Silvio et les Autres (2018) de Paolo Sorrentino

Par Seleniecinema @SelenieCinema

Après l'excellent (2015), le réalisateur Paolo Sorrentino revient sur ses terres et revient sur le destin politique de son pays, où plutôt sur le destin d'un personnage aussi controversé que Silvio Berlusconi avec un avertissement très politiquement correct en début de film pour insister sur le fait que le film est une fiction et que les libertés prises pour cette fiction sont avant tout artistique !... Il n'en demeure pas moins que le film renvoie irrémédiablement au formidable "Il Divo" (2008 - Prix du Jury à Cannes) où Sorrentino signait un biopic de Giulio Andreotti (sénateur à vie de 1991 à sa mort en 2013) autre personnage puissant peu recommandable. Mais avec une différence notable entre les deux, Andreotti est le roi du secret, l'empereur des coulisses mystérieuses jusque dans sa vie privée alors que Berlusconi (qui se lance en politique qu'à partir de 1993) est plus dans la médiatisation et le show... Et pour continuer à faire le lien le réalisateur-scénariste a fait une nouvelle fois appel à son acteur fétiche Toni Servillo pour leur 5ème film ensemble depuis "L'Homme en plus" (2001).

Après avoir été "Il Divo" il incarne donc Silvio "Il Cavalere" Berlusconi dans ce film qui n'est pas un biopic, puisqu'il faut voir ce film comme la vision fantasmagorique d'un homme qui reste une icône italienne comme l'explique lui-même l'acteur : "Je pense qu'il a su faire ressortir chez les italiens ce fantasme d'une "super-italianité". Il a apporté à la politique une sorte de priapisme dont les italiens ont toujours eu une grande indulgence. Il occupait également la scène politique avec une grande efficacité. Les médias italiens, quotidiennement, excessivement, ont aussi façonné une certaine idée de Berlusconi pour le public. C'était une image qui correspondait parfaitement à celle que Silvio se faisait de lui-même."... De son titre en V.O. "Loro" (scindé en deux parties en Italie) le film s'avère proche de l'équation "Il Divo" + "La Grande Bellezza" (2013 - Oscar du meilleur film étranger), entre politique et extravagance. D'ailleurs le cinéaste retrouve son scénariste Umberto Contarello avec qui il avait collaboré sur "This Must Be the Place" (2011) et surtout "La Grande Bellezza" (2013). Par là même au casting on retrouve plusieurs comédiens de "La Grande Bellezza" avec Iaia Forte, Roberto Herlitzka et Dario Cantarelli. Il y a de nombreuses jolies comédiennes également dont Anna Bonaiuto (7ème film avec Servillo dont "Il Divo") et Kasia Smutniak dont le titre de gloire reste le médiocre "From Paris with Love" (2010) de Pierre Morel et "Contes Italiens" (2015) des frères dont elle retrouve son partenaire Riccardo Scamarcio révélé par "Romanzo Criminale" (2006) de Michele Placido, lui-même retrouvant sa partenaire Elena Sofia Ricci après "Le Premier qui l'a dit" (2010) de Ferzan Ozpetek... 02h30 donc pour obtenir un portrait de Silvio Berlusconi dont on ne croit jamais à l'avertissement de début.

Si ce film n'est certe pas un biopic on décèle en filigrane bien des choses, mais à vouloir trop noyer le poisson est-ce que le cinéaste lui-même a été clair avec lui-même ?! En effet, car on constate parfois une dose de pamphlet cynique et juste après un portrait plus nuancé voir même particulièrement empathique où Il Cavaliere s'avère même touchant ! Bref, on ne sait jamais où veut en venir Sorrentino. D'abord sur 02h30 notons que les 2 premiers tiers (largement !) ne sont qu'une suite ininterrompue de drogues, alcool et surtout de bimbos à tous les étages qui se prêtent volontiers (ou pas ?!!!) aux jeux plus ou moins vulgaires et/ou pervers de vieux libidineux. Près de 2h sans aucun intérêt ! Pas d'intrigues politico-financières mais juste des jeunes femmes vénales prêtent à tout pour se faire une place au soleil. Il faut attendre les 30 dernières minutes pour que le scénario deviennent plus dense, plus intéressant avec notamment une dispute du couple Berlusconi. Enfin il faut noter que cette fois l'acteur Toni Servillo surjoue un peu trop la caricature de Berlusconi avec son sourire ultrabright. Et pourtant, malgré tout on est envouté par la mise en scène de Sorrentino qui offre quelques plans grandioses, des scènes d'une grâce infinie semées de métaphores plus ou moins claires comme cette toute fin qui se déroule à L'Aquila (tout savoir ici !)... En conclusion un film long pour pas grand chose, sur le fond qui reste surtout le jeu fantasmagorique de Sorrentino mais qui oublie de raconter réellement quelque chose mais qui surnage pas des éclats de génie dans la forme. Un film mi-figue mi-raison qui manque de souffre.

Note :