Demain est un autre jour

Par Platinoch @Platinoch

Un grand merci à Elephant Films pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « Demain est un autre jour » de Douglas Sirk.

« Tu as bien réussi et tu as l’air si heureux... Tu es heureux n’est-ce pas ? »

Clifford Groves, fabricant de jouets prospère, a une vie bien rangée dans sa banlieue pavillonnaire huppée de Los Angeles. Mais à l’approche de la cinquantaine, il constate amèrement que son  existence est un peu morne, coincé entre son travail et une vie de famille insatisfaisante. De plus en plus seul et délaissé par sa femme Marion, il retrouve par hasard Norma Veil une ancienne collaboratrice pour laquelle il a toujours eu une attirance.

« On ne devrait pas se marier pour fuir la solitude »

1956. Douglas Sirk est au firmament de sa carrière de cinéaste, qui prendra néanmoins fin trois ans (et cinq films) plus tard. Il faut dire qu'il s'est imposé depuis 1953 et « All I desire » comme le maître du mélodrame flamboyant hollywoodien. En la matière, sa recette est souvent la même: des histoires d'amour déchirantes, à la fois complexes et contrariées, centrées autour de personnages trainant derrière eux un lourd passé. A l'image de l'actrice ratée et adultère de « All I desire », de cette veuve éprise d'un homme plus jeune dans « Tout ce que le ciel permet » ou de la jalousie dévastatrice du jeune héritier autodestructeur de « Écrit sur du vent ». Le tout servant au cinéaste à construire, en creux, une violente charge critique contre l'hypocrisie et des mœurs conservateurs de la société américaine.

« C’est si facile pour un homme de tomber dans la routine. Il perd les envies qu’il avait... La vie finit par lui faire peur. »

Adaptation d'un roman d'Ursula Parrott, « Demain est un autre jour » est peut-être en cela son meilleur film. Ou du moins, son film le plus bouleversant. Soit l'histoire d'un chef d'entreprise en proie à une tardive crise de la quarantaine qui prend conscience du temps qui passe et de la monotonie de sa vie familiale bien rangée, casanière et pleine d'habitudes. Alors forcément, le retour imprévu dans sa vie de son ancien amour de jeunesse viendra mettre à mal toutes ses certitudes. Sirk réunit à cette occasion Fred McMurray et Barbara Stanwyck, le mythique couple de criminels de « Assurance sur la mort » de son compatriote Wilder. Mais cette fois-ci Barbara Stanwyck n’incarne plus la femme fatale qui conduire le héros à sa perte, mais au contraire la possibilité d’un nouveau départ et d’un bonheur à construire. Mais comme souvent chez Sirk, les personnages sont prisonniers du carcan de la société, de ses conventions et surtout de sa morale rigide toujours prompte à brimer les velléités d’émancipation et de bonheur des individus. En la matière, fort d'une mise en scène très symbolique (le robot qui continue d'avancer mécaniquement sans qu'on lui prête attention, le héros qui regarde sa vie à travers les fenêtres de sa maison...) et après un final déchirant, Sirk réussit un génial tour de force : rester dans les clous du code de censure en préservant le mariage du héros tout en critiquant la rigidité de cette institution, peu propice à l’épanouissement personnel. Sublime.

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Le blu-ray : Le film est présenté dans un nouveau Master restauré en Haute-Définition et proposé en version originale américaine (1.0). Des sous-titres français sont également disponibles.

Côté bonus, le film est accompagné d’une présentation du film par Jean-Pierre Dionnet (4 min.) ainsi que d’une présentation de Douglas Sirk par le même Jean-Pierre Dionnet (9 min.). Une Bande-annonce d’époque et une Galerie photos complètent cette édition.

Edité par Elephant Films, « Demain est un autre jour » est disponible en DVD ainsi qu’en blu-ray depuis le 26 mars 2019.

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