Aaron sorkin : écrire

Un des conseils que donne Aaron Sorkin est de ne pas se précipiter à écrire. Le scénario doit être mûri, pensé. Il faut prendre le temps des recherches ou comme il aime à le répéter, se cogner la tête contre les murs à la recherche d’une idée et comment l’exploiter.

Que vous mettiez trois semaines ou bien 12 mois ou plus si nécessaire à délivrer un produit fini, 90 % du temps consacré à son élaboration consiste précisément à ne pas écrire mais à préparer ce moment de l’écriture.

Le temps consacré à ne pas écrire accumule des notes, des remises en question de choix que l’on croyait les bons, de retours en arrière et plus souvent que de raison, de désespérance.

C’est un sentiment très décourageant de ne pas écrire une seule ligne de l’histoire que l’on aspire tant à concrétiser. Mais il faut lui laisser le temps de mûrir, être patient avec soi-même.

Parce que le jour où vous commencerez à écrire et que vous sentez que tout ce temps que vous avez passé à atermoyer votre désir d’écriture vous permet d’être heureux, alors vous ne regretterez pas ce que vous pourriez être amené à penser comme du temps perdu.

Commencez par la première scène

Lorsque vous commencez à écrire, vous devez avoir déjà en tête l’intention et l’obstacle. Comprenez bien que ces deux notions d’intention et d’obstacles se situe à tous les niveaux de l’histoire.
Sur le plan d’ensemble de celle-ci, il existe une intention et un obstacle majeurs. Au niveau de la scène aussi car chaque scène est comme un argument où un personnage a une intention et quelqu’un ou quelque chose va chercher à contrarier cette intention.

Si vous avez prévu de découper en séquences (un peu comme les paragraphes d’un livre) votre histoire, chaque séquence aura une intention et des obstacles spécifiques. Partant, vous comprenez aussi la nécessité de travailler sur le plan de votre histoire pendant les 90 % du temps de la réflexion.

Pour Aaron Sorkin, il est plus facile de commencer par la première scène (à ne pas confondre avec le prologue si vous l’avez prévu. Une habitude est que dans le prologue, le personnage principal n’apparaît pas. Par contre, sa présence est indispensable dans la première scène).

Ainsi, si vous hésitez encore sur l’intention et l’obstacle majeurs (assurez-vous tout de même pendant le temps de gestation de votre histoire que vous savez comment celle-ci finira. Cela peut changer en cours de route bien que ce serait préférable lors de la réécriture. Il y a toujours une réécriture), donc, si vous vous tâtez encore sur l’intention de votre personnage principal et sur la nature de l’obstacle qui va venir s’opposer à lui, ayez déjà en mains un matériau dramatique pour la première scène, c’est-à-dire une intention et un obstacle spécifiques à cette première scène.

Vous pouvez écrire cette première scène même si vous n’avez aucune idée de ce que sera la seconde. En d’autres termes, la première scène écrite, vous pouvez passez à n’importe quelle autre scène. Ce qui compte, c’est de conserver trace de vos scènes sur au moins des post-it et de penser à les identifier.

Si ce n’est déjà fait, je vous conseille la lecture de notre série d’articles sur
ÉCRIRE UN SCÉNARIO : LES FONDAMENTAUX

La première scène est importante principalement à cause d’une habitude bien humaine : la première impression que l’on tire de quelqu’un s’installe à demeure pour un bon moment. Quelque soit l’image que vous souhaitez renvoyer de votre personnage principal, c’est lors de la première scène qu’elle se forgera dans l’esprit du lecteur.

Sorkin ajoute que si vous avez pris le temps de penser à votre projet et si ce temps a été suffisant, cette première scène sera d’une facilité déconcertante à écrire. Par contre, si au moment de son écriture, vous vous posez des difficultés, c’est que votre projet manque encore de réflexion.

Des outils pour écrire

Un scénario n’est pas un texte littéraire. Il exige de nombreuses règles de formatage. Des logiciels spécifiques existent comme Final Draft.
Il existe aussi Kit Scenarist que vous pouvez télécharger et utiliser gratuitement en français à cette adresse https://kitscenarist.ru/en/download.html

Après l’installation, confirmez que vous souhaitez utiliser le module de recherche, le module carte (que je vous conseille vivement, ce sont les fameux post-it. Aaron Sorkin considère même que ces post-it sont indispensables), le module Scénario qui vous donne accès à l’éditeur de texte et partant aux règles de formatage que l’on attend de vous que vous respectiez.

Optez pour Scénario Final Draft au format A4 ou Lettre (j’ai une préférence pour le A4). Le module Statistiques est intéressant. Personnellement, j’utilise aussi Dramatica donc ce module statistiques est moins performant pour moi mais comme vous ne souhaitez peut-être pas apprendre Dramatica, installez ce module.

L’aide est en anglais. Si vous avez des difficultés à comprendre les fonctionnalités du logiciel, contactez-moi ou laissez un commentaire, j’essaierai de vous aider.

