Les Filles du Soleil (2018) de Eva Husson

Par Seleniecinema @SelenieCinema

La cinéaste Eva Husson, qui débuta comme actrice dans "La Révolution Sexuelle n'a pas eu lieu" (1998) de Judith Cahen, et à laquelle on doit (2016), s'est intéressé à ce sujet après avoir lue des récits de captives qi avaient ensuite pris les armes : "Je me suis dit : c'est fou, si en lisant un article d'une demi-page, et en lisant une quinzaine le même jour comme une espèce de frénésie, ça me provoque ce choc émotionnel, c'est qu'il y a quelque chose de très fort dans la lettre, l'esprit de cette histoire, et que ça vaut le coup d'être relayé."... Après des recherches évidentes notamment en se rendant elle-même au Kurdistan, elle explique que la cheftaine du groupe de femmes rebelles kurdes est "un personnage composite de tous ces témoignages" ainsi recueillis, à l'instar de la journaliste borgne qui est fortement inspirée de deux vraies journalistes, Marie Colvin (borgne puis tuée en 2012) et Martha Gellhorn (reporter de la guerre d'Espagne au Viêtnam en passant par le Débarquement de Normandie)... Le scénario est signé de Eva Husson en collaboration avec Jacques Akchoti co-auteur de "Ne te Retournes Pas" (2009) de Marina de Van et "Faut pas lui Dire" (2017) de Solange Cicurel.

La journaliste borgne est incarnée par Emmanuelle Bercot réalisatrice également notamment de son dernier "La Fille de Brest" (2016), mais aussi actrice avec (2015) de Maïwenn et "L'Heure de la Sortie" (2019) de Sébastien Marnier. La kurde leader de son groupe est incarnée par Golshifteh Faharani vue dernièrement dans "La Nuit a dévoré le Monde" (2018) de Dominique Rocher, mais vue aussi dans des films abordant déjà le sujet des guerres au Moyen-Orient comme dans "Mensonges d'Etat" (2008) de Ridley Scott et "Syngué Sabour - Pierre de Patience" (2013) de Atiq Rahimi... L'histoire se déroule lors des évènements contre l'Etat Islamique en 2014-2015, une journaliste-reporter déjà expérimentée va intégrer un groupe de femmes kurdes, anciennes captives qui ont pris les armes contre l'Etat Islamique. La première vraie bonne idée réside dans la volonté de la cinéaste de ne pas victimiser trop ces femmes : "Je voulais déconstruire cette violence, raconter que pour ces femmes, elle est un jalon, certes traumatique, mais néanmoins un jalon, dans une histoire beaucoup plus ample. Les femmes ne sont pas définies par la violence qu'elles subissent. C'est pour cela que j'ai laissé certaines scènes de violence hors-champs, tout en gardant leur intensité. Le deuxième point, essentiel, c'est que j'avais un problème avec la rhétorique djihadiste, cette rhétorique de la terreur. Je ne voulais pas servir d'instrument de propagande. J'avais une seule scène où j'utilisais leur grammaire, où on voyait un petit garçon exécuter un otage. Je me suis dit que j'étais en train de tomber en plein dans leur piège, je ne l'ai donc pas utilisée..."... Sur ce dernier point pourquoi pas, ça se discute car comment montrer les horreurs d'un conflit en occultant tout un pan de cette guerre ?!

Sur le premier point c'est plutôt judicieux, mais malheureusement la cinéaste se tire une balle dans le pied car en parallèle elle parasite sa narration de flash-backs superflus et, plus problématique niveau réalisme, ces actrices sont clairement peu à l'aise avec les armes (maintien et tenue) ce qui rend ces parties guerrières aussi peu immersives que peu réalistes. Outre les flash-backs inutiles, la voix Off aurit pu être par contre plus intéressante mais reste un simple constat explicatif de ce qu'on voit nous-même à l'écran. Reste enfin quelques maladresses ou omissions, par exemple les autres femmes du groupe sous-exploitées et auxquelles donc on ne peut s'attacher, les relations hommes-femmes au sein des rebelles kurdes complètement survolées ou cette "happy-end" un peu tirée par les cheveux. Le film fût présenté au dernier Festival de Cannes 2018 où il a été conspué, un accueil sans doute un peu sévère mais ce film n'a clairement pas le niveau d'un tel festival car avoir les meilleures intentions avec un sujet au potentiel certain de fait pas obligatoirement les meilleurs films ! Eva Husson signe un film trop bancal, trop manichéen, trop dirigé (dans tous les sens du terme !) pour convaincre pleinement... Et avec ça le titre, joli, mais qui renvoie irrémédiablement au documentaire "Les Filles du Feu" (2018) de Stéphane Breton sur le même thème.

Note :