Une femme dans la tourmente

Un grand merci à Carlotta pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « Une femme dans la tourmente » de Mikio Naruse.

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« Ce serait comme la chasser après tout ce qu’elle a fait pour nous »

Reiko, veuve de guerre qui s’occupe du petit commerce de ses beaux-parents, voit son avenir menacé par l’ouverture prochaine d’un supermarché dans le quartier. C’est alors que Koji, son beau-frère, revient à la maison après avoir quitté son emploi à Tokyo et commence à mener auprès d'elle une vie d'oisiveté. Jusqu'à lui déclarer son amour...

« Tu as sacrifié dix-huit de ta vie ici »

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Cinéaste discret et quelque peu éclipsé par le succès à l'international de ses collègues Ozu, Mizoguchi ou Kurosawa, Mikio Naruse n'en fut pas moins une figure majeure et incontournable du cinéma japonais des années 30 aux années 60. Un prolifique artisan, passionné de littérature, qui s'imposa comme le fin observateur de la société japonaise et de ses évolutions. Mais surtout, Naruse s'illustrera par son œuvre pleine d'humanité et emprunte d'une belle sensibilité, signant notamment des mélodrames flamboyants et des portraits de femme d'une grande modernité. Avec « Une femme dans la tourmente », il filme le Japon des années 60 alors en pleine transformation. Des mutations économiques d'abord avec cette évolution à marche forcée vers l'avènement de la société de consommation, qui se traduit par l'émergence de supermarchés qui écrasent sans état d'âme et jusqu'à l'asphyxie les petits commerces traditionnels de quartier en usant de pratiques agressives.

« Je t’aime. En quoi est-ce mal ? »

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Mais Naruse filme aussi les mutations sociologiques et sociétales, la modernité s'accompagnant d'une perte progressive des valeurs morales traditionnelles. A l'image de cette jeune femme qui se donne facilement par désœuvrement sans attendre de sentiments en retour. Ou de cette famille âpre au gain qui privilégie l'argent au détriment des liens familiaux. Car au fond, qu'importe que l'héroïne se soit tuée à la tâche, sacrifiant sa jeunesse, pour relever et faire prospérer la petite épicerie familiale, subvenant ainsi aux besoins de la famille de son défunt mari. Maintenant que l'affaire peut être transformée pour devenir pleinement profitable, personne n'a le moindre scrupule à l'évincer au prétexte qu'il n'y a pas de liens de sang et qu'elle ne fait pas vraiment partie de la famille. Mais pour Naruse, la tradition n'est jamais très loin. Et Reiko, malgré son âge encore jeune, est malgré tout une femme de l'ancien temps, prisonnière de valeurs morales qui l'empêchent de se laisser aller à un possible bonheur qui lui tend les bras. Et ce en dépit de la belle déclaration de son courtisan qui donne lieu à une formidable scène de voyage en train où les amants se rapprochent physiquement mais en vain. Il plane ainsi sur le film comme une forme de mélancolie échevelée. Comme si au fond, avec ce film, Naruse signait le parfait contrepoint du merveilleux « Tout ce que le ciel permet » de Douglas Sirk. Quoi qu'il en soit il signe là un mélodrame admirable et d'une grande puissance émotionnelle. A voir absolument.

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Le blu-ray : Le film et présenté en version restaurée dans un Master Haute-Définition, en version originale japonaise (1.0). Des sous-titres français sont également disponibles.

Côté bonus, le film est accompagné d’une préface de Pascal-Alex Vincent, cinéaste et enseignant, co-auteur du « Dictionnaire des acteurs et actrices japonais », ainsi que du module « Hideko Takamine, une vie d’actrice » (11 min.).

Edité par Carlotta, « Une femme dans la tourmente » est disponible au sein du coffret consacré à Mikio Naruse, qui existe en édition blu-ray et en édition DVD, depuis le 21 novembre 2018.

Le site Internet de Carlotta est ici. Sa page Facebook est ici.