Organiser son travail

Faire un plan est crucial. N’hésitez pas à utiliser des post-it. Vous ne le regretterez pas. Cela vous permettra d’organiser vos idées. Je peux vous conseiller de lire quelques uns de nos articles à ce propos :

  • STRUCTURE DONC PLANIFIER
  • PLANIFIER SES SCÈNES AVANT DE LES ÉCRIRE

Pour Aaron Sorkin, utiliser les post-it, c’est aussi utile qu’une lampe torche lorsqu’on erre dans le noir.

Écrire, c’est se mettre à nu

Plus on pratique l’écriture et meilleur on est adroit à cet exercice. C’est-à-dire qu’écrire vous permettra progressivement de trouver votre propre voix et votre propre style. Deux concepts qui vous appartiennent et qui disent qui vous êtes.

On écrit certes pour un lecteur mais la manière dont vous allez vous adresser à lui n’est pas de lui faire entendre ce qu’il veut entendre. Écrivez comme vous êtes en respectant le lecteur (en d’autres termes en étant fidèle à la structure, aux conventions du genre que vous avez choisi, en ne méprisant pas l’intelligence de votre lecteur).

Comme le dit Aaron Sorkin, on écrit comme on est en croisant les doigts que cela plaise.

Et puis, on n’écrit pas dans n’importe quelle condition. Bien sûr, on peut se contraindre à écrire à un certain horaire et se réserver du temps pour écrire. Mais surtout, il faut qu’on ait envie d’écrire. Si vous vous installez à votre bureau parce que vous vous forcez à écrire mais que vous n’êtes pas d’humeur à écrire, vous ne trouverez pas l’énergie nécessaire pour être efficace et donc satisfait de votre travail.

Vous devriez être émotionnellement prêt pour votre projet. Pour renouveler cette passion, il faut prendre conscience des progrès que l’on fait. Prenez la mesure de l’avancement de votre projet.
Vous vous êtes retrouvé bloqué à la quinzième page, vous vous êtes pris la tête pour solutionner votre problème et puis un jour, l’inspiration est revenue et vous avez écrit 6 pages de plus. Ne gardez pas en tête le temps que vous croyez avoir perdu à comprendre ce qui n’allait pas avec cette quinzième page.

Prenez plutôt en compte que vous avez surmonté le problème et que votre projet à avancer de 6 pages. Cela vous mettra émotionnellement en adéquation avec votre désir d’écrire.

Pour bien écrire, il faut savoir bien lire

Avec les scénarios que vous lisez, avez-vous bien compris l’histoire ? Cette question me rappelle ce que la théorie narrative Dramatica nomme Overall Storyline, c’est-à-dire la ligne dramatique qui explique toute l’histoire.
Par exemple, un homme est injustement emprisonné. L’histoire va nous conter comment cet homme a recouvré sa liberté. Et dans La guerre des mondes, l’Overall Storyline est évident : les aliens envahissent la terre.

Il sera utile aussi pour votre projet d’apprendre à repérer chez les autres l’intention et l’obstacle que ce soit au niveau de la vue d’ensemble de l’histoire jusqu’aux scènes que vous lisez.

Aaron Sorkin donne aussi quelques conseils pour faciliter la lecture de votre projet par d’autres (lecteur bêta ou décideur éventuel) :

  • Faites en sorte que les actions soient concises et significatives. En d’autres termes, l’action doit prendre autant de temps à être lue qu’elle se produit effectivement à l’écran.
    Vous décrivez l’action en temps réel mais dans ses grandes lignes afin de permettre à d’autres créatifs (réalisateur, acteurs, directeur de la photo…) d’utiliser votre scénario et de transcrire à l’écran votre vision.
  • Le processus imaginaire de l’auteur lui permet d’avoir une vision globale de la scène qu’il s’apprête à écrire. Et c’est précisément là la difficulté parce que cette vision doit être couchée sur le papier en mots. Et ces mots vont communiquer avec le lecteur.
    Pour ne pas le perdre lors de la lecture (ce qui consiste essentiellement à ne pas le rendre confus quant à ce qu’il se passe dans l’histoire), il est crucial de repérer dans cette vision d’ensemble les points clefs qui articulent la scène.
  • La lecture de votre scénario sera d’autant facilitée si vous respectez les règles en matière de dramaturgie. En d’autres termes, votre scénario doit être construit ce qui implique d’abord une structure.
    Faites une recherche de la catégorie Structure sur Scenar Mag pour comprendre l’importance de la structure dans la réception de votre histoire chez le lecteur.
  • A propos de réception de l’histoire, essayez de surprendre le lecteur. Ne lui donnez pas à voir les préjugés. Par exemple, si l’univers décrit est celui des traders, des golden boys comme on les appelle, de nombreuses images de ce monde particulier sont déjà ancrées dans l’imaginaire collectif.
    C’est précisément ce type d’images qu’il faut contrer. Ne nourrissez pas votre lecteur avec des choses qu’il sait déjà. C’est le même principe qui consiste à ne pas répéter deux fois la même information à l’intérieur de votre scénario. Si l’opinion publique s’est déjà forgée une image d’un univers singulier, représentez cet univers d’une manière nouvelle, sous un angle qui surprendra le lecteur sur ses expectations.