DONNIE DARKO (Critique)

Par Cliffhanger @cliffhangertwit

SYNOPSIS: Donnie Darko est un adolescent de seize ans pas comme les autres. Intelligent et doté d'une grande imagination, il a pour ami Frank, une créature que lui seul peut voir et entendre.
Lorsque Donnie survit par miracle à un accident, Frank lui propose un étrange marché. La fin du monde approche et ce dernier doit accomplir sa destinée. Des événements bizarres surviennent dans la petite ville tranquille, mais Donnie sait que derrière tout cela se cachent d'inavouables secrets. Frank l'aidera à les mettre à jour, semant ainsi le trouble au sein de la communauté.

2001. Un petit film d'un réalisateur inconnu sort en salles. Mais les attentats du 11 septembre n'aident pas forcément au succès de ce long-métrage mettant en scène un crash d'avion. Ce film, c'est Donnie Darko, réalisé par Richard Kelly. Et son histoire, c'est celle d'un public de niche qui a réussi à l'imposer près de 20 ans plus tard comme une œuvre culte. Donnie Darko ne se raconte pas. Il ne se pitche pas. Donnie Darko est une expérience au-delà du temps (littéralement). Il recèle tellement de secrets et de mystères qu'il serait impossible de tout comprendre au premier visionnage. C'est là une des raisons qui peuvent expliquer son échec en salles : il nécessite du temps. Vivre une telle expérience perturbe, interroge, perd le spectateur. C'est une continuelle remise en question que Richard Kelly nous propose, une œuvre complexe et impensable. Mais au risque, nous tenterons quand même d'en résumer le postulat. Donnie Darko est l'histoire du héros éponyme, un jeune homme intelligent mais solitaire, somnambule et à tendance schizophrène. Alors que son ami imaginaire Frank - un lapin anthropomorphe à tête de mort - lui annonce une nuit la date de la fin du monde, un réacteur d'avion tombe dans sa chambre. Donnie échappe de peu à la mort, et c'est le début d'une succession d'événements complexes, imbriqués les uns dans les autres, dont seul le jeune homme pourra trouver l'explication...

A l'instar de son synopsis, il est peu évident de ranger Donnie Darko dans une case, de le définir par un genre. Car il les manie avec une fabuleuse habileté qui participe à faire perdre ses repères (à la fois logiques et cinématographiques) au spectateur. En premier lieu, Donnie Darko est un teen movie. Un jeune garçon, seul et asocial, " bizarre ", rencontre à son lycée Gretchen, une jeune fille dont il tombe amoureux. Mais d'un autre côté, c'est un film d'horreur. Le lapin terrifiant, des images cauchemardesques et perturbées visant à allégoriser les pensées du jeune garçon... Le film vogue sur ces différents genres en jouant avec leurs codes et leurs styles, afin de créer une œuvre profondément unique.

Au cœur de ce film, nous retrouvons un casting brillant de mille feux, mené par un jeune Jake Gyllenhaal dans le rôle qui l'a révélé. Il est époustouflant en solitaire schizophrène, aux antipodes du cliché du loser sympathique du teen movie classique. Il est accompagné par Jena Malone incarnant Gretchen, une ado probablement aussi " bizarre " que lui. Nous citerons également Maggie Gyllenhaal (la sœur de Jake, qui campe ici également... sa sœur), Mary McDonnell (la mère Darko), Katharine Ross (la psychiatre) et Holmes Osborne (le père Darko). Le cast est complété par Drew Barrymore et Patrick Swayze, incarnant respectivement la prof d'anglais " sympa " et proche de ses élèves, et un " coach de motivation " prêchant une vision du monde très bipolaire. Donnie Darko fait partie de ces œuvres à la fois fascinante, terrifiante et profonde qui bouleversent à chaque visionnage. Il brise les conventions tout en déclarant sa flamme au cinéma et à l'art en général. C'est un bijou complexe, intense et particulièrement personnel. Richard Kelly scanne les pensées les plus noires d'une génération perdue dans un univers qui la dépasse, un univers trop grand pour elle. Car comme on le comprend vers la fin, tout ne tourne pas forcément autour de nous... Ou peut-être que si, d'une certaine manière, finalement... Donnie Darko transcende son scénario et le statut même de fiction pour s'affirmer comme une pépite introspective et philosophique intemporelle, qui joue avec ces questions existentielles pour initier de profondes remises en question chez le spectateur. Richard Kelly fait de son premier film un coup de maître si puissant et pertinent que le statut de culte n'est que mérité.

Donnie Darko, c'est le genre de film qui pose une tonne de questions sans jamais donner de réponses. Et pourtant, on y retrouve encore et toujours de nouvelles question à poser. C'est une œuvre d'une densité si impressionnante qu'il s'impose comme une merveille en mouvement constant, qui jamais ne s'arrête et qui n'a peur de rien. On est pendant longtemps après la sortie de la salle hanté par ce que le film véhicule. Car Donnie Darko est un cauchemar duquel on ne sort jamais véritablement. Il est un labyrinthe dans lequel on se plaît à plonger la tête la première, en sachant pertinemment les émotions qu'il provoque. Sa ressortie est l'occasion de retrouver ce périple sur grand écran, dans ses deux versions. Et comme Richard Kelly l'explique, les deux versions ne sont pas l'une contre l'autre, ou à la place de l'autre. Les deux se complètent, se répondent. Choisissez votre version (la cinéma ou la Director's Cut) pour retrouver Donnie et tous les autres dans cette aventure formidable et coup de poing. Plongez pendant exactement 28 jours, 6 heures, 42 minutes et 12 secondes dans ce compte à rebours inéluctable.

Titre Original: DONNIE DARKO

Réalisé par: Richard Kelly

Casting : Jake Gyllenhaal, Maggie Gyllenhaal, Drew Barrymore...

Genre: Drame, Thriller

Sortie le: 30 janvier 2002

Ressortie le : 24 juillet 2019 en version restaurée

Distribué par: Carlotta Films

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