Dramatica : la théorie expliquée (114)

Chapitre 26

L’art de la narration

Seconde Étape : le Storyencoding
Introduction au Storyencoding

Le Storyencoding, c’est l’histoire que vous racontez. C’est la diégèse, ce sont les illustrations et les représentations que vous inventez. La structure serait davantage le Storyweaving qui consiste à ordonner les choses de votre histoire.

Storyencoding est simplement le processus qui convertira les appréciations (qui sont en quelque sorte le moyen d’accès à l’histoire pour le lecteur) qui sont le matériau brut du Storyform (c’est-à-dire la structure) en des personnages de chair (même s’ils sont de fiction), en lieux, en événements. Ce seront des choses à raconter.

Par exemple, pour un projet de scénario, nous aurions un Storyform avec le domaine UNIVERSE pour l’Overall Story Throughline.

Je vous renvoie à ces articles pour l’explication de ces termes :
Chapitre 13 :
Les descriptions de domaine

Le domaine de l’Objective Story
DRAMATICA : LA THÉORIE EXPLIQUÉE (51)
DRAMATICA : LA TH�ÉORIE EXPLIQUÉE (52)

Le domaine de la ligne dramatique du personnage principal
DRAMATICA : LA THÉORIE EXPLIQUÉE (53)

Le domaine de l’Influence Character
DRAMATICA : LA THÉORIE EXPLIQUÉE (54)

Le domaine de la Subjective Story
DRAMATICA : LA THÉORIE EXPLIQUÉE (55)

UNIVERSE implique que l’Overall Story Throughline gravite autour du concept de situation externe.

Faisons un bref rappel :

Les quatre classes de problèmes

  • UNIVERSE (aussi dénommée SITUATION)
  • MIND (aussi dénommée FIXED ATTITUDE)
  • PHYSICS (aussi dénommée ACTIVITY)
  • PSYCHOLOGY (aussi dénommée MANIPULATION)

se manifeste dans le GRAND ARGUMENT STORY.

Ce GRAND ARGUMENT STORY est en fait une histoire mais pas n’importe quelle histoire. C’est une histoire que Dramatica prétend réputée complète parce qu’elle couvre toutes les manières d’identifier et résoudre un problème (celui que la fiction ou fable ou histoire raconte justement).

Un GRAND ARGUMENT STORY est ce qui permet d’affirmer que l’histoire racontée n’est pas incohérente ou qu’elle présente des trous narratifs qui pourraient nuire (qui nuiraient certainement) à sa compréhension.

Un GRAND ARGUMENT STORY offre quatre perspectives sur l’histoire :

  • L’Overall Story qui présente les choses comme si un narrateur (pas nécessairement présent) nous mettait dans la position de l’observateur. On dit aussi que ce narrateur est omniscient parce qu’il a vraiment accès à toutes les informations et l’Overall Story permet au lecteur de posséder plus d’informations sur le problème raconté que les personnages.
  • Le Main Character est le point de vue du personnage principal. La perspective du personnage principal permet de raconter l’histoire à la première personne.
  • L’Influence Character est le point de vue du personnage qui aura le plus d’influence ou d’impact sur les actions et décisions du personnage principal. C’est aussi une perspective à la première personne (le JE a cela d’intéressant qu’il permet au lecteur une percée dans l’intimité de ces personnages importants pour l’histoire).
  • La Subjective Story est la description des détails de la relation qui unit le personnage principal (Main Character) et son Influence Character ainsi que l’évolution de cette relation.

Chaque perspective est assignée à une classe et une seule. Ces quatre perspectives combinées aux quatre classes nous donnent quatre lignes dramatiques (ou Throughlines) :

  • Overall Story Throughline
  • Main Character Throughline
  • Influence Character Throughline
  • Subjective (ou Relationship) Story Throughline

Dramatica fait la distinction entre perspective (ou point de vue) et ligne dramatique. Cela ajoute à la confusion mais n’est pas crucial à comprendre. Ce qu’il faut admettre est qu’en assignant chacune des quatre lignes dramatiques aux quatre classes dans la structure de l’histoire, nous créons autant de perspectives thématiques.

