Climax (2018) de Gaspard Noé

Par Seleniecinema @SelenieCinema

Après plus de 20 ans et seulement 5 longs métrages (sans compter ses nombreuses collaborations à des films collectifs) dont "Irréversible" (2002) et le plus récent (2015) le réalisateur-scénariste Gaspard Noé revient avec un film par où le scandale arrive, encore pourrait-on dire... Noé explique son envie de faire ce film (rappelons que Climax est un point ultime dans une succession ou une progression à travers le temps) : "Les joies du présent, lorsqu'elles sont intenses, nous permettent d'oublier cette immense vacuité. Les extases, qu'elles soient constructives ou destructrives, en sont les antidotes. L'amour, la guerre, l'art, le sport, la danse nous semblent des justifications à notre bref passage sur terre. Et parmi ces distractions, l'une d'entre elles m'a toujours rendu particulièrement heureux : la danse. Alors, quitte à faire un film, il m'a semblé excitant d'en faire un sur ce fait divers et avec des danseurs dont les talents m'hypnotisent. Avec ce projet j'ai pu représenter une nouvelle fois sur un écran une partie de mes joies et de mes peurs."... En 1996, un groupe de danseurs urbains se retrouvent dans un local isolé en forêt pour une séance de répétition. Ils poursuivent ensuite avec une fête, mais très vite ils s'aperçoivent qu'un produit illicite a été versé dans la sangria ce qui va entraîner une succession de drames... La grande partie du casting est jouée par des danseurs inconnus, mais on peut citer Souheila Yacoub Miss Suisse romande 2012 aperçue dans"Les Affamés" (2018) de léa Fredeval, le DJ Kiddy Smile et, surtout, la seule vedette du film avec la présence remarquée de Sofia Boutella qui a percé à Hollywood avec notamment "Star Trek : Sans Limites" (2016) de Justin Lin et (2017) de Alex Kurtzman...

Noé a voulu que le film se situe en 1996 car il y voit une année charnière : "il n'y avait juste ni portable ni internet. Mais le meilleur de la musique de ce matin était déjà là. En France, Daft Punk éditait son prmeier vinyle, "La Haine" venait de sortir au cinéma et le journal Hara-Kiri ne parvenait plus à ressusciter. Le massacre des adeptes du Temple solaire était étouffé par les forces occultes de l'Etat. Et certains rêvaient de construire une Europe puissante et pacifique alors qu'une guerre barbare l'infectait encore de l'intérieur."... Mais le cinéaste s'est lancé dans le tournage sans véritable scénario, juste une trame générale qu'il a tourné dans l'ordre chronologique afin de favoriser l'évolution vers des performances psychotiques tout en laissant un maximum d'improvisation aux acteurs-danseurs. Le film montre un melting-pot de performances dansées qui reposent sur les danses appelées voguing, krump et waacking. Cela pourrait être un détail, mais vu l'importance de la danse dans le film on y est évidemment sensible, ou pas ! Si on ne doute pas du talent de danseurs des interprètes ces "danses" ne semblent en avoir que le nom officiel que les amateurs-pros leur donne tant cela ressemble surtout à du grand n'importe quoi ; un passage dans n'importe quelle discothèque pourrait donner ce genre de danse. Aucune émotion ni éblouissement de voir des gens bouger dans tous les sens sans réelle chorégraphie. Sinon, à part ça, on notera un B.O. plutôt éclectique de "Born too be alive" de Patrick Hernandez à Kiddy Smile en passant par Cerrone et Girogio Moroder. Mais un film c'est aussi une histoire, une atmosphère, des émotions...

Si tout ce qui est danse/musique peut laisser froid il faut avouer que Gaspard Noé sait imposer une ambiance et instiller subrepticement la sensation d'un film d'horreur. Le film est un trip hallucinatoire ultime qui est malheureusement sans surprise franche tant le réalisateur use des mêmes cordes et du même style esthétique depuis des années avec la prédominance des rouges et un abus de la caméra portée et/ou virevoltante. Certe, ça n'est pas inutile ou un mauvais choix vis à vis de son histoire mais ça donne aussi l'impression que Gaspard Noé ne sait plus faire ou voir autre chose ; Gaspard Noé tourne en rond dans son propre univers. Virtuose sans doute, prétentieux sans doute aussi mais ce huis-clos sous acide arrive à être prenant entre des personnages qui sont soient en transe sur la piste de danse soit en délire paranoïaque dangereux. La montée en puissance tient en haleine malgré nous... Mais les facilités de Noé ou les danses peu inspirantes restent assez secondaires devant l'atmosphère pesante qui se profile, et la descente aux enfers de cette soirée reste d'une puissance terrifiante. Le pire réside en fait dans ses interprètes, une bonne partie sont de piètres acteurs et, surtout, offrent des dialogues d'une ineptie et d'une pauvreté assez hallucinante ! Des dialogues aussi crus que niais qui donnent les vrais moments traumatisants du film... En cela les 20-25 premières minutes du film sont un calvaire pour les oreilles dès que ces "danseurs" ouvrent la bouche ! Ce film est une vraie expérience, qu'on devine en soit surtout jouissive pour ces protagonistes. Toute expérience est bonne à vivre donc ça reste un film à voir...

Note :