Jugement à Nuremberg

Un grand merci à Rimini Edition pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le DVD du film « Jugement à Nuremberg » de Stanley Kramer.

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« Ce procès est exceptionnel car tous ces hommes ont commis des crimes au nom de la loi »

En 1948, le juge Haywood est envoyé à Nuremberg pour présider le procès de quatre magistrats allemands accusés de trop de complaisance à l'égard du régime Nazi.

L'un d'eux, Janning, se renferme dans un silence méprisant et, en écartant les témoignages et les films sur les camps de concentration, dit qu'il n'a fait qu'appliquer la loi en vigueur...

« On accorde le bénéfice du doute à tout le monde, c’est notre péché à nous les américains »

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Fin des années 50. L'Amérique se réveille tout doucement d'une longue gueule de bois. Comme si la Guerre Froide avait rendu les américains tellement schizophrènes qu'ils en étaient finalement arrivés à piétiner leurs propres idéaux de démocratie, à commencer par les amendements de leur Constitution garantissant les libertés individuelles fondamentales, le temps d'une terrible chasse aux sorcières. Tout cela, quelques années à peine après avoir combattu (et triompher) la barbarie des régimes totalitaires, drapés dans leurs idéaux de justice et de démocratie. Et tandis que la société commence à faire son examen de conscience, Hollywood remet au goût du jour les films de procès, comme pour exalter le triomphe de la justice et de la probité revenues. Les nouveaux héros de cinéma seront désormais des hommes humanistes et intègres, près à défendre leur vision de la justice et de la vérité seul contre tous, comme dans « Douze hommes en colère », « Procès de singe » ou « Du silence et des ombres ». C’est dans ce contexte que le très progressiste Stanley Kramer, ardent pourfendeur du racisme (« La chaine », « Devine qui vient diner ») et de la surenchère militaire (« Le dernier rivage ») se lance en 1961 dans la réalisation de « Jugement à Nuremberg ».

« L’Allemagne n’est pas la seule coupable. Le monde entier est aussi coupable d’Hitler que l’Allemagne »

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Librement adapté d'un épisode de la série télévisée « Playhouse 90 », lui-même inspiré du véritable procès de la magistrature nazie qui s'est tenu à Nuremberg en 1948, le film propose une subtile réflexion sur le concept même de la justice en tant que référence sociétale morale. Avec en creux la question de savoir si le fait d'obéir à la loi - si mauvaise et immorale soit-elle - engageait la responsabilité personnelle des juges, faisant de facto d'eux des coupables, ou à défaut des complices des crimes de masse de l’Allemagne Nazie. Basé sur un scénario formidablement clair et malin, le film prend le temps de replacer ce procès dans le contexte houleux de l'Allemagne de 1948 encore en ruines, exsangue et sous la menace directe d'une invasion soviétique. Il prend également le temps de faire venir à la barre différentes victimes, présentant un éventail non exhaustif des horreurs perpétrées légalement par le Régime Nazi: condamnations à mort arbitraires, stérilisation systématique des opposants, déportations... On y entendra aussi divers témoins, représentant l'ambigüité morale de la grande majorité des allemands qui cautionnent globalement la politique du régime tout en se cachant derrière l'argument de l'ignorance des crimes de masse. Mais surtout, Kramer sait se montrer transgressif lorsqu'il évoque, le temps de la plaidoirie de la défense, la passivité des régimes occidentaux (et du Vatican) qui ont fermé les yeux autant que les industriels américains qui ont collaboré et prospéré avec un régime dont ils savaient déjà pratiquement tout de son ignominie. Et plus encore lorsqu'il montre l'attitude du gouvernement américain qui, par pragmatisme et au nom de la realpolitik (nécessité de s'assurer le soutien de l'Allemagne face aux soviétiques), se montre prêt à passer l'éponge sans que justice ne soit rendue. Mais outre la pertinence et l'intelligence de cette réflexion sur la légitimité de la justice et de ceux qui la rendent, le film vaut également pour son extraordinaire face-à-face d'acteurs de premiers plans qui dévorent littéralement l'écran: de Spencer Tracy à Burt Lancaster en passant par Richard Widmark, Marlene Dietrich, Montgomery Clift ou Maximilian Schell, qui sera oscarisé pour son interprétation. Un film majeur et essentiel, dont la pertinence de ses interrogations n'a (hélas) pas pris une ride.

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Le DVD : Le film est présenté en version originale américaine (2.0) ainsi qu’en version française (2.0). Des sous-titres français sont également proposés.

Côté bonus, le film est accompagné du module « Hommage à Stanley Kramer » (6 min.) ainsi que d’une bande-annonce.

Edité par Rimini Editions, « Jugement à Nuremberg » est disponible en DVD ainsi qu’en blu-ray depuis le 8 janvier 2019.

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