Marthe

Un grand merci à L’Avant-scène cinéma pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le DVD du film « Marthe » de Jean-Loup Hubert.

Marthe

« La première fois où j’ai arrêté d’avoir peur, c’est quand j’ai pris mon coup de baïonnette. Je me suis dit ça y est, je vais enfin pouvoir dormir »

Blessé à Verdun, un jeune poilu est accueilli dans un hôpital militaire au Croisic. Il y fait la connaissance d’une jeune institutrice dont il tombe immédiatement amoureux. Son sentiment étant partagé, il est le plus heureux des hommes. Mais il est renvoyé sur le front, sans savoir s’il reverra celle qu’il aime plus que tout. Entre les ténèbres des tranchées et la vie qui soudain palpite quand l’amour s’en mêle, le film nous fait tanguer et nous procure des émotions comme rarement le cinéma parvient à le faire…

« ça devrait vous rendre un peu moins cons d’en avoir pris autant sur la gueule »

Marthe_Guillaume_Depardieu

Bien que débutée sous l'angle de la comédie (« L'année prochaine si tout va bien », « La smala »), la carrière de réalisateur de Jean-Loup Hubert sera surtout marquée par ses (mélo)drames naphtalinés ancrés dans la France rurale des années 40 et 50. On pense bien sûr au couple déchiré du « Grand chemin », mais aussi à ce soldat déserteur de « Après la guerre » ou encore au trio amoureux de « La reine blanche ». Après la bluette adolescente « A cause d'elle » (1993), dans laquelle il dirige pour la dernière fois son fils Antoine, il revient en 1997 avec « Marthe », mélodrame fragile sur fond de première guerre mondiale. Un film qui commence dans le vacarme et dans le sang des tranchées, le temps d'une séquence de combat à la baïonnette sous les gaz filmée en caméra subjective qui se révèle tout à fait saisissante de réalisme et d'effroi. Et tandis qu'on croyait le héros tombé au combat, la séquence suivante s'ouvre dans le calme d'un bureau où un médecin militaire constate la parfaite guérison dudit soldat. Comme un miraculeux retour à la vie.

« Je donnerais ma deuxième guibole pour qu’on m’aime un peu »

Marthe_Gérard_Jugnot

D'ailleurs, c'est tout l'objet de ce film articulé autour de la dualité entre la vie et la mort. Entre la souffrance et la douceur. L'enfer inhumain des tranchées d'un côté et de l'autre l'espoir d'un bonheur possible le temps de sa convalescence loin du front et de sa romance avec la jeune institutrice du village. De façon assez habile, le réalisateur restitue ainsi parfaitement le contexte de l'époque, la souffrance des hommes (pour qui une blessure aussi douloureuse soit-elle constitue un soulagement de quitter le front), leurs terribles conditions de (sur)vie (la boue, la crasse, les combats, la peur), leur révolte qui couve, mais aussi et plus généralement la vie à l'arrière où les femmes (et les filles) travaillent et attendent fébrilement des époux/pères qui pour beaucoup ne reviendront pas. Bien que filmé avec beaucoup de pudeur et de délicatesse, on regrettera néanmoins le parti pris du cinéaste de gommer toute aspérité chez ses personnages (le médecin militaire de prime abord strict et un peu antisémite qui se dit finalement prêt à réformer le héros, le camarade cul-de-jatte absout sur son lit de mort de sa responsabilité dans le suicide d'un camarade...), au risque d’affaiblir la crédibilité du récit et sa tension dramatique. En cela, son final volontairement optimisme se révèle quelque peu hors sujet. Mais plus encore, alors que le film bénéficie d’une interprétation de haut vol, grâce en partie à la subtile fragilité de Guillaume Depardieu et à la belle énergie de ses compagnons d’infortune Gérard Jugnot et Serge Riaboukine, c'est le choix de Clotilde Courau qui interroge tant son interprétation parait fade. Mais aussi imparfait soit-il, « Marthe » n’en reste pas moins une jolie fable humaniste et pacifiste qu’on prend plaisir à redécouvrir dans cette très belle édition.

Marthe_Clotilde_Courau

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Le DVD : Le film est présenté dans un nouveau master réétalonné, en Haute Définition, en version originale française (2.0).

Côté bonus, un second DVD propose les suppléments suivants : Interview de Jean-Loup Hubert, le réalisateur du film, Témoignages de Clotilde Courau et Gérard Jugnot, de Jean-François Lepetit (producteur) et de Jean-Marie Dreujou (directeur de la photo), Présentation critique du film
Scènes coupées, commentées par Jean-Loup Hubert (30 min.) et Making of du film.

Edité par L’Avant-scène cinéma, « Marthe » est disponible en édition collector double DVD incluant un fac-similé de 112 pages de numéro de l’Avant-Scène Cinéma consacré au film (scénario complet avec dialogues, présentation du réalisateur, rétrospective des films consacrés à la Grande Guerre, revue de presse) depuis le 9 avril 2019.

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