[CRITIQUE] : Liz et l’oiseau bleu

[CRITIQUE] : Liz et l’oiseau bleu

Réalisatrice : Naoko Yamada

Avec les voix de : Atsumi Tanezaki, Nao Toyama, Miyu Honda, Konomi Fujimura,...
Distributeur : Eurozoom
Budget : -
Genre : Animation, Drame
Nationalité : Japonais
Durée : 1h30min

Synopsis :

Nozomi est une jeune femme extravertie et très populaire auprès de ses camarades de classe, doublée d'une talentueuse flûtiste. Mizore, plus discrète et timide, joue du hautbois. Mizore se sent très proche et dépendante de Nozomi, qu’elle affectionne et admire. Elle craint que la fin de leur dernière année de lycée soit aussi la fin de leur histoire, entre rivalité musicale et admiration. Les 2 amies se préparent à jouer en duo pour la compétition musicale du lycée Kita Uji. Quand leur orchestre commence à travailler sur les musiques de Liz und ein Blauer Vogel (Liz et l’Oiseau Bleu), Nozomi et Mizore croient voir dans cette oeuvre bucolique le reflet de leur histoire d’adolescentes.
La réalité rejoindra-t-elle le conte ?

Critique :

#Lizetloiseaubleu exploite les sentiments adolescent dans leur complexité et leur intensité.
Avec une poésie dans l’animation et une écriture fine, Naoko Yamada confirme son talent dans ce petit bijou impressionnant par son intimité et sa délicatesse (@CookieTime_LE) pic.twitter.com/qVjJK9vPge
— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) April 18, 2019

Silent Voice nous avait fait découvrir la réalisatrice Naoko Yamada l’année dernière, avec un film émouvant, qui parlait avec gravité et finesse du harcèlement scolaire et du handicap. Elle revient confirmer son talent dans Liz et l'oiseau bleu présenté au Festival de Annecy l’année dernière. Si Silent Voice était une adaptation d’un manga, ici le film fait partie d’une oeuvre existante, mais il ne peut avoir le titre d’adaptation. Tiré d’une série de romans célèbres au Japon, Sound! Euphonium, déjà adaptée en série animée sous le nom de Hibike! Euphonium (la réalisatrice était sur le projet en tant que directrice d’animation, elle a même réalisé deux épisodes). Liz et l’oiseau bleu s’apparente plus à un spin-off, qui s’intéresse à deux personnage secondaires de la série : Nozomi et Mizore. Pas d’inquiétude donc, le film peut être vu sans connaître cette dernière.

Naoko Yamada se dit avoir été très émue en lisant les romans de Ayano Takeda et sa faculté à parler de l’adolescence. Émotion qu’elle a essayé de transmettre tout au long du film. Un passage complexe, à fleur de peau vers l’âge adulte, aux sentiments aussi divers que contradictoires. Silent Voice jouait brillamment là-dessus et la réalisatrice décide d’aller encore plus loin, les émotions étant le centre du récit cette fois.
[CRITIQUE] : Liz et l’oiseau bleu

Tout commence par un conte, celui qui donne son nom au titre, Liz et l’oiseau bleu. Dans une animation colorée et chaleureuse, une jeune femme blonde donne à manger aux animaux de la forêt (lapin, cheval, cerf, etc …) telle une princesse Disney. Mais le spectateur revient vite dans la réalité, avec une animation à l’effet aquarelle qui se différencie vivement de la simple animation 2D du conte. Le personnage de Mizore attend patiemment, guettant l’arrivée de son amie Nozomi sur les marches du lycée. La bande son nous permet d’entendre Nozomi avant de la voir, une apparition qui égaye Mizore de tout son être. Un début de film sans parole, mais les images sont éloquentes. Seulement quelques scènes, des gros plans, un silence pesant dans les couloirs du lycée, Mizore suivant les pas de Nozomi à la trace jusqu’à la salle de musique, où elles doivent répéter leur duo. Le malaise est palpable, l’une étant éteinte, en demande d’attention tandis que l’autre n’a pas l’air de s’apercevoir du mal être de son amie, dans une jovialité un peu trop forcée pour être vraie. La musique vient compléter ce tableau, toutes les deux ne trouvent pas la symbiose parfaite pour leur duo. Leur “amitié” est bancale, entre une Mizore prête à tout pour la suivre et une Nozomi qui entretient sa popularité. D’ailleurs, nous ne sortirons jamais du lycée, restant du point vue de Mizore, pour mieux représenter combien son existence est liée totalement à ce lieu et à son amie. 


[CRITIQUE] : Liz et l’oiseau bleu

L’histoire des deux héroïnes s’emboite parfaitement avec le conte présenté au début, le récit de Liz, solitaire qui découvre une jeune femme aux cheveux bleus dans son jardin, évanouie. La journée, elle partage tout avec Liz, mais le soir elle se transforme en oiseau bleu et s’envole dans la nuit, pour mieux revenir auprès d’elle le matin. L’hiver venu, Liz voit bien que son oiseau bleu doit partir et elle se résout à lui laisser sa liberté. Ce conte, c’est la version musicale avec laquelle l’orchestre des deux amies doivent concourir. Concours qui viendra ponctuer la fin de l’année, la fin du lycée, la fin d’une époque. Et Mizore se ne sent pas capable de l’endurer. Incapable de supporter la fin éminemment triste de l’histoire, la force des sentiments à sens unique qu’elle ressent, son amour  pour Nozomi est ce qu’elle a de plus précieux. Elle se voit en tant que Liz (timide et solitaire) et Nozomi est son oiseau bleu (confiante et ouverte), qu’elle voudrait mettre en cage pour ne jamais la quitter.


[CRITIQUE] : Liz et l’oiseau bleu

La réalisatrice arrive à nous raconter beaucoup grâce à son souci du détail sur la gestuelle des personnages, sur les silences et les ellipses. Ce que tout le monde décrit comme une amitié n’est qu’une relation déséquilibrée, comme le dit si bien l’intertitre du début de film. Mizore est complexée par le talent de son amie à se faire des amies aussi vite, quand elle se complet dans son mur de silence et sa solitude. Tandis que Nozomi devient de plus en plus jalouse du talent que les professeurs et ses amies décèlent chez son amie. Mizore ne peut voir un avenir sans son amie, elle ne veut pas remplir son dossier d’orientation, car cela l’éloignerait encore plus. Ce n’est donc pas étonnant qu’elles n’arrivent pas à faire un duo parfait dans leur musique, chacune de son côté avec ses émotions qu’elles ne peuvent se partager. Naoko Yamada excelle dans le fait de montrer cette gamme de sentiment visuellement, avec juste la musique qui vient souligner l’émotion. Comme la sublime séquence musicale, où Mizore décide de se tracer une voie toute seule et accepte donc son individualité. Depuis tout ce temps, elle était l’oiseau bleu, en attente de sa liberté. Sa dépendance envers Nozomi/Liz était sa cage. Les détails et la bande sonore ne se mettent plus en diapason avec Nozomi mais avec l'héroïne elle-même. Elle n’est plus à la traîne, marchant d’un pas décidé vers l’extérieur, en compagnie de Nozomi, enfin égale.


[CRITIQUE] : Liz et l’oiseau bleu

Liz et l’oiseau bleu exploite les sentiments adolescent dans leur complexité et leur intensité, dans un tourbillon qui englobe les deux personnages principaux. Avec une poésie dans l’animation, une écriture fine, Naoko Yamada confirme son talent dans ce petit bijou impressionnant par son intimité et sa délicatesse.


Laura Enjolvy 


[CRITIQUE] : Liz et l’oiseau bleu