Et que sont ces perspectives thématiques autre que les parti-pris de l’auteur sur les problèmes qu’il soulève avec son histoire. On peut ainsi parler du message de l’auteur. Et ce message a besoin d’être supporté afin d’être communiqué.

Par exemple, objectivement, le problème d’une histoire pourrait être une situation, un contexte, des circonstances, certaines conditions du monde de l’histoire. Cela signifie que la perspective de l’Overall Story et la classe SITUATION (ou UNIVERSE) correspondent ou sont liées.

En assignant un point de vue particulier à une classe, nous posons que cette classe sera la perspective de la ligne dramatique concernée. Tout ce que nous observons dans l’histoire (ce que Dramatica nomme Overall Story comme ce général qui observe la bataille du haut de sa colline mais qui n’y participe pas de l’intérieur) se trouve dans la classe SITUATION et partant, la classe SITUATION est l’Overall Story Throughline.

Assigner un point de vue (en quelque sorte une façon de voir les choses qui est la vérité de chacun) à une classe crée une perspective. Celui ou celle qui croit, par exemple, ne voit pas le monde de la même façon que l’athée.
Dans la fiction, cette perspective change la manière dont les objets dramatiques se manifesteront dans cette classe.

Par exemple, si l’Overall Story Throughline est associée à la classe SITUATION, on peut dire que globalement l’histoire est à propos d’une situation qui affecte tous les personnages à divers degrés. Cette histoire pourrait être à propos d’un groupe d’individus dans un monde post-apocalyptique ou bien de prisonniers dans un camp de concentration ou bien encore à propos de deux familles rivales se disputant la mainmise sur une activité illicite.

Dans chaque cas la situation externe (le monde de l’histoire en fait) est la cause du problème soulevé par l’histoire. Et ce problème, nous le voyons objectivement.
Il n’est pas tamisé par le regard singulier d’un personnage qui vit ou éprouve ce problème de l’intérieur. C’est une même situation qui affecte tous les personnages de l’histoire.

Le point de vue d’un personnage est le JE. Le point de vue de tous les personnages est le ILS. Le point de vue du ILS est nécessaire au lecteur parce que celui-ci a besoin de connaître les tenants et aboutissants de ce qu’il se passe dans l’histoire.

Maintenant, si nous assignons le point de vue du personnage principal à la classe SITUATION, cette classe SITUATION devient la Main Character Throughline (la ligne dramatique du personnage principal).

Dans ce cas, avec cet arrangement particulier, seul le personnage principal se débat avec la situation ou le monde de l’histoire. Il pourrait par exemple se rebeller contre l’ordre établi du monde de l’histoire alors que les autres personnages s’y conforment. Ces autres personnages seront alors impliqués parmi les trois autres classes.

C’est ce type d’arrangement que nous avons avec Elephant Man dans lequel la difformité du personnage principal est la source de son problème avec le monde extérieur.
Nous décrivons le personnage principal selon sa situation personnelle qui est une condition externe qui cause des difficultés seulement pour ce personnage. Dans une Overall Story SITUATION, tous les personnages y compris le personnage principal seront affectés.

Reprenons notre introduction au Storyencoding

Supposons que notre Objective Story Throughline s’articule autour d’une situation externe. Nous ne pouvons pas écrire les choses ainsi parce que le lecteur a besoin de quelque chose de bien plus concret pour s’imprégner de l’histoire.

L’auteur doit donc d’abord se demander quelle situation il cherche à décrire. Par exemple, la situation de mon Objective Story Throughline pourrait être un groupe d’individus piégés sur le Titanic.

Cette description est pertinente avec le domaine de l’Objective Story Throughline associée à la classe UNIVERSE. Il faut bien comprendre ce que nous dit Dramatica.
L’appréciation (c’est-à-dire l’accès à l’histoire par le lecteur) est une fonction dramatique. Le domaine est l’une de ces fonctions dramatiques. L’harmonie entre le domaine et l’illustration (ou l’invention) qui en est faite par l’auteur évite le dysfonctionnement.

