La Lutte des Classes (2019) de Michel Leclerc

Par Seleniecinema @SelenieCinema

Après les films "Le Nom des Gens" (2010), "Tele Gaucho" (2012) et "La Vie très privée de Monsieur Sim" (2015) le réalisateur-scénariste Michel Leclerc revient avec un film où il continue à explorer son thème de prédilection qu'on pourrait nommer comme "les contradictions de la gauche". Le cinéaste explique : "Croire dans les valeurs de la gauche nous met parfois dans des situations impossibles. Ma génération, qui a grandi dans les années 80, a passé toute sa vie dans la déception de la gauche, ce qui n'est pas une raison pour devenir de droite ! Mais est-ce que le fait même d'être de gauche, ce n'est pas être dans la contradiction ? Défendre ses idées tout en acceptant celles des autres ? Les histoires que j'ai envie de raconter partent de là. Sans jamais être cynique, parce que vraiment, s'il y a une fibre que je n'ai pas et qu'on voit beaucoup dans la comédie française, c'est le cynisme. On peut rire de tous nos personnages mais jamais en se mettant à distance d'eux, jamais en se disant : "C'est eu, c'est pas nous"... Pour cette histoire Michel Leclerc co-écrit une nouvelle fois avec sa compagne Baya Kasmi d'après un évènement qu'ils ont réellement connu : "Comme Sofia et Paul, on a vécu à Bagnolet, pendant dix ans, dans une petite maison avec jardin, et puis notre fils a commencé à avoir des problèmes à l'école, ça nous a plongé dans une grande angoisse, un dilemne intime. C'était en 2015, au moment de Charlie, dans cette même école Jean Jaurès où j'ai tourné La Lutte des Classes."...

Dans cette histoire donc, inspirée de, on suit un couple plutôt atypoque, Sofia avocate d'origine maghrébine et Paul leader anar d'un groupe punk rock, dont le fils veut quitter son école public pour suivre ses copains qui partent dans une école privé catholique... Le couple est incarné par Leïla Bekhti vue récemment dans "Le Grand Bain" (2018) de Gilles Lellouche et par Edouard Baër qui revient à une époque contemporaine après "Mademoiselle de Joncquières" (2018) de Emmanuelle Mouret. On remarque que dans les acteurs entourant le couple vedette certains se retrouvent après avoir joué dans "Je suis à vous tout de Suite" (2015) premier long métrage en tant que réalisatrice de Baya Kasmi , il s'agit de Ramzy Bedia, Laurent Capelluto et Claudia Tagbo... Evidemment le titre renvoie à l'école mais surtout au concept marxiste qui avait donné son nom à un journal trotskyste en 1927. On peut avoir des difficultés à croire à ce couple original, car imaginer un femme avocate et jeune en couple avec un vieux beau anar punk demande toute de même un temps d'adaptation. Mais très vite la complicité entre les deux acteurs emporte l'adhésion avec une Sofia belle et mature et un Paul en grand ado retardé avec un Baër qui s'éloigne ainsi de son côté dandy habituel.

La force de Michel Leclerc et de savoir magnifiquement faire rire (ou sourire) tout en plaçant son propos avec intelligence. De la fracture entre école public et privée au racisme "ordinaire" en passant par le communautarisme et les différences religieuses le film permet de battre en brèche bien sujet d'actualité. La première partie est vraiment drôle tout en abordant des sujets complexes. Malheureusement on vire doucement vers la comédie dramatique et sociale de base, omettant ainsi de plus en plus l'humour qui est pourtant particulièrement efficace dans sa première partie. Pourquoi oubliez la comédie à ce point ?! Mais le pire, ce qui gâche le film réside dans ce dernier quart d'heure. Alors que Michel Leclerc assurait une comédie pleine d'acuité jusqu'ici cette fin tombe littéralement dans les gros sabots moralisateurs, à coup de marteaux piqueurs il assène son message qu'on avait pourtant bien compris bien en amont ! Une fin lourde avec même un soupçon d'invraisemblance. Pour résumer, la première heure vaut bien 16/20 mais la fin déçoit... Dommage...