Burning

Par Dukefleed
Eloge du vide
En adaptant « Les granges brûlées » de Murakami, le sud-coréen Lee Chang-Dong remet en scène, avec une délicatesse et une maestria qui lui est propre, le triangle amoureux. La Corée du Sud est menacée de l’extérieur par son voisin du Nord autoritaire ; et la fracture sociale constitue aussi une menace intérieure ; voilà pour l’unité de lieu et le contexte dans lequel le réalisateur écrit le film. Et ce triangle amoureux en est l’illustration ; car au travers du sentiment amoureux, de la jalousie et de la rivalité se dessine une réelle lutte des classes. Ben vit dans la haute société coréenne alors que sa prétendante (Haemi) et l’amoureux de celle-ci (Jongsu) survivent via des petits boulots. Comme un puzzle, gentiment et doucement, la romance glisse vers un thriller et le climat devient de plus en plus malsain. Ben semble exposer ses « nouveaux amis » à ses amis de la haute comme des animaux de foire ; une sorte de « Diné de cons » la légèreté en moins. Le scénario exploite aussi toute une parabole autour du sens de la vie que parvienne à trouver les plus pauvres alors que les nantis, privés d’aucun biens matériels, peinent à trouver du piment dans leurs vies. Excepté le fameux Ben qui dit brûler des serres vides régulièrement pour combler ce vide existentiel et libérer ce trop-plein de violence contenue. Entre çà et les bâillements désœuvrés du jeune homme de bonne famille, l’angoisse atteint son comble dans un film dans lequel il ne se passe pourtant pas grand-chose ; une sorte d’éloge du vide jusqu’à un climax final en forme d’uppercut âpre et brutal. Cette fin laisse aussi le spectateur avec une grosse interrogation sur le personnage de Jongsu, apprenti écrivain que l’on ne voit jamais se mettre à une table de travail excepté dans ce dernier plan. Circonspect, l’histoire que l’on vient de nous présenter durant 2h10 n’était tel pas seulement issue de l’imaginaire de cet écrivain en devenir tout comme ce mystérieux chat ou ces mandarines imaginaires que l’on mange avec délectation. Riche de ses tiroirs sans cesse ouvert, ce film est une romance puis un thriller politico romantique coécrit entre le réalisateur et le héro. Et pourtant si abstrait.Aurélien Allin dans « Cinéma Teaser » en fait une belle synthèse : « Le génie de Lee Chang-dong est de parvenir à tirer autant de si peu, à étirer son film sans le distendre, à faire d’une histoire où "il ne se passe rien" un récit universel imprévisible »A voir impérativement pour l’envoutement que provoque cette torpeur apparente.
Sorti en 2018
Ma note: 16/20