Un autre auteur pourrait choisir d’encoder (ce terme est celui que Dramatica utilise et on parle aussi d’encodage linguistique) son domaine de l’Objective Story et de UNIVERSE en décrivant que la situation (UNIVERSE) est qu’après la mort de leurs parents, 5 orphelins devront se débrouiller par eux-mêmes.

Comme vous le constatez, il n’y a pas de limite à l’encodage des appréciations. La créativité de l’auteur est intacte et nullement contrainte par la structure. Les choix de l’auteur dépendent seulement des sujets qu’il souhaite explorer.

Le contenu dramatique (les illustrations et les représentations que vous inventerez pour les appréciations) détermineront en grande partie la mise en place de votre histoire.
Le genre de celle-ci sera concerné. La nature des événements qui se produiront dans l’intrigue sera de telle ou telle sorte. Ce contenu dramatique soulèvera des problématiques liés à vos thèmes et même la nature de vos personnages (ces êtres fictifs qui peuplent votre monde) sera affectée par votre contenu dramatique.

Storyforming, Storyencoding, est-ce qu’un auteur a vraiment besoin d’en passer par cela pour raconter une histoire ? La plupart d’entre eux ne sont pas attirés par la structure qui sous-tend indubitablement l’histoire qu’il s’apprête à raconter mais davantage par l’acte de raconter, la narration.

Ils s’emparent ou bien sont hantés par un lieu, un personnage ou bien quelques actions, quelque chose qui stimule l’imagination. Nombre d’entre eux ne pensent même pas à un message à ce moment du processus de création.

Le point de départ est un concept qui les fascine et tout l’effort qui va suivre pour développer ce concept est d’essayer de bâtir une histoire autour de lui.
D’abord, les choses sont assez faciles. Mais assez rapidement néanmoins, quelque chose va s’assécher et l’inspiration manquera pour le remplir.

Et si l’inspiration n’est pas coupable, alors ce sera des contradictions ou des incohérences et aucune idée pour les solutionner.

Pourtant tout cela serait facilité par l’usage du Storyform. Si vous savez déjà ce dont votre histoire parle, tout ce qu’un auteur a besoin de faire est de l’illustrer.
S’appuyer sur la structure (Storyform) pour créer n’est nullement une contrainte. Au contraire, c’est un processus libérateur.

L’imagination peut s’ébranler sauvagement, il suffit de rapprocher chaque nouvelle inspiration du Storyform et de s’assurer si l’idée qui a surgi de nulle part ne correspondrait pas à une appréciation (moyens d’accès à l’histoire pour le lecteur que la théorie narrative Dramatica a catégorisés).
Autre façon de formuler ceci est de vérifier que nos idées peuvent ou non encoder une appréciation sans ruiner la cohérence de l’ensemble.

Parfois, il suffit de quelques adaptations de l’idée qui est soudainement apparue pour s’assurer qu’elle sera capable de communiquer précisément une appréciation.
Il suffit de se faire confiance. L’intuition peut être d’un grand secours et ce que vous inventerez sera susceptible de répondre à la problématique posée.

Il serait dommage de rejeter une idée parce qu’elle semble absurde alors qu’en la retravaillant quelque peu, elle pourrait se couler sans accroc dans la tâche qu’elle est censé faire.
La théorie narrative Dramatica facilite la création parce qu’elle a catégorisé les appréciations, les classes, les types, les variations de type, les éléments de caractérisation, c’est-à-dire tout un modèle qui permet des choix dramatiques qui s’influencent mutuellement pour aboutir en fin de compte à un modèle équilibré et complet.

La création de personnages est certainement l’aspect le plus complexe de cet encodage narratif. Ce n’est pas évident de créer des personnages crédibles qui parviennent aussi à remplir leurs fonctions dramatiques. Nous verrons cela dans le prochain article.