez d’autres sources afin de compléter et d’affiner cette information dont vous estimez avoir besoin pour écrire votre fiction.

Et à propos de notes, Shonda Rhimes n’enregistre pas ses conversations. Elle n’écrit pas non plus des notes en écoutant son interlocuteur. Ce n’est qu’après la conversation qu’elle fait cet effort de se remémorer les détails de la discussion.

Pour elle, cette souvenance particulière est bien plus puissante que toute autre façon de faire parce qu’inconsciemment, vous filtrerez les informations et il devrait en ressortir ce qui compte pour vous vraiment à ce moment particulier de votre recherche. On ne cueille vraiment ce dont on a besoin qu’au moment où on en a besoin.

Pour faire court, la recherche consiste à rassembler les différentes parties qui constitueront votre monde fictif. Aucune question ne sera d’une banalité à vous faire honte.
Dès le principe, vos interrogations fuseront en tous sens surtout si ce monde que vous souhaitez créer vous est totalement inconnu.

Ce n’est pas parce que vous n’y connaissez rien au monde médical par exemple que celui-ci vous est définitivement fermé. Au contraire, vous vous immergerez vous-mêmes dans ce monde en allant au-devant des personnes et autres témoignages qui vous en révéleront les détails (jusqu’aux plus sordides).
Tout cela donnera de la solidité à votre univers.

Les lieux portent témoignage

Une autre source d’informations est de visiter physiquement ou virtuellement des lieux. Pour Dan Brown, c’est une source d’inspiration incommensurable.

Vous aurez besoin d’atmosphère et de sentiments. Les lieux et les personnes qui les habitent peuvent vous apporter cela. Dans le cadre d’une activité, vous aurez besoin de vous en imprégner. Par exemple, un professionnel de la santé peut seul vous faire toucher du doigt et du cœur ce qui fait son monde au quotidien.

Il en sera de même avec quelqu’un fortement croyant qui tentera de vous faire comprendre sa foi à défaut de la partager. Ces différents témoignages sur des activités diverses auxquelles vous n’êtes pas habitué possèdent aussi l’avantage de vous mettre au contact d’un langage spécifique à cette activité ce qui vous permettra par la suite d’établir vos dialogues avec encore plus de crédibilité.

Les détails que vous tirerez de vos rencontres avec des personnes ou des lieux n’auront pas besoin d’être justifiés puisqu’ils portent en eux-mêmes leur propre vérité. Ils se sont produits tels qu’on vous les relate ou que vous les percevez.

Ce n’est pas la preuve historique ou autre de ce détail que vous vouliez obtenir mais ce détail lui-même. C’est lui dont vous aviez besoin et que vous ne pouviez vous procurer que par un témoignage.

A travers un témoignage, vous vous accaparez la vie d’un individu. Et cette vie, vous la projetterez dans un personnage de votre fiction. Et même si ce témoignage porte sur une personne morte et que ce sont les détails de cette vie passée que l’on vous relate.

Lorsque vous commencerez à écrire des scènes, vous vous apercevrez vite que d’autres questions seront encore à résoudre. Le processus d’écriture génère lui aussi des interrogations. Ne vous en inquiétez pas.
Comme Shonda Rhimes le confirme, ces recherches incessantes renforcent non seulement la crédibilité et la vraisemblance mais aussi nourrissent les personnalités de vos personnages et partant, votre intrigue.

En somme, c’est une recherche d’authenticité. Et pour y parvenir, il suffit de se mettre à l’écoute. Je vous l’accorde, c’est un apprentissage. Même les personnes les plus attentives ont parfois du mal à s’oublier devant l’autre.

Et soudain, vous savez

Mûrir un projet, c’est beaucoup de réflexion sur toutes les informations glanées au cours de nos recherches. Puis vient le moment de la révélation. Soudain, vous avez la certitude que vous tenez l’information, le détail, un comportement ou bien comment une personne a résolu un problème et vous vous apercevez que cela correspond à ce que vous recherchiez pour votre projet, pour votre histoire en devenir.

C’est un moment très intime. Soudain, la vérité se fait jour dans votre esprit. Et comme le dit Shonda Rhimes, vous êtes prêt alors à écrire. Et souvenez-vous : rien n’a besoin d’être parfait.

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