FACE À LA NUIT (Critique)

Par Cliffhanger @cliffhangertwit

SYNOPSIS: Trois nuits de la vie d'un homme. Trois nuits à traverser un monde interlope, qui ont fait basculer son existence ordinaire. Il est sur le point de commettre l'irréparable. Mais son passé va le rattraper...

Présenté cette année au festival du film policier de Beaune, Face à la Nuit en est reparti avec le Grand Prix, l'une des plus hautes récompenses décernées par ce festival. Réalisé par Wi Ding Ho, ce polar venu tout droit de Malaisie nous plonge dans la vie d'un policier durant trois nuits bien précises de sa vie. S'ouvrant sur un plan vertigineux, Face à la Nuit se présente d'abord comme un polar situé dans un futur vaguement proche. Les idées de mise en scène sont là, et les références à un futur technologique et moral, où le suicide est un sujet sensible, séduisent rapidement. Au-delà de l'intrigue policière, d'abord peu compréhensible, il y a aussi un propos sur les couples mixtes, notamment, que l'on ne s'attend pas forcément à voir dans un film malaisien. On se dit alors qu'un polar abordant de tels thèmes ne peut être qu'une bonne pioche. Surtout quand il est si bien éclairé par Jean-Louis Vialard. Mais les problèmes arrivent...

Toute la difficulté de raconter un personnage le temps de trois nuits, à trois époques différentes, est de trouver des axes qui permettent, si ce n'est l'empathie, de trouver l'intérêt à le suivre durant près de deux heures. On ne veut pas comparer l'incomparable, mais Jia Zhangke s'y était parfaitement réussi avec ses deux derniers films, dont Les Éternels, sorti cette année. Face à la Nuit échoue complètement à ce jeu-là. Malgré les excellentes prestations de ses comédiens-phares, suivre ce flic devient très vite ennuyeux tant on devine que c'est un homme infect qui n'aura fait que des mauvais choix dans sa vie, pour des raisons parfois injustifiables. Il est dur de compatir à sa dépression, à sa tristesse ou même à sa nostalgie, même quand le fantôme d'une femme aimée revient le hanter.

Et le plus gros problème de Face à la Nuit justement, ce sont les femmes. Elles sont infidèles, cruelles, vénales, incapables d'aimer : le film fait clairement comprendre que ce sont elles qui sont à l'origine de tous les problèmes du héros. En plus d'être filmées avec une grande complaisance dès qu'il s'agit de les torturer, de les tuer ou de les montrer pendant des scènes d'amour. Ce qui peut laisser perplexe durant la première partie du film (malgré une Louise Grinberg qui fait ce qu'elle peut avec un rôle navrant de prostituée venue d'Europe), devient rapidement agaçant durant la deuxième partie, probablement la pire du film à ce niveau-là. C'est à ce moment-là que le film perd définitivement le peu d'intérêt qui lui restait. La troisième partie expéditive, n'a même pas le mérite d'être écrite correctement alors qu'elle est censée servir d'explication à tout ce que l'on vient de voir. Wi Ding Ho se prend les pieds dans le tapis et le rare propos sociétal qui servait admirablement le premier tiers du film disparaît complètement au profit d'un drame mère-fils qui manque cruellement d'émotion. Une émotion que même le dernier plan, pourtant hautement symbolique, n'arrive pas à ramener.

Le constat est dur mais Face à la Nuit (titre VO : City of Lost Things) loupe le coche dès qu'il se fourvoie dans un traitement de ses personnages féminins racoleur au possible et qu'il abandonne toute tentative de propos sur la société malaisienne. Reste un polar vaguement passionnant et prenant, à la mélancolie bien présente, grâce à une mise en scène nerveuse et soignée de Wi Ding Ho.

Titre Original: XING FU CHENG SHI

Réalisé par: Wi Ding Ho

Sortie le: 10 Juillet 2019

PAS GÉNIAL