Shotgun stories

Par Dukefleed
Naissance d'un grand cinéaste
Dans l’Amérique des sans grades en pleine cambrousse de l’Arkansas, trois frères apprennent la mort de leur père et vont rentrer en conflit avec leurs 4 demi-frères issus de son union suivante. Les trois frangins sont condamnés d’avance par les personnes qui les ont précédés, c’est-à-dire leurs parents ; un père démissionnaire qui a préféré prendre le large pour fonder une autre famille sur des bases plus saines ; et une mère haineuse ressassant les rancœurs du passé contre ce père fuyard. Leur père, homme alcoolique, trouve Dieu et une autre femme en même temps, fait des enfants, laissant de côté les fruits d’une vie précédente. Ces fruits poussent alors dans un terreau vicié ; l’autre famille est alors condamnée à tout moment de voir le boomerang leur revenir en pleine tronche tôt ou tard. C’est l’histoire de petites vies brisées de laissés pour compte que conte ce film ; rien que les noms des trois frères annoncent la couleur (Son, Kid et Boy), ce sont des sans nom. Et le titre, « Shotgun Stories » incarne mal le film tellement l’action y est saupoudrée et les flingues bien rangés. Donc ceux qui attendent que çà défouraille à tout va seront déçus par ce film qui prend son temps ; les adeptes de cinéma simple et discret s’en r réjouiront. Ce film est jalonné par un rythme monocorde qui sied à merveille à la région, à ces gens et à l’intelligence du propos. Y a du Mallick dans ce premier film de ce cinéaste merveilleux qui nous a livré des pépites par la suite comme « Mud » ou « Take shelter ». Une écriture épurée mais jamais aride, une photographie lumineuse, de longs plans larges magnifiant ciel et dame nature, sobriété ; autant d’éléments que l’on retrouve chez Mallick. Pour son premier film tourné en 21 jours seulement, on pourrait croire à la vacuité du propos, mais son film de taiseux est riche de non-dits et d’ellipses foudroyantes. Le scénario fonctionne sans faille, le malaise est prégnant chez ces jeunes gens ; l’absence de divertissements et d’avenir les renvoient systématiquement à la médiocrité du présent et aux blessures passées à ressassées. On sent de l’autre côté de la toile, la tension grimpée. Femmes et enfants, comme les sages de l’histoire, vont à un moment mettre en lumière la nécessité de mettre fin au conflit, de briser la chaine infernale de la vengeance, le déterminisme de la filiation pour léguer à la génération suivante un terrain vierge à reconstruire. Aucune violence outrancière, aucune grande prétention ; c’est ce qui fait la beauté d’un film dont le réalisateur Jeff Nichols montre déjà qu’il est un metteur en scène incontournable de son époque. A voir absolument.
Sorti en 2008
Ma note: 15/20