The Renegade (2019) de Lance Daly

Par Seleniecinema @SelenieCinema

Nouveau long métrage du réalisateur-producteur-scénariste des films "Kisses" (2008) et "Life's a Breeze" (2013). De son titre en V.O. "Black 47" qui fait référence à la Grande Famine de 1845-1849 en Irlande, mais le film est en fait l'adaptation du court métrage "An Ranger" (2008) de P.J. Dillon, scénariste mais aussi connu comme directeur Photo notamment sur les séries TV "Vikings" (2014-2017) et "Games of Throne" (2012-2017). Ce film est co-écrit par plusieurs scénaristes dont le réalisateur et P.J. Dillon lui-même. Le projet tenait à coeur le réalisateur Lance Daly qui a déclaré : "Compte tenu de l'importance singulière de la grande famine dans l'histoire irlandaise, déjà vu sur nos écrans de cinéma, les acteurs et l'équipe de tournage se sentaient chargés de faire un film non seulement historiquement exact et émotionnellement vrai..."... En effet, cette famine a déclenché la vague d'émigration des irlandais notamment vers l'Amérique et a provoqué une baisse de la population de plus d'un quart tandis que le Royaume-Uni continuait de piller l'Irlande du reste de ses récoltes ! (Tout savoir ICI !)... Le récit se situe pendant l'hiver 1847, où le ranger Feeney revenu de ses années d'engagement dans l'armée britannique, apprend la mort de sa famille et constate les ravages de la famine. Feeney va cette fois s'engager contre l'occupant anglais pour une vengeance impitoyable... Si le cinéaste irlandais fait surtout appel à des irlandais et des anglais pour les protagonistes respectifs on s'étonne de voir deux australiens dans le casting. Ainsi les deux rôles principaux sont incarnés par deux australiens, le héros Feenley par James Frecheville révélé par "Animal Kingdom" (2011) de David Michôd et vu dans "Perfect Mothers" (20133) de Anne Fontaine, puis le mercenaire Hugo Weaving vu dernièrement dans "Mortal Engines" (2018) de Christian Rivers.

Ensuite il y a les anglais Jim Broadbent vu dans "Gentlemen Cambrioleurs" (2019) de James Marsh et Freddie Fox révélé dans "The Riot Club" (2014) de Lone Scherfig et vu dans "Le Roi Arthur : la Légende d'Excalibur" (2017) de Guy Ritchie. Enfin les irlandais dont Barry Keoghan vu dans "Mise à Mort du Cerf Sacré" (2017) de Yorgos Lanthimos, puis Stephen Rea qui avait déjà joué pour l'histoire irlandaise dans "Michael Collins" (1997) de Neil Jordan, qui retrouve pour l'occasion Huga Weaving après "V pour Vendetta" (2006) de James McTeigue et qui était déjà dans "Kisses" de Lance Daly... La reconstitution soignée et impressionnante nous replonge dans la misère irlandaise, la population en haillon et la campagne dévastée par les décisions arbitraires de l'occupant. La reconstitution est fidèle à la réalité, décors et costumes, mais surtout il y a un vrai travail également sur le contexte géo-politique, ludique et compréhensif pour les néophytes sans que ce soit trop explicatif. La mise en place des protagonistes et de l'histoire dans l'Histoire est alors cohérente et judicieuse. Un vrai bon point, notamment parce que ce point est souvent délaissé pour bâclé dans les films du même genre. On pense de temps en temps à des films comme "Rob Roy" (1995) de Michael Caton-Jones, "Guns 1748" (1999) de Jake Scott et surtout "Ned kelly" (2003) de Gregor Jordan mais le film de Lance Daly est beaucoup plus authentique, ancré dans une réalité tragique, il est plus âpre aussi. Si le film est historiquement intéressant il reste un film de vengeance avant tout avec sa dose d'action pure. Particulièrement sombre et violent, d'un pessimisme voir d'une tristesse omniprésente le final s'offre pourtant une parcelle d'optimisme, ou pas !

James Frecheville incarne un Feenley impose un charisme inédit, un homme imposant pour lequel l'acteur a appris la gaélique ! Précisons d'ailleurs qu'il faut voir ce film en V.O. !... Les scènes d'action sont efficaces, sans tomber dans la modernité elles restent captivantes avec un excellent travail sur la réalité technique des armes de l'époque. Entre le scènes d'action, entre vengeance et chasse à l'homme, le cinéaste n'oublie jamais de nous faire traverser un pays en désolation et meurtri qui nous rappelle que la violence n'en est que la cause et conséquence. Un tel film n'est pas anodin dans l'Irlande actuelle. Après une première mondiale au Festival de Berlin en 2018, le film reçoit des critiques en majorité élogieuse avec en prime un succès énorme en Irlande où il est devenu le film irlandais le plus rentable de l'histoire. Un film nécessaire sur ce qui reste un génocide. On peut regretté sans doute un manque sensible de la gent féminine, et une intrigue un peu simple. Mais Lance Daly signe un film historique juste et bienvenu avec une vengeance qui a avant tout un avant-goût de révolution.

Note :