D’autres outils du suspense

Par William Potillion @scenarmag
In Media Res pour créer un sentiment d’urgence

Si l’on commence un chapitre ou une scène et que tout semble se dérouler pour le mieux, on ne crée pas de tension dramatique. Il faut au contraire jeter le ou les personnages dans des situations d’urgence telle qu’un rendez-vous d’une importance capitale pour le personnage qui rencontrera alors des difficultés imprévues mettant en péril le moment du rendez-vous.

Pour Dan Brown, les situations in media res ne sont cependant pas suffisantes pour impliquer le lecteur. Celui-ci doit aussi s’interroger sur les raisons de l’importance de ce rendez-vous qui ne lui seront données que plus tard après que la situation d’urgence ait été exposée.

Et cette exposition est la démonstration du malaise, de l’embarras du personnage. En quelque sorte, l’auteur jette à la fois le lecteur et son personnage au cœur d’une même action qui a déjà débutée. C’est dire au lecteur que quelqu’un a des problèmes. Mais le lecteur ignore tout de ces problèmes.

Pour comprendre la situation actuelle, il lui faudra continuer à tourner les pages. C’est précisément cette attitude que permet la tension dramatique induite par le questionnement du lecteur sur la scène qu’il est en train de lire.

Les réponses lui seront évidemment données mais seulement après que l’urgence ou l’embarras du personnage aient été manifestes parce que c’est un préalable à son implication dans la scène.
S’il est important de décrire un lieu parce que ce lieu joue un rôle important dans l’énigme que pose la scène, alors cette description sera retardée autant qu’il se peut.

Différents types de suspense

Un des outils préférés des auteurs de thriller pour créer du suspense est le cliffhanger. Le cliffhanger date de l’époque des émissions de radio diffusées les dimanches qui se terminaient de manière systématique par un personnage comme suspendu dans le vide, les mains accrochées au bord de la falaise.

Pour savoir s’il allait s’en sortir, il fallait écouter le prochain épisode. Les auteurs de thriller utilisent une méthode similaire. Ils finissent un chapitre ou une scène sur le même type d’interrogation. Pour connaître la réponse, il faut donc continuer à tourner les pages. Des séries comme Game of Thrones fonctionnent sur le même principe. L’action en cours est suspendue jusqu’au prochain épisode, voire même quelques épisodes plus tard si d’autres lignes dramatiques nécessitent de continuer leur développement.

Le cliffhanger se présente sous différentes formes. Ce peut être terminer une scène par une réponse par exemple. Mais ce sera une réponse surprenante à laquelle le lecteur ne s’attendait pas. L’élucidation de cette étrange réponse sera alors confiée à la scène ou au chapitre suivant.

Nous pouvons aussi poser une question que le lecteur n’a pas vu venir. Par exemple, pourquoi un personnage qui semblait si sincère, si intime avec notre héros se voit soudain contraint de le trahir. Nous comprendrons plus tard les raisons de cet étrange comportement. Et pour cela, nous devons continuer à tourner les pages.

Selon Dan Brown, l’auteur qui se lance dans un thriller devrait cultiver une sorte d’instinct pour créer du suspense à la fin d’une scène ou d’un chapitre. Il faut en quelques sorte se justifier auprès du lecteur pour qu’il soit désireux de connaître des informations que nous retenons volontairement.

Cette rétention de l’information que nous pouvons assimiler à une distribution savamment pensée de l’information est un des outils les plus efficaces du suspense. Il suffit par exemple de terminer un chapitre ou une scène en laissant en suspens la résolution qui sera alors donnée dans le chapitre ou la scène qui suit.

Autre exemple : votre personnage connaît un moment de révélation. Vous rendez manifeste cette révélation à la fin de la scène mais vous n’en communiquerez la teneur que dans une scène ultérieure. Le lecteur devra atteindre alors cette scène. Vous lui donnez ainsi envie d’en savoir plus.

Selon Dan Brown, cette rétention de l’information qui consiste à ne pas en dire trop pour maintenir l’intérêt du lecteur est la clef pour écrire le suspense.
Cela revient à dire au lecteur que l’auteur connaît une information mais qu’il ne lui dira pas aussi longtemps qu’il le peut (car à un moment donné, on ne peut faire autrement que de donner les réponses ne serait-ce que pour poser d’autres énigmes).

Retenir l’information : tout un art

Pour Dan Brown, retenir l’information consiste essentiellement à ce que les personnages n’aient pas accès à cette information. Dans le Da Vinci Code, par exemple, l’accès à une information cruciale est protégé par un code à 26 chiffres.

Il y a toujours moyen de ne pas divulguer immédiatement une information. Ce moyen néanmoins doit être crédible. Puisque l’information est inaccessible, il doit y avoir une raison valable à cet interdit.

C’est ainsi qu’il n’est pas logique que les personnages refusent l’information ou retardent le moment de cette information. Ils ont besoin de cette information, ne serait-ce que pour faire avancer l’intrigue.
Ils sont donc toujours impatients de posséder de nouvelles informations mais ils se heurtent à des obstacles qui rendent celles-ci difficiles à obtenir.

Une autre façon de faire relève davantage de la mise en scène. En effet, lorsqu’un personnage dit à un autre qu’ils vont procéder autrement par exemple. L’un des personnages demande alors ce qu’ils vont faire et l’autre répond qu’il lui dira en cours de route. L’information n’est pas cachée, elle se fait simplement attendre et cela participe aussi à l’élaboration du suspense.

Créer l’information consiste à définir pour le personnage un besoin qu’il devra satisfaire. Mais il ne peut l’avoir immédiatement. Il doit d’abord délivrer un effort conséquent, accomplir une série de tâches. En quelque sorte, il doit mériter l’information qu’on lui remettra.