LA MAISON ASSASSINÉE (Critique)

Par Cliffhanger @cliffhangertwit

SYNOPSIS: Au début du siècle dernier, cinq personnes ont été massacrées dans une auberge de Haute-Provence. En 1920, le seul survivant de cette tuerie revient au village en quête de son passé. Insensible aux avances des filles, Séraphin ne pense qu'à assouvir sa vengeance. Mais lorsqu'il s'apprête à tuer les coupables, il est chaque fois devancé par une mystérieuse personne.

Patrick Bruel l'avoue lui-même en interview : parmi tous les films de sa carrière d'acteur, La Maison assassinée figure sans problème dans son quinté. D'aucune auront sans doute de quoi lui exposer quelques arguments contradictoires au vu d'une filmographie particulièrement riche, mais il est évident qu'en matière de rôle à prestige, son interprétation de Séraphin Monge avait de quoi constituer un rôle fort et mémorable. En 1988, l'acteur ne déméritait donc pas pour incarner avec fièvre et charisme la figure centrale de cette terrifiante histoire de vengeance, imaginée quatre ans plus tôt par Pierre Magnan dans son roman éponyme. Soit le retour au pays d'un jeune soldat démobilisé après la fin de la Grande Guerre et confronté de plein fouet à un passé qui le hante : un double statut d'orphelin et de seul survivant du massacre sanguinaire de sa famille peu après sa naissance, l'image-flash d'une mère qui essaie de l'atteindre une dernière fois avant de mourir, et surtout la prégnance d'une énigme criminelle gardée intacte par certains habitants de son petit village de Haute-Provence. Désireux de retrouver la paix et l'identité des meurtriers, Séraphin détruit sa maison d'enfance brique par brique et passe outre la méfiance des gens du coin pour entamer sa vengeance. Mais comment se fait-il qu'à chaque tentative d'auto-justice, quelqu'un semble le devancer ? Que cache cette histoire ? Et que s'est-il réellement passé, cette nuit orageuse de septembre 1896, dans cette auberge familiale ?

Si vous êtes un habitué des sagas d'été de TF1 ou France 2, à base de vastes complots familiaux, d'individus refoulant leur passé, d'enjeux puissamment romanesques et d'énigme policière qui ne révèle son fond caché qu'à la toute fin, nul doute que La Maison assassinée saura vous donner toute satisfaction. Revoir le film a posteriori nous invite en effet à le lire sous l'angle d'une sorte de saga policière et romanesque, filmée avec de grands moyens, qui n'a de cesse de combiner des éléments très concrets du genre (retour au bercail, conflits familiaux, énigme à résoudre...) avec des velléités lorgnant du côté du fantastique. S'y croisent ici une trinité féminine comprenant une femme maudite ( Agnès Blanchot) et une riche nymphomane au look de succube érotisée ( Ingrid Held), des gueules burinées et déformées (dont le faciès sarcomateux de Yann Collette), un individu louche qualifié de fou ou de sorcier, sans oublier une atmosphère plus ou moins gothique où de savantes perspectives et de beaux jeux de lumières nocturnes offrent un impact fou à des bâtiments aussi conventionnels qu'un château ou une auberge. Un goût de l'atmosphère que le grand Georges Lautner - lequel faisait avec ce film un adieu définitif à la comédie populaire qui fit sa prestigieuse réputation - entérine avec brio dans une scène d'ouverture digne d'un pur film d'épouvante (revoir le film en Blu-Ray permet de profiter encore plus de chaque détail de l'image), tout en tenant son récit d'une main de maître jusqu'à la tragique révélation finale.

Film populaire et adulte à la fois, solidement interprété, enrichi par des émotions contradictoires qui se confrontent en permanence, et mariant une maîtrise réelle du cadre et de la narration à un goût évident pour l'immersion dans une ambiance familière qui se transforme elle-même par les enjeux du récit, La Maison assassinée conserve encore aujourd'hui de très belles rides. Mais au sein du cinéma français des années 80, il reste surtout l'un des rares prototypes d'adaptations réussies et respectueuses, capables d'éviter la pure transposition sans âme d'un matériau littéraire et, au contraire, de traduire celui-ci à l'écran par la construction d'un cadre et d'une atmosphère. Il manque peut-être au film un goût de l'audace et de la transcendance que Lautner n'a jamais vraiment su tutoyer dans sa carrière (hormis peut-être dans La Route de Salina, sa plus grande réussite), mais au vu d'un livre qui puisait sa force autant dans son intrigue que dans un cadre provençal si cher à son auteur, on passe volontiers outre ce petit regret. Artisan du genre au sens le plus digne du terme, Lautner faisait ici œuvre de respect et de professionnalisme, et c'est bien ce qui fait encore aujourd'hui la solidité de son cinéma.

Titre Original: LA MAISON ASSASSINÉE

Réalisé par: Georges Lautner

Genre: Drame

Sortie le: 03 février 1988

Distribué par: Gaumont

EXCELLENT